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Si les footballeurs étaient des monuments…

Par Victor Le Hiougot
8 minutes
Si les footballeurs étaient des monuments…

Xavi, Steven Gerrard ou Marc Planus qui quittent leur patrie en fin de saison, Ronaldinho qui plante ses derniers pions au stade Azteca, et Benjamin Nivet qui fait remonter Troyes dans l'élite. Les monuments du football n'ont jamais été aussi beaux qu'en ce moment. D'où une question importante : et si les footballeurs étaient de vrais monuments ?

Le Colosse de Rhodes

Il était censé protéger l’île de Rhodes et représentait Hélios, dieu tutélaire de la ville. Érigé en mémoire de la résistance victorieuse face aux assauts de Démétrios 1er Poliorcète, il fait partie des sept merveilles du monde, rien que ça. Et pourtant, dès le premier tremblement de terre, ce colosse de bois et de bronze s’est croûté comme un condominium japonais de la préfecture de Fukushima. Loser. Cassé au niveau des genoux, il subit l’affront de rester sur ses demi-molles pendant presque 800 ans, avant qu’un nerveux belliqueux décide de le raser purement et simplement. On ne va pas se mentir, la comparaison est vite trouvée : le Colosse de Rhodes c’est Abou Diaby. Annoncé comme le nouveau Patrick Vieira par Arsenal, censé défendre la bande de puceaux de tonton Arsène, Abou sera bousculé dès le départ, et restera longtemps sur les genoux, blessé à 37 reprises. On attend toujours celui qui aura le courage de lui offrir un bouquet pour lui dire au revoir.

La BNF

François Mitterrand a laissé beaucoup d’enfants derrière lui, mais aussi une bibliothèque : proche tous commerces, immeuble d’architecte, vue sur fleuve. Monument entièrement dédié à la culture du livre et au rayonnement de la France, on ne peut pas dire que les débuts de l’édifice furent faciles. Le milieu non plus d’ailleurs, et, hélas, on ne connaît pas encore la fin, mais, faites-nous confiance, ça ne se terminera pas bien. Entre les problèmes d’infiltration, le vol manifeste des conservateurs, le gouffre financier et cette dégueulasserie architecturale, personne n’a jamais compris la BNF. Et pourtant, Dieu sait qu’elle avait des choses à dire… Un point commun qu’elle partage avec Hatem Ben Arfa. Une promesse architecturale trop approximative, une défaite de la formation à la française, mais un amour immodéré pour les grands penseurs de la plume que furent Nietzsche et Oscar Wilde. Une certaine idée du style. Car comme il le dit lui-même : « J’aurais adoré être chanteur. C’est un métier qui rapproche les gens. Être Stevie Wonder m’aurait bien plu, tout simplement, même si je n’ai pas la même voix que lui. »

L’Empire State Building

Alicia Keys l’a chanté en beuglant comme un veau de lait face au bâton électrique ; on aime tous NYC, et donc on adore l’Empire State Building, forcément. Merveille de grandeur et de style art déco, une splendeur architecturale de 102 étages à la gloire de la puissante Amérique post- crise de 29, le monument est même considéré comme une des sept merveilles du monde moderne. C’est dire. On traverse des océans pour le voir et s’offrir un selfie au sommet, et pourtant… Depuis 2001, il a un vrai concurrent, plutôt costaud, qui l’a clairement écarté de « l’architecture game » : la Freedom Tower, érigée à la place du World Trade Center. Phoenix de « la construction m’as-tu-vu » , sorti de ses cendres, elle a secoué le monde et pris la place de leader qu’elle méritait. Et elle n’est pas la seule. Depuis quelques années, de nombreux champions sont passés devant le plus sexy des buildings en terme de prestige et de hauteur. C’est bien simple, l’Empire State Building est Thierry Henry, une gloire sur le déclin, qui vient regarder s’effondrer son règne du haut de son rooftop new-yorkais. Pour info, l’Empire State Building aurait couté 25 millions de dollars. Thierry Henry en aurait gagné 60 tout au long de sa carrière. Et pourtant, ce n’est pas lui qui est encore debout.

Le phare d’Alexandrie

Il y a des endroits mythiques et spéculaires, chantés par les poètes, de l’Antiquité à la Renaissance, en passant par Claude François. Le phare d’Alexandrie en est un des plus phalliques exemples. Considéré comme la septième merveille du monde, il a guidé les marins pendant plus de 1 600 ans. Costaud. Pourtant, c’est très tard que la civilisation moderne a su rendre hommage à ce chef-d’œuvre d’un autre temps. Trop longtemps laissé à l’abandon sous les reflux de la mer, ses pierres sont presque tombées dans l’oubli… Jusqu’au jour où Kamel Abul Saadat, émérite plongeur et archéologue amateur alexandrin, décida de redorer des murs trop longtemps abandonnés. Alors oui, s’il y a bien un phare dans la nuit qui illumine le terrain, c’est lui, Javier Pastore. Trop longtemps laissé à l’abandon, on retrouve aujourd’hui le bonheur de le regarder illuminer un terrain. Merci Laurent Blanc, merci Paris, et merci à tous ceux qui ont fait naufrager les papillons de ma jeunesse.

Stonehenge

Des amas de pierre étranges dans une steppe battue par les vents. Des gens frigorifiés, encapsulés dans des coupe-vent dégueux qui s’échinent à comprendre des constructions tabulaires et circulaires concentriques sans aucun sens. Tombeaux pour certains, glorification de dieux anciens pour d’autres, ce monument cérémoniel aura écrasé de ses pierres l’histoire de l’Angleterre et du Nord de l’Europe. Des menhirs robustes qui ont tantôt effrayé, tantôt fasciné, dont on parvient à peine à comprendre la logique de déplacement et de mise en place. S’il y a un homme qui représente ce fallacieux mélange de force brute et de mystère, c’est bien Stig Tøfting, aussi appelé « La tondeuse » , on vous laisse deviner pourquoi. Une vie entourée de mystère, d’uxoricide et de peines de prison pour actes de violence. Aussi rocailleux que brutal, sur et en dehors du pré vert. Un monstre de pierre au milieu d’un champ.

Le Colisée

Alors oui, il fut le lieu de cruels affrontements, d’odieuses mascarades fascistes, mais mince, c’est avant tout un lieu de communion, d’histoire, et surtout l’ancêtre direct du stade de foot. Alors on se calme. Magnifique, novateur, symbole de la puissance de Rome, la grande, la vraie, l’Antique. Il est le garant d’une certaine idée de la classe et de la culture à l’italienne. Parce que oui, il n’y a pas que les pizzas et les Médicis. Et s’il y a bien un autre héritier du chic séculaire de la grande Rome, c’est lui, Daniele de Rossi. Barbe de catcheur canadien, regard de baiseur transalpin, flegme de mafieux sicilien. L’Italien ! Le plus fidèle gardien de la Louve, le robuste guerrier, fidèle parmi les fidèles, est un homme de combat et de valeur. Et si un jour tout doit disparaître, on ne se souviendra que de lui. Et de son pote Totti un peu aussi.

Le Christ du Corcovado

« Jésus reviens, Jé-é-sus reviens. Jésus reviens parmi les tiens. » C’est un fait sociétal indéniable, les gens cherchent Jésus. Mais s’il y a bien un peuple qui l’a trouvé, ce sont les Brésiliens. Car oui, Jésus est grand et Jésus est placé on the top of the mountain, regardant les pénitents se déhancher sur des rythmes de samba dans les faubourgs ardents de Rio de Janeiro. Forniqueurs. Mais Jésus est miséricordieux, et a su pardonner certains pêchés en donnant du bonheur au peuple. Un bonheur que Ricardo Kaká a aussi offert aux joyeux habitants de ce large pays d’Amérique du Sud, mais, bien évidemment, dans l’amour du Seigneur, toujours, sans faille, et en levant les doigts au ciel. « I don’t do sex, I make love » , fut donc, après son mariage, sa devise éternelle. Et d’ailleurs, ne dit-on pas de Kaká qu’il est beau comme un Dieu ?

La Sagrada Familia

Peut-on vraiment dire qu’elle est belle ? Oui / non / peut-être… Le temple expiatoire de la Sainte Famille est quoi qu’il en soit une œuvre remarquable du modernisme catalan. Pensée façon « délire Illuminati #francmaçontupeuxpasdirenon » par l’architecte Antoni Gaudi, le temple naturaliste est un hommage liturgique assumé. Hélas, l’édifice est sans cesse en travaux, car jamais terminé par son géniteur. Pas sympa. Assumant des courbes complexes et un certain goût pour le bizarre, le joyau est ainsi souvent incompris, bien que salué par tous. Ce qui nous amène à réaliser un parallèle certes facile et pourtant assez immédiat : la Sagrada Familia n’est autre que Franck Ribéry. Œuvre étrange à la beauté particulière, soumise à une certaine faiblesse de sa structure, mais finalement respectée par tous, du moins en façade. Joyau difficilement appréhensible par le commun des mortels, elle ne se laisse vraiment apprécier que par les initiés. Triangle Illuminati, « lascar face » , tu peux pas test le Ribéry.

Bonus : Le parc Astérix

On connaît tous le célèbre héros gaulois, symbole d’une France insouciante et conquérante, fière de ses valeurs et solide face à l’ennemi. Une France paternaliste à la moustache épaisse et aux abdos planqués sous une couche de gras protecteur. Mais comme souvent, les héros vieillissent mal. Astérix a décidé d’éradiquer sa « street cred » en érigeant une saloperie de parc d’attractions en son honneur. Mélangeant les concepts et une architecture digne du travail d’un enfant dégommé au Lexomil, associant des dauphins et des dieux en jupe courte, le parc Astérix n’est même pas foutu d’ouvrir toute l’année. La faute à un bassin en béton armé et des animaux aquatiques trop chétifs pour résister aux hivers de la toundra du Val-d’Oise. En y réfléchissant, si on associe les mots moustache, guerrier, France et déchéance, on tombe sur Raymond Domenech. Pas la peine de revenir sur les faits d’armes du plus célèbre moustachu du rond ballon français, Raymond Domenech est le parc Astérix. Point.

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