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Djoul, l’ovni de l’Olympique novais

Par Victor Marie
8 minutes

France 3 a posé ses caméras à l’Olympique novais pour sa deuxième saison des Héros du gazon. Et au milieu de cette équipe de peintres, le profil de Djouldi Salim, dit "Djoul", sort du lot. Un profil validé par Rolland Courbis en personne.

Djoul, l’ovni de l’Olympique novais

38 minutes de bagnole pour traverser Grande-Terre, attraper le ferry à Mamoudzou pour rallier Petite-Terre et l’aéroport international Marcel-Henry. 9h28 de Boeing via la compagnie Air Austral pour atterrir à Lyon Saint-Exupéry. 53 minutes de Ouigo et pour atteindre la gare d’Avignon TGV. 33 minutes sur la ligne 915 des bus ZOU pour être lâché dans le quartier de Bonpas. Et enfin, 44 minutes de marche en rab afin d’accéder, enfin, au stade du Moulin, à Noves, dans le nord des Bouches-du-Rhône. Sur le papier, il ne faut « que » 12 heures et 51 minutes porte-à-porte (et quelques temps morts) pour parcourir les 8 773 kilomètres séparant Tsingoni à Mayotte de l’enceinte de l’Olympique novais. En réalité, il aura fallu 22 ans à Djouldi Salim pour faire ce chemin.

Je ne serais vraiment pas surpris qu’il puisse réussir à monter d’un niveau. C’est le contraire qui m’étonnerait.

Rolland Courbis

Cette virée lui a permis de laisser derrière lui les Diables noirs de Combani pour ramasser des volées contre le FC Villeneuve B, avec l’équipe décrite comme étant à la fois « la plus mauvaise de l’Hexagone » et « la plus attachante » dans cette catégorie. Ce sont d’ailleurs ces lignes sur le CV qui ont attiré les caméras de France 3 et la production de Puzzle Media label Endemol France, pour la saison 2 de son émission Les Héros du gazon, sorte de Cauchemar en cuisine version ballon, avec Rolland Courbis dans le rôle de Philippe Etchebest. « Djoul », comme on l’appelle dans ce coin de Provence, fait partie du casting et n’aura donc pas fait le voyage pour rien.

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STAPS by step

Avant le service public, c’est Hadrami Lihadji qui a repéré le talent de Djouldi. « C’est grâce à lui que je me suis pris ma première licence de football en U8 chez les Diables noirs, le club de foot de Combani », affirme le jeune Mahorais. Belle inspiration de celui qui joue actuellement en Régional 2 au Racing Club Lédonien (club de Lons-le-Saunier, dans le Jura) : Djouldi est un attaquant doué. Malgré son talent évident, le bomber n’envisage pas la possibilité de tout miser sur le football. Sans calcul et pour le plaisir, il se contente de gravir les échelons dans les catégories jeunes des Diables noirs, en parallèle de ses études. Ses impressionnantes aptitudes athlétiques couplées à sa vivacité d’esprit lui permettent même de se payer le luxe d’être bon en foot… sans réellement s’y intéresser. « Je n’ai pas toujours été attiré par le football », résume-t-il. Si Djouldi n’est alors pas un grand fada des 4-3-3 à pointe basse ou autres Tottenham-Crystal Palace, il n’en demeure pas moins fier de voir jouer à haut niveau d’autres natifs de son île : « Le premier nom qui me vient à l’esprit, c’est Toifilou Maoulida. Il y a aussi El Fardou Ben Nabouhane à l’Étoile rouge de Belgrade. »

Des premiers de cordée dont il n’a suivi qu’approximativement les traces. Parce que s’il a quitté sa chère « île hippocampe » (surnom de Mayotte dû à sa forme particulière), c’est pour s’ouvrir d’autres horizons. « Ce choix de venir en métropole a été rapidement pris. Parce que j’ai toujours voulu voyager et découvrir le monde. » Après un baccalauréat ES et fort d’une excellente moyenne en EPS, Djouldi s’engage dans une licence de STAPS à Saint-Étienne. En parallèle, le Mahorais continue à taper dans le ballon sur son temps libre avec son grand frère Kazmir, arrivé plusieurs années avant lui, afin de garder un niveau compétitif. « Un bon gardien de but dans des détections, mais hélas, ça ne l’a jamais fait pour lui. » Ce dernier travaille déjà, dans un magasin de sport FootKorner. Le foot reste donc à ce moment un simple loisir, au même titre que le dessin ou le rap new wave. « Je me produis chez moi dans mon Home Studio. » La licence en poche, il est accepté en Master 2 de politiques sociales, à Avignon, ville dans laquelle son frère est aussi muté. Le hasard fait bien les choses, jusque dans les rayons du centre commercial Mistral 7, où le jeune frère arrondit ses fins de mois. Lorsque Kazmir constate que l’un de ses vendeurs, Rayan, est aussi défenseur central dans la réserve d’un club de D4 local, il le met immédiatement en contact avec son petit frère. C’est à cette étape que le contact avec l’Olympique novais a lieu.

Un défi de taille à plusieurs titres pour le Mahorais : en plus de devoir intégrer une nouvelle activité à son emploi du temps déjà partagé entre études, job, production de rap et dessin, Djouldi doit élever son niveau de jeu pour taper dans l’œil du board novais. Même si l’équipe ne semble pas taillée pour figurer correctement dans la poule D de la 4e division de district Grand-Vaucluse, il doit montrer ce qu’il a sous la semelle pour se faire une place. Et lors d’une saison 2024-2025 qui a vu ses Diables noirs de Combani s’offrir une épopée en Coupe de France (jusqu’au huitième tour et une élimination face à Corte), Djouldi Salim intègre l’effectif de la réserve.

Le bal des surnoms

Et quel effectif ! Introduit par Rayan, Djouldi découvre une belle bande de barjots. Pêle-mêle non exhaustif : Mickaël, « meilleur buteur de l’équipe avec… 3 buts la saison précédente » (de son propre aveu), est le beau-père de Kenzo, milieu offensif fantasque ; « Pépito » et son pote Valentin dit « Hospice » (de son nom de famille) animent le milieu de terrain avec une moyenne de 3g de whisky dans le sang les dimanches matin ; le capitaine Vincent « Kiwi » (jeune calvitié donc…) et Jonathan, surtout connu sous le nom de « Shrek » (inspiration de potes lors d’un apéro 20 ans plus tôt), alternent aux cages… quand ce dernier n’égare pas ses lunettes.

Ce sont tous des gens formidables, mais ils abusent trop. Lors du premier match, je vois arriver un gars avec une bouteille de whisky, il est complètement bourré, et le pire, c’est qu’il est titulaire.

Djouldi Salim

Un « Kiwi » multitâche par ailleurs : quand il ne garde pas les bois, il dépanne à la fois défenseur, coach des féminines et… sponsor maillots du club via son poste de responsable de secteur chez Mondial Pare-brise. Quant à Vincent, le trésorier, il admet sans détour et avec humour « n’avoir jamais tapé dans un ballon, ne pas aimer le football, et ne pas en connaître les règles ». Pas besoin de préciser que l’équipe 2 de l’Olympique novais n’a pas d’entraîneur, mais répond à tous les critères du foot du dimanche. Ainsi, Djouldi se démarque par son hygiène de vie correcte. « Ce sont tous des gens formidables, mais ils abusent trop, se marre-t-il. Lors du premier match, je vois arriver un gars avec une bouteille de whisky Pépito » après recherches, NDLR), il est complètement bourré, et le pire, c’est qu’il est titulaire. »

Au sein de cette armée mexicaine, aussi impossible qu’impensable pour le natif de Combani de continuer sans pseudonyme : Djouldi est mort, longue vie à « Djoul ». Référence évidente à l’ovni Julien Mari, dans un vestiaire majoritairement autant fan de rap que de l’OM, mais qui a aussi ses variantes. « On m’appelle aussi “Djoude” comme “Jude Bellingham” par ceux qui ne sont pas team JUL. Et le surnom de “Djoude” est aussi en référence à Jude Sharpe du dessin animé Inazuma ». Trois surnoms pour un seul homme, Djouldi le vaut bien. L’attaquant finit par trouver sa place dans le 11 novais, en assumant les particularités de son jeu. Notamment la meilleure de ses qualités, d’après ses dires : « Mes retours défensifs. » Un collègue développe : « Il sort les crocs sur le terrain, il est totalement différent de ce qu’il est en dehors. » Ne tiendrait-on pas là le Cavani de la D4 vauclusienne ?

Le déclic Courbis ?

Pourtant, le Matador mahorais ne fera pas de miracle : la réserve de l’Olympique Novais ne se donne pas exactement les moyens de briller en poule D Vaucluse de D4, et se prend branlée sur branlée lors du premier exercice de Djoul. Pas dans le tempo, à contretemps d’un 11 qui prend l’eau de toutes parts match après match, Djoul ne peut éviter le marasme novais. L’équipe 2 du Villeneuve FC, la 3 de Gadagne, l’Avenir Club d’Avignon… Toute la division roule sur l’ON. « L’année dernière, c’était des matchs de rugby à coups de 14-0 ou 16-0 » exagère un poil « Pépito », qui peine alors à colmater les brèches au milieu de terrain pour éviter une différence de buts de… -58 en fin de saison. 18 matchs, 6 points, 1 unique victoire, une moyenne de 4 buts encaissés à chaque partie pour moins d’un caramel planté : sans surprise, les Novais font une magnifique lanterne rouge en clôture du championnat 2024-2025.

C’est là qu’intervient Coach Courbis pour lancer la saison actuelle sur de meilleures bases. « Quand on m’a dit qu’en 15 matchs, il y avait 12 défaites et 3 nuls, je me suis dit : si jamais on fait l’exploit de gagner, même 1-0 sur un malentendu, on va être très heureux », ricane le truculent Rolland, lors de l’avant-première du documentaire. Mais l’ancien coach de l’OM, de Rennes ou encore Montpellier n’avait pas mesuré la chance de tomber sur un attaquant comme Djouldi Salim, qui claque sous ses yeux un triplé agrémenté d’un double salto arrière à la Aubameyang. « Je ne serais vraiment pas surpris qu’il puisse réussir à monter d’un niveau. C’est le contraire qui m’étonnerait, note Courbis. C’est un mec sympa et attachant. Il fait partie des joueurs qui donnent l’envie à un entraîneur d’entraîner. Et ça, je n’y ai pas échappé. »

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Par Victor Marie

Tous propos recueillis par VM.

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