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Stéphane Moulin : « Plus rien ne vous atteint après ça »

Propos recueillis par Victor Lamand
9 minutes

Plus de deux ans après avoir quitté le Stade Malherbe de Caen, Stéphane Moulin a repris du service à Valenciennes et va goûter pour la première fois au championnat National, avec un déplacement ce vendredi à Châteauroux. Une longue pause due en grande partie à la perte de son épouse en janvier 2023. Il revient sur cet épisode bouleversant et sur sa longue reconstruction.

Stéphane Moulin : « Plus rien ne vous atteint après ça »

En janvier 2023, vous avez dû faire face à un événement tragique avec le décès de votre épouse, Armelle, des suites d’un cancer du sein. Comment allez-vous aujourd’hui ? 

Mieux. J’ai subi un véritable accident de la vie que je ne souhaite à personne. C’est une période qui restera comme un vrai traumatisme, une épreuve où tout est remis en question. Ça ne s’effacera jamais mais la vie doit reprendre son cours. Il faut continuer à avancer et c’est ce que je me suis attaché à faire. Et quand la passion se met à frapper à sa porte, c’est plutôt bon signe puisque ça veut dire aussi qu’on reprend goût à la vie.

Vous êtes-vous senti soutenu par le monde du football dans cette épreuve ? 

Tout le monde a été très bienveillant à mon égard. J’ai reçu beaucoup de témoignages du monde du foot. C’est réconfortant mais malgré tout, ça reste dur.

Entre le diagnostic et le décès de votre compagne, il ne s’est passé que deux mois. Comment vit-on cette période ? 

On a très vite su et compris que malheureusement, il n’y aurait pas d’autre issue. On peut s’y préparer, mais on n’est jamais prêt à entendre et à vivre ces choses-là. Aujourd’hui, j’ai envie de regarder devant moi sans jamais rien oublier. Que je ne vive plus pour moi, ça n’aurait pas eu de sens pour elle. Si je suis sur le bon chemin, c’est parce qu’elle m’avait boosté quand elle en avait encore les forces. Je n’ai pas envie de la décevoir. Et c’est aussi une forme de respect.

Pour moi, rien ne sera jamais plus comme avant, donc on va chercher au fond de soi des forces qu’on ne soupçonne même pas.

Stéphane Moulin

Vous êtes revenu sur le banc du Stade Malherbe de Caen seulement 20 jours après son décès…

Je ne pouvais pas rester à me morfondre, j’avais besoin de reprendre contact avec les gens, avec les joueurs, avec mon staff. J’avais besoin de me remettre dans la vie parce que j’ai aussi des enfants et même pour moi, je devais penser à autre chose pour avoir l’esprit occupé. Le premier match (à Annecy, le 31 janvier, NDLR), on le perd malheureusement. Mais l’objectif était ailleurs et cette défaite m’a donné encore plus d’envie, de rage et la volonté de repartir de l’avant. Ce qui fait qu’on termine bien la saison avec une cinquième place.

Cette situation a insufflé quelque chose de spécial en vous et dans votre groupe ?

Oui, il y a eu une espèce de solidarité entre les joueurs, le staff et moi-même. J’ai senti beaucoup de soutien du public à ce moment-là. Pour moi, rien ne sera jamais plus comme avant, donc on va chercher au fond de soi des forces qu’on ne soupçonne même pas. Il faut conjurer ce mauvais mood et montrer que, malgré tout, on est encore là.

Le football a agi comme une bouée de sauvetage à ce moment-là.

Oui, tout à fait. À la fin de cette saison, je quitte Caen pour d’autres raisons mais toutes ces forces que j’avais développées sur ces cinq mois, je suis allé les puiser au fond de moi-même. Si bien qu’à un moment donné, je ne me voyais pas repartir. J’avais tout donné, je n’avais pas les forces pour le refaire. Et sincèrement, je voulais aussi me consacrer à autre chose, notamment à mes enfants. Il fallait les aider à vivre au mieux ce drame et ma place était d’abord auprès d’eux. C’est pour ça que je me suis mis dans cette parenthèse.

 

Est-ce que ce drame a changé votre manière de percevoir la vie et votre profession ? 

Oui car plus rien ne vous atteint après ça. Il y a des choses qu’il faut relativiser. Le foot c’est important, c’est mon métier, c’est ma passion, mais j’ai pu me rendre compte que le foot, ce n’est pas toute ma vie, il n’y a pas que ça. Et le grand problème des footeux, du moins quand ils n’ont pas connu de moments aussi graves, c’est qu’ils ne parviennent à relativiser. Maintenant, je suis dans un nouveau projet avec le VAFC et j’ai très envie de le réussir, mais je sais aussi qu’il faut savoir de temps en temps prendre un peu de recul et de hauteur.

Ces deux années m’ont permis d’avancer, de progresser et c’était aussi l’occasion de me remettre un peu en question. C’était une introspection.

Stéphane Moulin

Qu’avez-vous fait pendant ces deux ans de pause ? Qu’avez-vous appris sur vous ? 

J’ai essayé de me reconstruire, de me réinventer notamment en restant dans un domaine que j’apprécie tout particulièrement, le management. J’avais travaillé là-dessus et j’ai fait des conférences sur ce sujet-là à Angers et ses environs. Je suis intervenu dans des entreprises, dans des écoles, dans des associations pour raconter mon histoire – mon histoire liée au management. J’ai essayé d’apporter quelque chose à des personnes qui voulaient devenir manager ou qui l’étaient, mais je l’ai fait avec beaucoup d’humilité car personne n’a la science infuse. Ces deux années m’ont permis d’avancer, de progresser et c’était aussi l’occasion de me remettre un peu en question. C’était une introspection. Et aujourd’hui, je vois le management d’une autre manière. Je ne suis pas sûr que seuls des bons résultats font de vous un bon manager, mais je sens que j’ai mis à profit ce temps-là pour évoluer.

Donc pour être meilleur en tant qu’entraîneur ?

J’espère. (Rires.) J’ai pu me confronter à des chefs d’entreprise, voir une autre manière de travailler et ça c’est hyper enrichissant.

Vous avez songé à arrêter le football et à vous focaliser sur une reconversion dans ce domaine ? 

Pas vraiment puisque j’ai suivi tous les matchs d’Angers (club qu’il a entraîné de 2011 à 2021, NDLR) et de Caen. Deux choses auraient pu me pousser à arrêter : soit je n’intéressais plus personne, soit je n’avais plus l’envie. J’avais besoin de ce temps, mais au bout d’un an, j’ai de nouveau eu l’envie, j’ai de nouveau ressenti ce besoin et quand on ressent ça, il faut laisser libre cours à ses sentiments.

Il y a eu des appels durant cette période ? 

J’ai eu pas mal de sollicitations, environ une dizaine, essentiellement en France, mais je ne me sentais pas suffisamment solide pour répondre aux exigences de ce métier. Je me devais d’être honnête.

Alors pourquoi avoir accepté Valenciennes, pour votre retour sur un banc ? 

Le club m’avait contacté en novembre 2024 mais pour des raisons qui me sont propres, je ne sentais pas trop le truc. Ils m’ont recontacté au mois de mai et j’ai trouvé le côté insistant très important. Ça voulait dire qu’ils me voulaient et puis le feeling, l’échange a été bon.

Pourtant, c’est une région et un championnat que vous ne connaissez pas. Vous n’avez pas vraiment choisi la facilité. 

Je sais bien mais j’ai envie de vous dire que je respecte tout le monde, sans avoir peur de personne. Je n’ai pas peur. Le foot, ça reste un sport. Alors évidemment qu’il y a des objectifs, des ambitions. Forcément, ça aurait été plus tranquille et moins risqué de rester chez moi. J’en suis conscient, mais dans le foot, il n’y a pas grand chose de facile. Je ne suis dupe de rien : si les résultats ne suivent pas, forcément, il y aura des déceptions, et ça fait partie du jeu.

Mon terrain d’expression, c’est le rectangle vert. Pendant les entraînements et les matchs, j’ai retrouvé le sourire.

Stéphane Moulin

Vous vous entourez aussi de personnes de confiance comme Romain Thomas, que aviez déjà connu à Angers et Caen…

On a essayé d’avoir une équipe équilibrée, alliant expérience et jeunesse. Avoir Romain avec moi, c’est une garantie d’avoir un formidable relais. Personne ne connais ma méthode, mon fonctionnement et mes attentes mieux que lui. Il y a aussi l’arrivée de Patrice Sauvaget (ancien coéquipier de Stéphane Moulin à Angers entre 1984 et 1989 avant d’être son adjoint à Angers et à Caen, NDLR.), c’est rassurant. Forcément, c’est plus facile quand on a des alliés.

Est-ce que vous avez retrouvé vos sensations depuis votre arrivée au VAFC ? 

Ah oui, c’est comme le vélo, ça ne se perd pas ! C’est plutôt bon signe. Je suis tellement heureux sur un terrain de foot, mais je le serai encore plus quand on gagnera des matchs. Mon terrain d’expression, c’est le rectangle vert. Pendant les entraînements et les matchs, j’ai retrouvé le sourire.

Qu’est-ce qui vous a le plus manqué ? 

Le travail avec les joueurs, être là pour les aider, les encourager. Essayer de créer un groupe, le faire vivre, penser les mêmes choses au même moment.

Est-ce que vous avez douté après deux années d’absence ?

Pas vraiment car j’ai remarqué qu’on était toujours 11 contre 11, que les buts faisaient toujours la même taille. (Rires.) Deux ans, c’est long et court à la fois. En deux ans, les choses n’ont pas foncièrement changé.

L’idée, c’est aussi de regoûter un jour à la douceur angevine ? 

Je considère que je suis en mission du côté de Valenciennes, mais évidemment qu’Angers restera toujours mon club, ma région. J’y ai ma famille, mes amis, j’ai une histoire avec le club, une histoire avec le public. Je remercie tous les Angevins qui m’accueillent et qui manifestent des gestes de sympathie assez incroyable. D’ailleurs, j’en suis toujours surpris. La douceur angevine, je ne sais pas si un jour j’y reviendrai mais en tout cas, c’est plus qu’une place à part.

Quel message voulez-vous voulez faire passer à celles et ceux qui vivent ou qui ont vécu un drame comme le vôtre ? 

Garder la foi, garder confiance. Aujourd’hui, je peux le dire parce que j’ai réussi à sortir de ce trou. J’y suis arrivé, même si on n’oublie pas, évidemment. C’est plus qu’une cicatrice, c’est quelque chose qui restera à vie dans mon corps et dans mon cœur. Mais à force d’abnégation, de courage, et si on est bien entouré, on peut réussir à reprendre goût à la vie, sans oublier. On peut avoir de nouveau du plaisir dans ses passions, dans la vie du quotidien. Tout est possible et rien n’est jamais fini. En fait, ça ressemble vraiment à un match de foot. Parfois, on va loin dans les analyses. Plusieurs fois, j’ai entendu qu’on était mort, qu’on n’y arriverait pas, mais au final on est capable de renaître de ses cendres quand on a un mental solide et une véritable volonté de poursuivre.

Peut-on dire qu’aujourd’hui vous êtes un homme nouveau ? 

Je ne sais pas, ce n’est pas à moi de le dire. Mais j’ai repris de l’énergie, beaucoup d’espoir et je suis dans une configuration où aujourd’hui, je revis. Je suis vivant et c’est pour moi le plus important.

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