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Quand Guardiola cherchait déjà la taupe

Par Robin Delorme, en Espagne, avec Javier Prieto-Santos
Quand Guardiola cherchait déjà la taupe

En plein Watergate bavarois, Pep Guardiola a assuré que « des têtes vont tomber ». Une analyse saignante qui rappelle au divin chauve catalan un certain épisode barcelonais. C'était en 2007, et Edmilson avait alors promis la tête de la « brebis galeuse » du vestiaire. Retour sur un épisode qui a laissé des traces quant à la manière dont Guardiola gère ses groupes.

« Peu importe qui c’est. Des têtes vont tomber. » Après sa victoire face au Borussia Dortmund (3-0), ce serait un euphémisme de dire que Pep Guardiola l’avait mauvaise. Mauvaise de voir s’étaler dans les colonnes de Bild, premier quotidien teuton, son plan de bataille pour contrer la bande à Klopp. Furax, le divin chauve de Catalogne ne supporte pas l’idée qu’une taupe ait investi son vestiaire. Alors, il va trancher dans le vif. Pour ne pas connaître un épisode qui respire le déjà vu. C’était en 2007 et il était alors aux manettes de l’équipe réserve du FC Barcelone. À cette époque, le vestiaire voisin de Frank Rijkaard doit gérer les déclarations incendiaires d’Edmilson. Un feu des plus plus délicats à éteindre pour le coach néerlandais qui avait dû quitter le navire en fin de saison (juin 2008) après une décevante 3e place. Et avait par la même laissé le champ libre à Guardiola pour fortifier son bunker médiatique. Rappel des faits.

La chasse à la sorcière

Pour bien saisir le contexte, il convient de replacer dans la perspective l’état de ce Barça. Après avoir gagné le titre en 2005 puis 2006, les stars décompressent. La saison 2006-2007 est des plus décevantes – perte de la Liga dans les dernières minutes du championnat et élimination en huitièmes de finale de C1 – et le FC Barcelone doit se reprendre. Or l’équipe catalane patauge toujours. Normal, le vestiaire vit depuis un an au rythme des sorties nocturnes de Ronaldinho. Le Brésilien se fait griller à de nombreuses reprises au sortir de boîtes de nuit par la presse people, où il traîne tous ses coéquipiers, dont Messi. Les compos commencent à sortir dans la presse. Les journaux révèlent que des détectives privés ont été engagés pour surveiller la vie des joueurs. C’est le moment-là choisi par Edmilson pour faire une interview incendiaire. Au mois de novembre, lors d’une interview à la TV3 (la télévision catalane), le défenseur lâche, sans sommation, une bombe : « Ce qui nous manque, c’est une union d’équipe, une famille. L’un aime les voitures, l’autre une montre ou un portable, mais quand nous sommes sur le terrain, nous devons faire le maximum possible pour que le club bénéficie des joueurs qui sont là pour écrire l’histoire. » . Une saillie virulente qui ne sera qu’un grain de sable face à la punchline qui suit : « Dans le groupe, il y a une ‘oveja negra’ » . Une brebis galeuse. Le début de la fin. Le début de la fin pour Edmilson, tout d’abord. En s’affichant à demi-mot comme la taupe du groupe, ou en tout cas en le laissant penser vu la rancœur qu’il affiche envers ses coéquipiers, le Brésilien s’est alors mis dans une posture extrêmement délicate vis-à-vis de ses partenaires. Avec ses déclarations, il brise le sacro-saint silence du vestiaire. Après une réunion d’excuses face à ses coéquipiers, le pourtant si discret Andrés Iniesta se mue alors en porte-parole des joueurs : « Il a reconnu qu’il s’était trompé parce que quand il y a ce genre de choses à dire, il doit le faire avec ses coéquipiers et le dire en face. C’est la première erreur qu’il a reconnue, mais c’est un coéquipier comme un autre, nous l’apprécions tous, nous savons comment il est et nous n’allons pas lui faire la guerre car cela nous porterait tous préjudice. » Une trêve au sein du groupe dont les médias se contrefichent. Sans investigation des plus poussées, il se trouve que la fameuse brebis galeuse dont parle Edmilson n’est autre que Ronaldinho, star sur le déclin. Les Unes des quotidiens se succédent et mettent Frank Rijkaard dans une posture des plus inconfortables. Les prémices du bunker de Guardiola Conscient du manque d’hygiène d’un poulain qu’il est le premier à fréquenter en sortant parfois avec lui (informations confirmées par le garde du corps du FC Barcelone Daniel Rojo dans une interview accordée à So Foot dans le n°100), le Néerlandais a le fessier entre deux chaises : « Je ne dis pas qu’il (Edmilson, ndlr) n’a pas raison. Mais je ne parle que de la forme, c’est meilleur que cela se passe dans le vestiaire. » Une posture du ni-oui ni-non qui n’aggrave pas la situation mais ne l’améliore pas pour autant. Car ce Barça terminera cette saison 2007-2008 avec une élimination en demi-finale de Ligue des champions et une troisième place en Liga. Un raté dans les grandes largeurs qui coûtera son poste à Frank Rijkaard et poussera Edmilson au départ. Et qui ouvrira un boulevard à Pep Guardiola. Monté d’un échelon dans l’organigramme azulgrana, l’ancien entraîneur de la réserve décide alors de verrouiller la communication de ses poulains. En cause, un vestiaire au bord de l’implosion et harassé par ces mêmes querelles. Au niveau du club, les déboires de Joan Laporta – utilisation de l’argent du club à ses fins, histoire d’espionnage des joueurs et du personnel et contrôle de leurs boîtes mail… – provoquent à l’été 2008 la démission en masse de dirigeants de dirigeants de son équipe et sont à deux doigts d’amener une motion de censure. Finalement, les histoires se tasseront. Le bon départ de l’équipe de Guardiola y est pour beaucoup. Avec un Deco et un Ronaldinho désormais loin du Camp Nou, l’ambiance redevient plus professionnelle. Des jeunes comme Sergi Busquets, puis Pedro, prennent du galon pendant que Lionel Messi devient le monstre qu’il est encore aujourd’hui (en tout cas avant sa blessure). Surveillés de près, les joueurs n’ont plus le droit de faire la Une pour des raisons extra-sportives. Communication toujours, elle est fermée à double tour. Par exemple, Pep Guardiola ne donnera jamais la moindre interview (à deux exceptions près), et demandera à ses poulains de ne pas s’épandre dans les colonnes des journaux (il fait son propre agenda sur les sorties médiatiques de ses joueurs). Son Barça, à la com’ bisounours, devient alors un bunker médiatique duquel peu d’informations sortent. Et ce jusqu’à sa dernière saison. Alors qu’un départ du divin chauve est évoqué, l’intéressé constate que le journaliste de l’agence de presse EFE, Roberto Morales, dispose constamment de ses plans de bataille. Furieux, Pep tente bien de trouver cette fameuse taupe sans jamais le débusquer. Quelques mois plus tard, il se fait la malle. La direction bavaroise est prévenue.

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