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« Sur mon agenda, les matchs des Bleus sont marqués un an à l’avance »

Par Théo Denmat
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Dieu seul sait pourquoi, mais l’homélie délivrée par le Père René-Luc le dimanche 19 juin lors du Jour du Seigneur est sûrement la plus commentée de l’histoire de la plus vieille émission du PAF. Le tout grâce à quoi ? Une comparaison inattendue entre Jésus et Didier Deschamps, bien plus réfléchie qu’il n’y paraît. Interview Dieu du stade, entre gangster et accident de moto, en passant par Bangui et le Vatican.

Comment vous est venue cette idée folle ?Pour commencer, moi je ne viens pas forcément du milieu chrétien depuis toujours. C’est-à-dire que j’ai eu une conversion, je n’ai pas connu Jésus depuis l’enfance. J’ai eu une expérience de vie un peu compliquée, parce que je n’ai pas connu mon vrai père, et mon beau-père – c’est-à-dire le mari de ma mère – était un gangster. Il s’est suicidé devant moi quand j’avais 14 ans avec un revolver. Peu de temps après, j’ai eu l’occasion d’écouter un témoignage à Montpellier d’une personne qui avait rencontré Dieu, et j’ai moi-même fait une expérience spirituelle de manière forte. Je peux dire en toute simplicité que je n’ai pas simplement rencontré Jésus comme quelqu’un qui a appris ça au catéchisme, mais que je l’ai rencontré. Pour moi, Jésus est vraiment quelqu’un de vivant, avec qui je parle. Petit à petit, j’ai totalement changé de vie au point de devenir prêtre.

Et c’est comme ça que vous vous êtes retrouvés ce dimanche 19 juin au Jour du Seigneur Je fais partie de l’équipe des prédicateurs qui sont appelés une fois tous les trimestres à peu près, on est une dizaine. Là, c’était mon tour à Rouen, et le thème de l’évangile, c’était une question que pose Jésus aux disciples : « Pour les foules, qui suis-je ? » L’homélie qui vient ensuite a pour but de commenter le texte de la vie de Jésus qu’on nous a donné, je ne peux pas dire n’importe quoi. Eh bien du coup, j’ai imaginé ces foules du stade. Je me suis dit, tiens, à la sortie des stades il faudrait dire « Et pour vous qui est Jésus ? » C’est comme ça que l’idée a commencé à germer dans ma tête. Mais connaître Jésus, c’est une chose, le rencontrer en est une autre. J’ai pris l’exemple de Deschamps parce que c’est lié à l’Euro, mais si ça avait été Roland-Garros, j’aurais dit : « Connaissez-vous Rafael Nadal ? » Petite parenthèse, Deschamps, c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup parce que mon équipe de cœur, c’est Marseille. L’idée, c’est qu’il y a beaucoup de chrétiens en France qui le connaissent, ce Jésus-là, mais qui ne l’ont jamais rencontré. Ce n’est pas devenu un ami. Alors vous allez me dire, c’est vachement dur d’être ami avec quelqu’un qui est mort et qui est ressuscité, je sais bien (rires). Mais c’était la suite de l’homélie qui n’a pas été reprise évidemment, expliquer comment faire pour faire cette rencontre, les chemins sont variés.

Dans votre homélie, vous dites : « Beaucoup de français connaissent Jésus, mais ne l’ont pas rencontré, ils n’ont pas établi avec Jésus une relation personnelle » Et vous, vous avez établi une relation personnelle avec Deschamps ? Ben non, pas du tout, d’ailleurs si j’ai l’occasion grâce à cet article de lui serrer la main, ma relation à Deschamps sera totalement différente, il y aura une amitié, voyez. De toute façon, c’est comme avec Jésus, quand on connaît quelqu’un, on lui parle ! Je fais une petite parenthèse, si je vous fais parvenir mon bouquin dédicacé, vous avez les moyens de le faire parvenir à Deschamps ?

Deschamps est un homme, et Jésus est Dieu. C’est pour ça que je suis un peu attristé qu’il y ait eu un glissement.

Vous pouvez essayer de l’envoyer à Clairefontaine… D’ailleurs, ce message signifie pour vous que l’existence de Jésus est certifiée comme celle de Deschamps ? Vous opposez le spirituel au réel.Non non, ce n’est pas une question de certification, parce que ça c’est au niveau d’un concept de foi. Là, c’est plutôt au niveau de… la qualité de la rencontre. C’est pas de dire : « Jésus existe comme Deschamps existe » , pas du tout, mais « je connais Deschamps sans l’avoir rencontré, comme Jésus » . Il faut être fou pour dire que Jésus n’a pas existé, il y a mille fois plus de preuves de l’existence historique de Jésus que de celle de César. L’existence de Jésus, personne ne peut la nier. Ce qu’on peut avoir plus de mal à croire, c’est qu’il est ressuscité. Moi, si j’ai renoncé à me marier, c’est parce que ce Jésus, je lui parle comme un ami. C’est une rencontre intime, intérieure, qui est aussi importante dans ma vie que celle d’un ami. Vous-même, j’imagine que c’est différent si vous écrivez un article sur quelqu’un que vous connaissez professionnellement, ou quelqu’un qui avec qui vous avez passé une soirée, à discuter.

Quels points communs vous pouvez leur trouver ?Ah ben justement, c’est ce que je regrette un peu, les gens ont dit que j’avais comparé Jésus à Deschamps. Mais c’est pas ça du tout ! Deschamps est un homme, et Jésus est Dieu. C’est pour ça que je suis un peu… attristé qu’il y ait eu un glissement. Bon, il n’y a pas trop eu en France, mais surtout à l’étranger : « Un prêtre compare Jésus à Deschamps » , l’air de dire qu’il est notre sauveur et qu’il va nous faire gagner l’Euro…

C’est surtout en Italie que vos propos ont été mal reçus, puisque la Gazzetta dello Sport a fait une très mauvaise traduction… Ah bah oui, vous voulez que je vous dise ce qu’ils ont dit ? Laissez-moi une minute pour retrouver l’article, je parle italien couramment…. J’ai reçu le lien sur Whatsapp hier par un ami italien, moi j’étais pas au courant évidemment (son téléphone n’a plus de batterie, très long silence). C’est n’importe quoi franchement (rires). Ces Italiens… Alors : « Un prêtre explique que Jésus est exactement comme Deschamps. Le fils de Dieu est comme le capitaine. » En plus, ils se trompent c’est le sélectionneur. « Pour gagner l’Euro, la France peut compter sur un guide sûr, Jésus, ou mieux Deschamps, qui est un peu comme le fils de Dieu. À Clairefontaine, les joueurs français ont la chance de fréquenter Deschamps tous les jours, et avec Jésus sur le banc, la France peut se sentir bénie de Dieu. » Bon, la dernière phrase, c’est le truc classique, ils ont voulu faire un peu d’humour, ça, ça ne me dérange pas. Mais vous imaginez ce qu’ils mettent ? C’est ridicule, quoi.

Ça vous a attiré les foudres de l’église italienne ?Non quand même pas ! Le Vatican n’a pas réagi, mais je sais que des prêtres italiens ont lu et se sont dit « Mais c’est quoi ce prêtre français qui raconte n’importe quoi ? » Moi, je me mets à leur place, si je lis qu’un prêtre italien dit : « Jésus c’est comme Platini » , c’est du délire. C’est parce qu’ils n’ont pas eu l’occasion de vérifier.

Je suis parti en Afrique et j’ai monté un club de foot. Quand je suis parti il y avait 600 jeunes qui étaient inscrits. Certains sont même devenus joueurs de l’équipe nationale de Centrafrique.

Vous n’avez jamais douté devant les caméras ?Non franchement, parce que c’est ma manière de prêcher. Je fais toujours une petite accroche au début, vous pouvez aller voir sur ma chaîne Youtube. Toutes mes homélies commencent par une petite histoire. C’est vrai que je ne m’attendais pas du tout à ce buzz-là, mais je ne me suis pas dit : « T’en fais trop » , ou quoi. J’aime bien prêcher de manière simple avec des images. J’ai toujours appris depuis que je suis prédicateur qu’on retient mieux une image que mille mots. Puis je ne me prends pas au sérieux. J’aime bien cette phrase, qui n’est pas dans la Bible, mais qui pourrait y être : « Bien heureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes, ils n’ont pas fini de s’amuser. » Je fais les choses sans me prendre pour ce que je ne suis pas, et en y mettant tout mon cœur. Le but, c’était que les foules se posent la question « Pour moi, qui est Jésus ? » et d’une certaine manière, ma foi, j’y suis parvenu.

C’était votre première accroche footballistique ?Je ne l’avais jamais fait avant. J’ai une histoire avec le foot assez particulière parce que dans mon enfance difficile, la seule chose qui pouvait me détendre, c’était le foot. Donc je passais des heures à jouer à cette période particulière où mon beau-père était en prison, on était poursuivis par lui, on se cachait… Mes frères et sœurs le savent, comme on était pauvres, je n’avais même pas de quoi m’équiper ou aller dans un vrai club, donc je tapais avec mon ballon contre le mur de la maison – le ballon était complètement rappé à force. Et boum, boum, boum, je tapais, je tapais, je tapais, je tapais… Je passais des heures et je ne faisais aucune étude. Quand je suis entré au séminaire, j’ai fait partie de l’équipe universitaire de foot à Rome, donc j’ai beaucoup joué au foot là-bas dans des championnats. Dans mon livre, j’ai un chapitre qui s’appelle « Foot ethnique en Afrique » , parce que je suis parti en Afrique et j’ai monté un club de foot. Quand je suis parti, il y avait 600 jeunes qui étaient inscrits. Certains sont même devenus joueurs de l’équipe nationale de Centrafrique.

Sérieux ? Vous avez des noms ?Ah ouais, je vous raconte pas des craques, c’est marqué dans mon livre ! Malheureusement je ne connais plus les noms parce que c’était en 88-90. C’est les gens de là-bas qui m’ont écrit en me disant « Ah tiens, il y a tels joueurs de notre mouvement qui ont percé. » Le mouvement s’appelle Don Bosco. Je suis arrivé en 1988 à Bangui dans un quartier assez pauvre où il n’y avait rien, pas de terrains de foot, et des jeunes qui n’avaient pas grand-chose pour eux. Je me suis pris en main, j’avais 20 ans à l’époque hein, j’ai fait venir des niveleuses et fait construire un stade de foot. On a rapidement eu une dizaine d’équipes, énormément de monde. Au fil des années, de ce quartier de Boy Rabe, certains joueurs sont devenus des joueurs de l’équipe nationale.

Si je dis : « La semaine dernière, j’étais au match de foot à la Mosson, et j’ai été très surpris par l’ambiance qu’il y avait« , les gens, ils vous regardent « Mais qu’est-ce qu’il raconte, le curé ? » Je les ai accrochés.

C’est fou, le foot et vous, ça a toujours été une belle histoire d’amour, en fait.Le foot, ça a été une belle histoire d’amour qui s’est un peu arrêtée. Dans les dernières années, je jouais encore au foot à 7, bon maintenant j’ai 50 ans… Mais j’ai eu un grave accident de moto en 2012 qui fait que j’ai une douleur en permanence au nerf L5 (à la racine du nerf sciatique, ndlr). J’ai fait mon deuil du foot, ça a été très dur. Mais sur mon agenda de prêtre, les matchs de l’équipe de France sont marqués un an à l’avance (rires). Je ne peux pas regarder les autres parce que j’ai trop de travail, mais ceux-là, je ne les loupe pour rien au monde.

Pour revenir à votre homélie, est-ce que vous pensez que l’Église aurait intérêt à vulgariser son discours comme vous l’avez fait ?Si je dis ça, c’est un peu délicat pour moi, parce que ça voudrait dire que je pense qu’elle ne fait pas ce qu’elle devrait faire (rires). Disons que je pense que c’est bien, mais si vous mettiez un micro dans les églises, je connais plein de jeunes prêtres qui sont très talentueux dans leur manière de faire leurs homélies. Il faut à la fois garder du sérieux et du spirituel, et mettre une accroche qui colle à la vie des gens. Quelque chose pour éveiller l’attention. J’ai reçu une formation à l’homélie, hein, c’est pas moi qui l’aie inventé. Imaginez que je ferme le bouquin et je dis : « Comme nous l’avons vu dans l’Évangile, Jésus multiplie les pains parce que… » bon les gens, déjà, ils décrochent. Mais si je dis : « La semaine dernière, j’étais au match de foot à la Mosson, et j’ai été très surpris par l’ambiance qu’il y avait » , les gens, ils vous regardent : « Mais qu’est-ce qu’il raconte, le curé ? » Je les ai accrochés.

En tout cas, parler foot pendant Le Jour du Seigneur, c’est une grande première. Bah je ne suis pas sûr. C’est une première que ça fasse un tel buzz, peut-être, mais je pense qu’il y a plein de prêtres qui ont dû faire des allusions au rugby… ça me semble pas si exceptionnel que ça. À mon avis, il faudrait surtout que les journalistes écoutent plus souvent les homélies du Jour du Seigneur, parce qu’il y en a vraiment de très très bonnes.

On sait que les prêtres chantent toujours très bien, mais comment est-ce que vous vous situeriez par rapport à des supporters de foot ?C’est difficile pour moi de répondre à cette question parce que je ne vois pas des supporters comme des chanteurs, mais comme des gens qui ont de la voix et de l’enthousiasme. On est dans un style très différent, le prêtre, il ne faut pas qu’il hurle, il faut qu’il chante. Alors que le supporter, il faut qu’il hurle (rires). Puis c’est surtout pas les mêmes paroles…

Dans cet article :
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Par Théo Denmat

Le livre du Père René-Luc Dieu en plein cœur », sorti en 2014, est disponible aux éditions Presses de la Renaissance.

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