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Vallecano : les amis des néonazis sont mes ennemis

Par Robin Delorme
Vallecano : les amis des néonazis sont mes ennemis

Alors que leur président souhaite s’attacher les services de Roman Zozulya, soupçonné de lien avec des groupes néonazis ukrainiens, tous les supporters du Rayo Vallecano se sont mobilisés contre sa venue. Une ambiance délétère autour du club, entre propagande russe et soutiens politiques, qui rappelle que Vallecas est un quartier sans pareil en Espagne.

En cet après-midi dominical, le Nuevo Estadio de Vallecas n’a cure du match qui se déroule devant ses yeux. Alors que le Rayo Vallecano reçoit l’UD Almería pour le compte de la 24e journée de Segunda Division, le supporter local fait corps pour remporter un combat idéologique plus que sportif. De la première minute jusqu’au coup de sifflet final, elle reprend en chœur des chants à l’encontre de son président, Martin Presa, et de sa nouvelle recrue, Roman Zozulya. Déclaré coupable de crime de lèse-majesté contre les idéaux de ce barrio et persona non grata dans le quartier par les supporters du Rayo, l’attaquant ukrainien, pourtant officiellement prêté par le Betis Séville, décide ainsi en ce début de semaine de ne pas honorer cette pige de six mois dans le quartier le plus à gauche de Castille et, sans doute, d’Espagne. En cause, une supposée appartenance à des groupes néonazis de son pays natal et, de fait, une incompatibilité avec la conscience politique qui définit le Rayo Vallecano et ses supporters. Pourtant, la vérité semble moins évidente, entre propagande russe, pression populaire et coup de force présidentiel.

Collabo ukrainien, milice néonazie et No Pasaran

Loin d’être le premier à envenimer les relations entre dirigeants et supporters, cet épisode illustre tous les maux qui traversent le Rayo Vallecano, redescendu au second échelon national à la fin de la saison passée et en proie aux choix abracadabrants de son président, Martin Presa. Après la création d’une franchise dans l’Oklahoma ou encore les recrutements lunaires de joueurs chinois, ce proche de l’Opus Dei prend une nouvelle fois le peuple rayista de court en ce mercato hivernal en allant dégoter Roman Zozulya, abonné de la banquette au Betis Séville. Problème, le natif de Kiev s’est, durant la révolution ukrainienne qu’il côtoie de près – lui qui milite alors au Dnipro Dnipropetrovsk – rapproché de groupes paramilitaires à la réputation sulfureuse. Ce qui n’échappe pas aux nombreux supporters du Rayo, dont Angel Domínguez, président de l’ADRV, principale association regroupant les multiples peñas du club : « Lorsque nous avons appris quel joueur il(Martin Presa, ndlr) voulait recruter, nous sommes allés vérifier son passé sur internet. Rapidement, nous avons pris contact avec le club, car ce joueur ne collait pas avec les valeurs que nous avons toujours défendues. »

En d’autres termes, dans un quartier meurtri par la crise qui fait de la solidarité et de l’aide aux défavorisés son cheval de bataille, les multiples clichés de Zozulya, kalachnikov en main ou posant pour les affiches de Narodna Armiya, milice de volontaires proche du ministère de la Défense ukrainien, passent mal. Rapidement, ces accusations prennent une autre tournure, le supporter madrilène considérant que leur nouvel attaquant s’est acoquiné avec des groupes paramilitaires néonazis. « Il s’en est lui-même réjoui sur Twitter, affirme ce même señor Domínguez.Il a posté des photos de Stepan Bandera (collabo ukrainien avec les nazis, ndlr), avec le bataillon Azov… Il a même financé ces collectifs. » Parmi toutes ces affirmations, difficile de faire le tri, d’autant plus que la propagande russe s’invite dans la bataille. Par deux de ses canaux principaux d’information, l’agence Sputnik et la chaîne de télévision Russia Today, le pouvoir moscovite « véhicule Maidan comme la consécration des néonazis. Idem, ils ont prêté à Zozulya des liens difficiles à confirmer avec ces groupes » , tance Borja Lasheras, directeur du Centre européen des relations extérieures de Madrid, au Pais.

Angel Domínguez : « Je préfère descendre en Segunda B plutôt que de voir Zozulya »

Cette guerre de l’information prend même des contours d’affaire d’État après ce week-end. Prompt à réagir, l’ambassadeur d’Ukraine en Espagne fait le tour des radios et des studios télé. En compagnie de Javier Tebas, président de la LFP connu pour ses positions ouvertement franquistes, Anatoliy Scherba décrit Zozulya comme « un patriote ukrainien et un exemple à suivre pour les jeunes de notre pays » . Quant au sieur Tebas, autre persona non grata à Vallecas, il en appelle au gouvernement espagnol qui, selon lui, doit prendre une position forte en faveur du joueur. Un comble, sachant que ce même président de la Ligue estime que football et politique ne font pas bon ménage… Même son de cloche chez Martin Presa, président décrié et propriétaire à hauteur de 98 % du Rayo : « Les principales valeurs du Rayo sont la tolérance et le respect. Ici, nous jouons au football, indépendamment de l’idéologie, de la religion, de l’orientation sexuelle ou de la couleur de la peau. Seules quelques personnes sont coupables de ce qu’il s’est passé mercredi et elles ne représentent pas les valeurs du Rayo. Ceci n’est pas le Rayo. »

Entre les lignes, le président Presa pointe du doigt l’attitude des Bukaneros, le groupe des ultras de Vallecas, bien connus pour leurs prises de position à gauche toute, mais aussi pour leurs actions sociales, qui seraient à l’origine de la banderole déployée au centre d’entraînement la semaine passée – « Vallecas n’est pas un endroit pour les nazis, ni pour toi Presa » . Une attaque dans le vent, donc, comme le confirme Angel Domínguez, chef de file de ce groupe de supporters : « Cette initiative n’a rien à voir avec les ultras, nous l’avons dit à de multiples reprises. Mais la réponse du président est dans la droite ligne de ses décisions. On dirait que si le public dit blanc, il doit répondre noir. Presa nage à contre-courant. » Et bientôt seul ? À en croire la dernière rencontre, oui. Car en lieu et place d’un match, Presa a dû subir, 90 minutes durant, les attaques d’un public bien plus remonté contre lui que contre Roman Zozulya. « Je suis socio du Rayo depuis que je suis né, conclut Angel Domínguez, la gorge nouée. Mais je préfère descendre en Segunda B plutôt que de voir Zozulya porter notre maillot. »

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