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Stadium Politicus

Par Alexandre Doskov
Stadium Politicus

Dernière ligne droite avant les élections régionales. Il fut un temps où les hommes politiques étaient capables de remplir des stades entiers. Du Parc des Princes au Vélodrome, rien n'arrêtait les superstars de la parlotte lorsqu'ils étaient en période électorale. Tournée des stades en compagnie des bêtes de campagne d'hier et d'aujourd'hui.

Ce samedi 11 avril 1981, la clameur qui s’élève de la porte de Saint-Cloud est formidable. Et oui, 45 000 personnes qui hurlent et tapent dans leurs mains, ça fait du bruit. Le Parc des Princes est plein à craquer, et ses abords sont envahis par les Peugeot 505, Fiat Panda, Ford Escort, et autres bijoux à 4 roues qu’il faut avoir pour être dans le vent au début des eighties. Du virage Boulogne au voisin d’en face d’Auteuil, en passant par les tribunes latérales, tout le monde a les yeux rivés vers la pelouse. Soudain, la foule entière se lève, exaltée, fanatisée. Son héros vient d’apparaître, et s’avance fièrement vers elle. Dominique Rocheteau ? Non, Jacques Chirac, alors maire de Paris et ex-Premier ministre, mais surtout candidat à l’élection présidentielle. Costume clair dont s’inspirera sans doute Ray Liotta dans Les Affranchis, lunettes carrées du mec à la mode avec 35 ans d’avance, Bernadette sous le bras, Chirac a la classe. Un peu plus loin, Charles Pasqua, génial organisateur de cette démonstration de force, jubile. Son poulain est dans la droite lignée des grandes messes gaullistes, où la force du nombre faisait la force tout court, et où le culte du chef était la seule règle qui vaille. Oui, décidément, ce Parc des Princes était l’endroit parfait pour faire la fête.

La guerre du Vélodrome

Car la recette d’un meeting politique réussi est assez simple. Il faut du monde, beaucoup, et du boucan au moment d’applaudir le champion. Parquer quelques dizaines de milliers de militants déchaînés dans une enceinte faite pour résonner, une pratique courante dans les années 80, et que Georges Marchais affectionnait particulièrement. « Je me souviens de ce meeting au Stadium de Toulouse pour les législatives en 1978, il faisait un froid de canard » , se rappelle cet ancien responsable des Jeunesses communistes, qui était alors de toutes les batailles, mais ne souhaite pas être cité aujourd’hui. « Quand vous faites un stade, les journaux en parlent, ça a une autre gueule que si vous êtes dans les topinambours aux alentours. »

Un amour pour les stades que Marchais montrera à nouveau lors de sa campagne présidentielle de 1981, puisqu’il enchaînera des arènes telles que Gerland ou le Vélodrome. Un lieu pratique, mais aussi à la symbolique forte, comme l’affirme ce même ancien chef des Jeunes du PCF : « Remplir le stade de l’OM, ça marque la mémoire collective. Et c’est là où se trouvent les classes populaires et moyennes, c’est un lieu qui est le leur. » Pas surprenant d’y retrouver Jean-Marie Le Pen sept ans plus tard, lui aussi en campagne présidentielle, Marseille étant devenu entre-temps un des bastions du FN. Martial Bild, qui s’occupait alors de la campagne avec entre autres Karl Lang, ne cache pas que « l’idée qu’on allait remplacer Marchais était sous-jacente » , et en parle encore comme l’un des plus grands meetings du Menhir. « On avait rempli le Vélodrome. (…) Et ce lien électoral avec Marseille perdure aujourd’hui, l’étape marseillaise des campagnes de Le Pen est toujours essentielle. En 1988, on avait aussi fait une grande marche dans la ville, il y avait du monde du Vieux-Port à la gare, ça annonçait notre percée à 15%. »

Les derniers tours de piste

Jean-Marie Le Pen a d’ailleurs tellement aimé son passage au Vélodrome qu’il a longtemps utilisé l’image de lui foulant la pelouse comme affiche électorale, avec le slogan « Le Pen, la France » . Mais alors, pourquoi les personnalités politiques actuelles ont-elles déserté les stades ? Pour Martial Bild, les réponses sont simples : « Les prix de location ont augmenté, les partis ont moins d’argent, et ils ont beaucoup plus de mal à remplir des salles. Aujourd’hui, les lieux extérieurs, c’est du plein air. Il y a juste à sonoriser, et c’est bon. » En outre, les politiques sont devenus persona non grata dans certains stades, à commencer par le Vélodrome. Le maire de Massilia, Jean-Claude Gaudin, a ainsi décidé depuis 1995 d’en faire, d’après son communiqué, « un lieu de consensus, un lieu pour le sport, la culture, la fête et l’unité de toutes les communautés » .

Mais surtout, un meeting politique dans un stade demande un effort militant que les partis ne peuvent plus assumer. Transport, billetterie, accueil, sécurité, aux grandes heures du RPR ou du PCF, ces machines de guerre électorales disposaient d’un vivier de militants capable de tout gérer. De nos jours, les partis seraient obligés de faire appel à des sociétés privées, qui ajouteraient des coûts. Dernière tentative en date, celle de Ségolène Royal, en 2007, qui a tenté sa chance à Charléty, pas le plus grand stade de la capitale. C’était le 1er mai, date symbolique pour la gauche, à cinq jours seulement du second tour. Un meeting aux allures d’immense foire, à grand renfort de concerts et d’artistes – plus ou moins – à la mode pour animer la fête. Avec une scène finale à l’incohérence certaine : en vrac, une Geneviève de Fontenay attendant sa prochaine tournée des Super U avec Rachel Legrain-Trapani, un Yannick Noah attendant son prochain shooting Sloggi, un Renaud attendant la prochaine tournée, un Yvan le Bolloc’h attendant que quelqu’un se souvienne de lui, et un François Hollande attendant son tour.

Sarkozy et la menace du Stade de France

Mais entre les politiques et les stades, l’histoire semble terminée. Dommage. Entre deux matchs de football, nos arènes préférées avaient pourtant vécu des heures glorieuses en compagnie de ces conquérants des urnes. Mais malgré les difficultés désormais rencontrées par les personnalités politiques pour s’offrir un stade, la tentation resurgit de temps à autre. Le stade, de par sa puissance visuelle et l’impression de masse qu’il dégage, reste une arme qui peut déstabiliser l’adversaire. Peu avant son entrée en campagne en 2012, Nicolas Sarkozy avait ainsi laissé courir la rumeur selon laquelle il débarquerait comme une tornade en organisant son premier meeting au stade de France. Un « méga-meeting » , comme l’affirmait alors l’hebdomadaire Challenges, pour « montrer qu’il ne joue pas dans la même cour que Hollande » .

Pas grave, la VHS du discours de Chirac sur la pelouse du PSG a encore de belles heures devant elle. Olympien comme jamais, gaullien jusqu’au bout de sa chemise rayée, solide sur ses appuis comme Jean-Marc Pilorget, le grand Jacques avait traversé son meeting en roue libre totale, avec un discours rédigé par Alain Juppé : « Ce soir, dans ce temps moderne, élevé à la gloire du sport, c’est-à-dire à l’effort et à la fraternité des hommes, du fond de cette gigantesque fleur de béton qui s’ouvre vers le ciel, je vous appelle toutes et tous à une ardeur nouvelle. Je vous appelle au dépassement, je vous appelle au renouveau. » Une phrase venue d’ailleurs, et le Parc des Princes devra attendre le prodigieux « Ho Ville Lumière » de Mamad’ Sakho en 2013 pour voir un homme y utiliser aussi bien un micro.

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Par Alexandre Doskov

Tous propos recueillis par AD sauf citations des discours.

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