Planus enfin coté à l’Argus
Samedi dernier, contre Auxerre, Marc Planus a inscrit son premier but en Ligue 1. Occasion facile pour plaider la cause du Bordelais de 25 ans : défenseur classique qui respire l'art du placement, de la relance qui reste dans le terrain et du tacle glissé. Marc Planus aime beaucoup glisser.
La course est lente, parcimonieuse, le genre à couper par le rond central pendant des tours de terrain. La taille, modeste pour le poste, est plantée sur des jambes arquées presque trop musclées. On imagine aussi les abdominaux discrets, les pectoraux pas bavards. Quant à la détente, elle reste plombée par cette foutue pesanteur terrestre.
D’ailleurs les corners de Wendel et Micoud se regardent depuis le rond central. Marc Planus est un anachronisme vivant, un inestimable défenseur central certifié à l’ancienne, tout en technique et anticipation pour faire oublier un démarrage à la manivelle. Un moule que l’on croyait rangé dans la cuisine de Franck Dumas, à côté de ses fiches régime. Donc très bien caché.
Vanter les mérites de Marc Planus, c’est d’abord se rassurer, se dire que le torse mutant de Micah Richards provient d’un bug dû à Photoshop, croire à un football pour hommes ordinaires moyennement assidus à la salle de muscu, à un football où la note technique rattrape toujours la note physique.
Avec la généralisation de la défense en zone et de la couverture alternée, le libéro est devenu autant d’actualité que l’Inter ou le demi-centre. Le défenseur central mesure entre 1m85 et 1m90, il saute haut, court vite pour permettre à son équipe d’évoluer assez haut ; bref Monsieur Planus, votre CV n’intéresse pas votre époque. Sauf que le Bordelais de naissance s’est imposé depuis cinq ans comme le patron de sa défense. Il y a des mecs qui possèdent tout, la technique, le physique, mais qui ne comprennent rien au foot, et puis il y a Marc Planus. Lui rassure, d’ailleurs a-t-il déjà été jeune et impétueux ? S’il n’a jamais trop attiré les regards ou caressé la hype, le Girondin n’a jamais inquiété. Même quand Pavon lui file la garde de la défense à tout juste 21 ans, Planus ne fait pas son âge. Il a déjà les épaules, les trucs du défenseur parfois dépassé, on le pense à la ramasse, il finit toujours par compenser.
Quand il se rate, Bordeaux coule avec lui. Lors du grand sabordage face à Caen (5-0 et Jurietti en maître du teasing pour l’épisode II), il commet ses deux erreurs annuelles dans le même match et écope d’un rouge. Les problèmes administratifs, pas trop le genre du personnage, entouré depuis son arrivée chez les pros par les Frères Taloche Jurietti et Jemmali, Planus a très vite appris à jouer les médiateurs, en prenant la place vacante : celle du bon flic.
Sa réputation de bon défenseur du championnat, le Girondin l’a gagnée à la force du tacle. Les tacles, Planus peut en énumérer le catalogue : glissé, de côté, décollé, désespéré, même par derrière, il aime tous les parfums et arrive neuf fois sur dix à ne pas en mettre sur les tibias adverses. Si on oublie son expulsion à Caen, son casier est virginal, un seul carton jaune en 19 matchs. Même Laurent Blanc, pourtant partisan revendiqué de la défense debout parce que l’herbe ça salit, n’a jamais remis en cause les méthodes de son joueur. Peut-être mieux qu’un autre, il peut apprécier l’apport technique qu’insuffle Planus à la relance. S’il abuse parfois de la transversale, il permet en revanche à Bordeaux de sortir correctement le ballon de son camp, de gagner du temps dans la préparation de l’attaque. Si vous regardez attentivement une journée de Ligue 1, vous verrez que c’est déjà beaucoup.
Bien emmerdé pour touiller un axe défensif cohérent entre la convalescence d’Henrique et les mauvaises habitudes ramenées d’Angleterre de Diawara, Blanc semble avoir enfin donné à Planus une reconnaissance que Ricardo évitait de lui accorder, d’où l’envie passagère de Planus de partir tacler les 3 centimètres de pelouse de Louis II. Le Brésilien, tout en le titularisant, remettait sans cesse sur la table cette pointe de vitesse de talonneur, qui obligerait Planus – et donc toute la ligne défensive – à évoluer plus bas que Ricardo l’aurait souhaité. Mario Yepes, autre grand partisan du tacle glissé, a connu le même procès en lenteur au PSG.
Pour la beauté du tacle et sa fidélité au maillot, il faut donc défendre Marc Planus et son mètre 80. Jusque chez les Bleus ? Au mérite, on devrait peut-être lui accorder un package Adidas, mais Planus a un gros problème ; il est né en 1982. Trop tard. Il aurait pourtant fait un grand libéro dans un championnat qui s’appelait encore Première Division. Un libéro au moins aussi grand que Sylvain Kastendeuch, maintenant qu’il marque sur coup franc…La semaine prochaine, éloge de Dominique Arribagé et de la faute à 40 mètres.
Alexandre Pedro
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