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Rafael Jimenez Jarque, dit Fali, le Titan de Cádiz

Aurelien Bayard
Rafael Jimenez Jarque, dit Fali, le Titan de Cádiz

Si la France a Téji Savanier et le Portugal Ricardo Quaresma, l’Espagne peut compter sur Rafael Jimenez Jarque – ou Fali pour les suiveurs de la Liga - pour représenter fièrement la communauté gitane. Des origines lui apportant une vie tumultueuse, mais qui ne l’ont pas empêché de réaliser son rêve : devenir footballeur professionnel. Entre mariage précoce, pétage de câble au sein de la réserve barcelonaise et presque retraite anticipée, son parcours sinueux méritait d’être conté.

Sans détour, Fali balance : « Être gitan est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. » Pas question de dénigrer son ethnie et le milieu populaire dont il est originaire, qu’importe si ceux-ci lui ont mis de sacrés bâtons dans les roues. Toutefois, l’actuel milieu défensif de Cádiz – surnommé justement « le Titan » pour son mètre 86 et ses 72 kg – est toujours resté lucide sur cet univers particulier : sans le ballon rond, il aurait continué à vadrouiller avec son paternel dans les diverses brocantes de la région valencienne afin de refourguer les babioles trouvées sur le bord de la route. Heureusement pour lui, son géniteur voulait à tout prix que son rejeton devienne footballeur professionnel, quitte à user de méthodes dures. « Lors d’un match, j’ai marqué quatre ou cinq buts. Mais mon père m’a giflé en vociférant« Pourquoi tu n’en as pas marqué six !? », se remémore le solide gaillard dans les colonnes du Mundo Deportivo. Moi, je me demandais comment j’aurai pu réussir cela. » Même le daron de Thierry Henry n’aurait pas osé. La preuve, avec ce souvenir d’enfance, que si l’on devait adapter la vie de Fali au cinéma, le film serait un mix entre 8 Mile et Romeo + Juliette. La noirceur de la biographie d’Eminem cohabitant avec le délire coloré des amants de Vérone.

Parfois, j’ai honte. Juanma, un de mes coéquipiers de Levante, a dû m’apprendre à parler en public, car j’étais pitoyable.

Une enfance tourmentée

À l’instar de Jimmy « B-Rabbit » Smith Jr. incarné par Eminem, Rafa pourrait empoigner un micro et narrer son enfance compliquée. Le premier couplet porterait sur sa déscolarisation précoce. Alors qu’il entre dans l’adolescence, Fali quitte l’Educación Secundaria Obligatoria (l’équivalent du collège en France, NDLR) après une petite année. Un choix qu’il regrette, notamment depuis que ses enfants sont en âge d’aller à l’école : « Parfois, j’ai honte. Juanma, un de mes coéquipiers de Levante, a dû m’apprendre à parler en public, car j’étais pitoyable. Mais le plus fou, c’est quand ma fille vient vers moi et que je ne sais pas comment l’aider. » La deuxième stance parlerait de la déliquescence de son cadre familial. Sérénité n’est pas le maître mot de la maison Jimenez Jarque. Les disputes entre ses vieux sont fréquentes et aboutissent irrémédiablement à un divorce. Une épreuve de plus pour un ado de 14 ans qui doit déjà lutter pour faire son trou au sein du centre de formation de Villarreal.

Le troisième passage évoquerait son mariage. Faisant fi de l’exemple parental, Fali décide d’épouser à 16 ans sa petite amie de l’époque, de deux ans sa cadette (avant 2015, l’âge minimum pour se marier en Espagne était de 14 ans, dorénavant 16, NDLR). Là encore, il tombe sur un os. Il n’obtiendra pas la bénédiction de sa future belle-famille à cause de sa situation précaire. Heureusement que, dans ce marasme, Fali peut compter sur la solidarité gitane pour survivre.

Le cerveau d’un vieux dans un corps de jeune

Non conservé par le Sous-Marin jaune, le gitan trouve des points de chute dans la réserve de Levante (2011-2013), puis au Huracán Valencia CF (2013-2015) en troisième division espagnole. Ses performances attirent le Nàstic de Tarragone qui le convie afin de signer son premier contrat professionnel. Une aventure qu’il conte au quotidien espagnol Sport : « Je suis parti avec la camionnette de mon père. Jamais nous n’avions mis plus de 10 euros d’essence, car d’habitude, elle sert principalement à aller à la casse. Mais pour ce trajet, j’ai fait le plein. Sauf que le réservoir s’est percé. » Résultat des courses, au lieu des 2h30 habituelles pour rallier la ville catalane depuis Valence, Rafael en met cinq, et, surtout, il quémande de l’argent au président de son futur club pour pouvoir effectuer le trajet retour.

Quand je suis arrivé dans le vestiaire du Barça B, tous les jeunes étaient en train de danser. Alors j’ai brisé l’enceinte.

Le Graal enfin en poche, le milieu ne voit pas sa carrière décoller. Trop tendre pour l’antichambre du football ibérique, il se résout à redescendre d’un cran pour retrouver du temps de jeu lors du mercato hivernal 2015. Moment où une opportunité se présente à lui. « Je ne disputais pas beaucoup de matchs, et le Barça B est arrivé. Comme je n’aurais jamais pensé jouer un jour pour eux, j’ai été ravi de pouvoir accepter, narre-t-il. Pourtant, au dernier moment, Curro Torres m’a appelé pour rejoindre l’équipe réserve de Valence. C’est ma ville natale, mais j’ai dit non. » Bien décidé à vivre son rêve à fond, le gamin de 22 ans qui dit « en avoir 35 dans sa tête » endosse le rôle de daron dans la réserve catalane : « Nous étions derniers de Segunda B et quand je suis arrivé dans le vestiaire, tous les jeunes étaient en train de danser. Alors j’ai brisé l’enceinte. » Relation de cause à effet : ils enchaînent sept clean sheets, sortent de la zone de relégation et finissent l’année à la 10e place. Les prémices d’une saison suivante exceptionnelle qui verra le Barça B être promu en deuxième division grâce à un Fali en mode patron.

Cette mentalité inhabituelle, il la tire de ses expériences juvéniles qui l’ont fait mûrir beaucoup plus vite que les autres. Une ligne de conduite qu’il garde encore maintenant. Fali n’a toujours pas de téléphone – s’il faut le contacter, il faut passer par sa femme –, répond péniblement sur WhatsApp et refuse toute inscription sur un réseau social. En revanche, friand de contacts humains, il n’hésitera pas à passer du temps avec n’importe quel fan le hélant dans la rue.

Une presque retraite anticipée

Après ses deux ans en prêt dans le petit Mes Que, Fali revient à Tarragone, mais quitte la Catalogne pour Cadiz avant le début de l’été 2019, où tout se passe bien, jusqu’à l’arrivée de la Covid-19. Les championnats s’arrêtent, et le milieu défensif voit son pays durement touché par la pandémie. Malgré sa vie jalonnée d’expériences malheureuses, il prend peur, ne veut pas contaminer ses proches et les mettre en danger. Alors il reste enfermé avec femme et enfants dans son petit appartement du quartier de La Laguna et ne bouge pas. Lui, le nomade, sombre dans une sédentarisation poussée à l’extrême. Les seules fois où il essaye de franchir le perron de sa porte, il est pris de violentes crises urticantes. Unique interaction sociale de cette triste période : un tournoi FIFA 20 local qu’il remporte.

L’argent ne m’a pas changé. Je porte toujours des vêtements Zara et je me balade en survêtement.

Dans la tête de Fali, c’est tempête sous un crâne. Il est même prêt à renoncer à sa carrière de footballeur professionnel. Après plusieurs années de vaches maigres, il ne craint pas de retourner dans la pauvreté. « L’argent ne m’a pas changé. Je porte toujours des vêtements Zara et je me balade en survêtement, rappelle-t-il. Bien sûr que j’aimerais gagner des millions, mais, comme ce n’est pas le cas, je garde la tête sur les épaules. Le plus important pour moi est que ma famille ait toujours à manger. » Alors, pour le sauver, toute la famille « Cadiz » se met en branle. Président, capitaine, coéquipiers, tous se relaient pour rassurer le gitan. Le jour de gloire survient le 15 mai où Cadiz peut fièrement tweeter le retour de son joueur.

Un choix raisonnable qui lui aura permis de connaître la première division espagnole, d’affronter Messi deux fois en restant invaincu et d’être le héros d’un document biographique produit par Movistar et diffusé jeudi dernier. Le titre du film ? Le Titan de Cadiz.

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Aurelien Bayard

Propos de Fali recueillis sur El Mundo Deportivo et Sport.

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