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Seuls sur Mars(an)

Par Maxime Nadjarian et Gad Messika
Seuls sur Mars(an)

La Coupe de France est souvent, grâce à ses petits poucets, sujette à de folles histoires, parfois très belles, parfois moins belles. Et les amateurs de Mont-de-Marsan en sont la preuve après avoir pris, face au Bordeaux de Zidane, un pion qu'on ne prend pas souvent dans une carrière.

Il y a eu Calais en 2000. Quevilly en 2012. Tous deux finalistes de la Coupe de France. Il y a eu aussi Carquefou, en 2008, vainqueur héroïque, en huitièmes de finale, de l’Olympique de Marseille. Des événements comme ceux-ci, la Coupe de France les adore. La fameuse « magie de la Coupe de France » . Celle-là même que le club de Mont-de-Marsan a connu le 4 février 1995. Ce jour-là, le petit club des Landes écrit son histoire face aux Girondins de Bordeaux. L’histoire, aussi, de la trajectoire fantôme d’un ballon, que certains disent avoir vu passer la ligne de but, et d’autres non. Récit.

Impossible is nothing

En ce premier samedi du mois de février 1995, la petite ville de Mont-de-Marsan est plus animée qu’à l’accoutumée. Et si l’adrénaline se ressent chez une bonne partie des trente mille âmes montoises, c’est parce que leur équipe s’apprête à recevoir un invité de marque, pour les seizièmes de finale de la Coupe de France : les Girondins de Bordeaux. Un onze composé de pointures comme Gaëtan Huard, Bixente Lizarazu, Christophe Dugarry ou encore Zinédine Zidane. Une team qui atteindra, la saison suivante, la finale de la Coupe UEFA. Et pourtant, malgré le défi qui paraît insurmontable, les joueurs de Christian Letort, coach montois, y croient dur comme fer. Jean-Claude Gay, ex-défenseur et alors capitaine, se souvient. « On a abordé le match comme toute équipe amateur, en espérant aller le plus haut possible, raconte-t-il. À cette époque, les petites équipes ne faisaient pas trop d’exploits. On essayait d’être celle qui pourrait en créer un. On avait un groupe de qualité, donc secrètement on espérait aller le plus loin possible. »

L’équipe noir et jaune est donc gonflée à bloc et se pointe dans un stade de la Barbe d’Or plein à craquer. Christian Pilati, gardien de l’époque, est conscient qu’il y a un coup à faire contre Zizou et ses potes : « Tous les trois, quatre ans, on disputait les 32es de finale de la Coupe de France. C’était très enrichissant de jouer de plus grosses équipes » , débite-t-il, avant de se remémorer : « Les consignes du coach, c’était de prendre du plaisir avant tout. Il nous avait dit de respecter l’adversaire. Le respect physique, mental et du jeu. On ne devait pas regarder jouer Bordeaux. » Le but était donc de prendre son pied, quoi qu’il advienne, sans vraiment penser au résultat final : « Tout le monde était très motivé. Moi, j’avais 35 ans, donc je n’avais pas vraiment de pression. Et puis on voit les choses différemment à cet âge. On se dit que ça reste du sport et qu’on ne sait pas ce qui peut nous arriver le lendemain. »

Un but venu d’ailleurs

Le match débute, et les deux équipes se tiennent tête. À la 18e minute, premier frisson. Daniel Dutuel, milieu de terrain des Girondins, croit ouvrir le score. Christian Pilati : « L’action vient d’un coup franc joué à deux, il y a un centre en retrait, puis la frappe de Dutuel. Je pars sur mon coté droit, je sais que le ballon passe à côté de mon but. Je vais chercher le ballon à l’extérieur du filet. Le problème, c’est que je le vois finalement à l’intérieur de ma cage. » Personne ne comprend vraiment ce qui se passe. But ? Pas but ? Jean-Claude Gay est aussi dans la surface à ce moment-là, alors au marquage du double Z : « Christian se précipite pour aller récupérer le ballon et on le voit qui s’arrête et que le ballon est dans les buts. Des joueurs de Bordeaux lèvent les bras. Avec leur expérience, ils crient :« But ! But ! But ! », et comme le ballon se trouve effectivement dans les filets, bah l’arbitre accorde le but. »

Le stade se retrouve comme bouche bée, et les Montois cherchent à trouver la cause de cette supercherie : « Je suis capitaine, donc je vais voir l’arbitre, je lui dis que ce n’est pas possible qu’il y ait but, mais il nous repousse. Pour lui, comme le ballon est rentré, forcément, c’est but. On essaie de trouver un trou dans le filet, mais il n’y en a aucun. On se dit que c’est une blague, un tour de passe-passe. On est sûrs de nous, le gardien, la défense, il n’y a aucun doute. Les joueurs de Bordeaux sont très surpris aussi et ils nous laissent parler à l’arbitre. Ce dernier met tout le monde à dix mètres, je me dirige vers le banc pour voir ce qu’on peut faire. On sait au fond de nous-mêmes qu’il n’y a pas but, mais on ne sait pas comment le prouver. »

Pour M. Colombo, l’arbitre de la rencontre, le mystère reste, aujourd’hui encore, entier : « Sur l’action, je suis placé comme je dois l’être. J’ai quand même quelques joueurs qui font écran, mais je me souviens de la trajectoire bizarre que prend le ballon. Je suis un peu surpris de le voir au fond des filets. Logiquement, j’accorde le but. Quelques joueurs de Mont-de-Marsan me disent que le cuir est rentré par l’extérieur de la cage. Je me rends sur le lieu du « délit », mais je ne constate aucune preuve de ce qu’ils avancent. Toute l’équipe montoise était avec moi. S’il y avait eu quoi que ce soit, j’aurais été tenu au courant. Je n’ai donc pas d’autre choix que de valider le but. » Un but fantôme qui ne perturbe qu’un temps les joueurs de Mont-de-Marsan, qui arrivent à recoller au score peu avant la mi-temps. Retour aux vestiaires. « On essayait de se calmer parce qu’on était sur les nerfs, détaille Jean-Claude Gay. Le coach demande le silence et le calme, on ne parle plus du but, on sent qu’on les bouscule. On était focus sur le fait d’aller en planter un deuxième. » Malheureusement, la seconde période ne se passe pas franchement bien pour les Montois. À la 78e minute, c’est Zidane qui redonne l’avantage aux Bordelais. Un superbe coup franc, qui suffit aux Bordelais pour s’imposer, 2-1. La déception est grande pour les locaux, mais moins que leur frustration suite à l’improbable fait de jeu de la première période.

« Je peux comprendre les mecs en face, ils ont dû se sentir baisés »

L’affaire aurait pu en rester là. Mais une semaine plus tard, les Montois, toujours aussi remontés, finissent par trouver l’explication. C’est Jean-Claude Gay qui récite. « On était tous persuadé qu’on avait raison, le ballon n’était pas rentré. C’était impossible. Une semaine après, on est retournés s’entraîner sur les mêmes filets et en frappant fort avec de l’effet, le ballon rentrait. Les nœuds n’étaient pas assez solides et extensibles. Avec la vitesse et la rotation, le ballon pouvait rentrer facilement. » Une preuve concrète que le matériel n’était pas adapté. Et Daniel Dutuel, auteur du but controversé, est aussi désorienté que les autres : « C’est fou ! C’est la première fois que j’entends ça ! Je ne savais même pas qu’il y avait eu des recherches et qu’en fait, c’était le défaut du filet qui avait pu provoquer ça. Normalement, quand tu marques un but, tu sais si tu l’as marqué, on est d’accord ? Dans ce cas, les gens ne protestent pas. J’ai eu un sentiment d’entre deux quand même. Je me suis dis :« Merde, il y a eu but ou pas ? »Je peux comprendre les mecs en face, qui ont vu le ballon à côté, ils ont dû se sentir baisés. » Claude Colombo, lui, a pris sa décision en son âme et conscience, sans regret : « Comment voulez-vous regretter une décision sur laquelle vous n’avez pas l’intime conviction que vous avez commis une erreur ? C’était il y a longtemps et je n’ai toujours pas la preuve concrète que ces filets pouvaient se distendre. Même des gens de Canal m’ont dit : « Claude, nous avons mis toutes nos caméras sur l’action et nous n’avons pas la réponse ! »Une semaine après, nous sommes même montés sur Paris pour visionner les images en question et nous n’avons pas été capables de déceler la moindre anomalie. »

Forcément, la théorie du complot et du favoritisme du « gros » face au « petit » se pose alors dans le Sud-Ouest. N’a-t-on pas voulu avantager les vedettes girondines ? Possible, selon Jean-Claude Gay : « En face, c’était la grosse équipe de Bordeaux. Il y a quand même des enjeux économiques très importants. Si les Girondins étaient entrés dans une histoire tordue, cela n’aurait pas été bon pour le foot professionnel. Ce n’était pas grave si le petit poucet qui avait fait un bon match, qui avait tenu tête, mais qui avait perdu, sortait un peu frustré. Certaines personnes ont dû se satisfaire de ce scénario-là. » La vérité, c’est que l’équipe a eu du mal à digérer cette péripétie, qui a laissé des traces dans la mémoire collective : « On avait la rage. Pendant quinze jours, tout le monde nous parlait de cette histoire. La presse n’en parlait pas trop, ça nous dégoûtait encore plus. Finalement, on s’est servi de ça pour rebondir et grimper en National. On a vécu ce moment-là avec beaucoup d’aigreur. Entre joueurs, on n’en parlait pas trop, la douleur était quand même assez présente… » partage-t-il, encore touché. Comme si la plaie ne s’était pas totalement refermée. Presque vingt et un ans plus tard, le Stade montois retrouvera les seizièmes de la compète. Cette fois-ci à Saint-Malo. Un autre pensionnaire de CFA. Avec la ferme intention de marquer l’histoire de la Coupe de France. Et en vérifiant bien tous les filets avant le match, quand même.

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