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Plongée dans le monde des Ultras
Domenico Mungo a réalisé un documentaire sur les ultras qui a fait un carton en Italie, dans lequel il donne la parole aux méchants. L'occasion pour sofoot.com de causer du mouvement et de ses dérives. Entretien.
Domenico, pourquoi as-tu eu envie de faire ce documentaire ?
C’est une question bien moins bête qu’elle n’en a l’air, c’est même une question assez profonde. En fait, Current, la chaîne pour laquelle j’ai réalisé ce documentaire, privilégie un vrai journalisme d’investigation dans lequel on va au-delà des choses que l’on voit réellement. On avait dit, et on continue à dire beaucoup de bêtises sur le mouvement ultras et les ultras en général, j’avais envie d’aller au fond d’une réalité pleine de contradictions. Ensuite, pour beaucoup, la référence absolue en la matière était le “Ragazzi di stadio”, de Daniele Segre en 1980. J’avais pour rêve de remettre au goût du jour ce documentaire en fonction de l’évolution du mouvement et des technologies.
Qu’avais-tu envie de démontrer ?
Mon objectif était simple : donner la parole aux ultras, sans aucun filtre et sans aucune censure. Les ultras ont un univers propre peu accessible au grand public, et je souhaitais montrer qu’il s’agit avant tout de personnes normales, en chair et en os, qui ont, elles aussi, des préoccupations toutes simples : le travail, la famille, l’amour… Je souhaitais, d’une certaine manière, démontrer l’indémontrable, c’est-à-dire que ces gens que l’on présente souvent comme méchants, obscurs, violents, ne le sont pas forcément. Par ailleurs, j’avais pour objectif de montrer que le milieu ultra est également lié à une réalité sociale et politique, et qu’il existe des revendications essentielles dans les contestations des supporters. Pour autant, je n’avais pas envie d’occulter certains aspects un peu plus négatifs : la violence, le business dans les tribunes… Je voulais présenter une vision complète du monde des ultras qui n’est évidemment pas parfait, mais pas complètement mauvais non plus. Et l’évolution des ultras ne fait que suivre l’évolution de la société.
Quel est ton lien avec les ultras ?
Mon rapport avec les tribunes s’est métabolisé : j’ai été pendant très longtemps un ultra actif de la Fiorentina, j’ai passé plus de vingt années de ma vie à supporter mon équipe dans tous les stades d’Italie et d’Europe et j’ai connu véritablement les ultras de l’intérieur. Désormais, j’ai un regard plus studieux sur la chose. Disons qu’aujourd’hui, je considère que les ultras sont un aspect du monde contemporain d’intérêt académique, et c’est ce que j’essaie de faire.
Le 14 novembre, il y avait une manifestation à Rome contre la tessera du tifoso…Peux-tu nous expliquer de quoi s’agit-il ?
Tout d’abord, le 14 novembre est une date qui n’a pas été choisie au hasard, puisqu’elle se voulait le plus proche possible du 11 novembre, date de la mort de Gabriele Sandri (tué par un policier sur une aire d’autoroute, ndlr). Pour revenir sur la tessera du tifoso, il s’agit du résultat logique d’une suite de mesures répressives. Pour moi, il s’agit donc d’un instrument de répression qui réduit considérablement la liberté de circuler des individus et qui optimise le contrôle de l’individu. Les ultras sont des individus politiques comme les autres, ce qu’on a trop souvent tendance à oublier, c’est une belle chose qu’ils usent des armes de la démocratie comme la manifestation pour se faire entendre.
« Ultras, nel bene e nel male », à voir sur Current et sur ce lien
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