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On a rencontré Thoufeer, l’Indien qui supporte les Bleues

Par Julien Duez, à Rotherham
On a rencontré Thoufeer, l’Indien qui supporte les Bleues

Thoufeer Kaitha Valappil a mis 20 ans pour assister à un match de l’équipe de France. C’était en 2018 lors de la Coupe du monde en Russie. Forcément, quand on habite l’État de Kérala, sur la côte sud-ouest de l’Inde, la passion tricolore se vit essentiellement par procuration. En revanche, l’amour que porte ce jeune trentenaire aux Bleus est, lui, bien sincère. Aux Bleus et aux Bleues d’ailleurs, sinon il n’aurait pas parcouru 8000 kilomètres pour les voir jouer à Rotherham, dans la banlieue de Sheffield. Mais d’où lui vient cette passion un peu folle ? On lui a posé la question.

Il arrive sur le parvis du New York Stadium avec un mélange d’essoufflement et de soulagement, une heure pile avant le coup d’envoi du match France-Islande. Le matin même, Thoufeer Kaitha Valappil s’est réveillé avec une petite fièvre et quelques frissons. Rien à voir avec la partie à laquelle il s’apprêtait à assister. Plutôt avec la vague de chaleur qui a frappé l’Angleterre en ce début de semaine. « Même en Inde, je ne me souviens pas avoir subi des températures pareilles », s’exclame le jeune homme, pas encore au bout de ses peines. Vers midi, son état de santé se stabilise, et il décide de se rendre à Rotherham depuis Birmingham, à deux heures de route, où il est hébergé gratuitement par des cousins le temps du tournoi. « Mais je n’étais pas au bout de mes peines, poursuit-il. Avec la canicule, tous les trains ont été retardés, j’ai bien cru que je n’y arriverais jamais ! » On comprend donc le soulagement qui l’habite : Thoufeer s’est quand même tapé 8000 kilomètres et a dépensé 2500 euros pour assister aux rencontres des Bleues lors de cet Euro 2022. Il aurait quand même été dommage que ce soit le mercure qui vienne gâcher son périple.

Mondial-maison de substitution

L’histoire d’amour de « Thoufy » avec les Bleus commence en 1998, dans sa ville natale de Kozhikode, une « petite » bourgade de 600 000 habitants située dans l’État de Kérala, sur la côte de Malabar. Là-bas, le football est loin de tenir la dragée haute dans le cœur des locaux, mais ceux-ci n’échappent pas pour autant à la diffusion du Mondial français. « À l’époque, j’étais encore un gamin, mais j’ai suivi mon père et mon oncle qui regardaient tous les matchs sur une petite télé dans la rue avec des voisins. En 1998, c’était la France qui dominait le football mondial, on n’avait d’yeux que pour ses immenses joueurs, Thuram, Vieira, Dugarry et bien sûr, la légende Zinédine Zidane, avec les deux buts qu’il a inscrits pour nous en finale. C’est devenu mon joueur préféré et le rencontrer en vrai est encore l’un de mes buts dans la vie. »

On a commencé à supporter les Bleus parce que chez nous, on n’avait pas d’équipe à proprement parler. L’Inde, sportivement, elle n’existait pas.

Si Thoufeer dit spontanément « nous » pour parler de l’équipe de France, c’est parce que l’engouement provoqué par la première étoile n’a pas terminé en feu de paille. « On a commencé à supporter les Bleus parce que chez nous, on n’avait pas d’équipe à proprement parler. L’Inde, sportivement, elle n’existait pas. Depuis, on est resté fidèles, se souvient l’intéressé. Il faut dire que les débuts ont été faciles, puisque après la Coupe du monde, on a remporté l’Euro 2000 et la Coupe des confédérations un an plus tard. Mais on a connu des périodes plus sombres : en 2002, entre 2008 et 2012… Si on avait dû lâcher l’affaire, on l’aurait fait à ce moment-là. Mais on ne l’a pas fait, ça veut bien dire que notre amour pour les Bleus est réel ! »

Tellement réel qu’après quatre ans à vivoter sans structure officielle, cet amour se matérialise en 2014 avec la création d’un fan-club, le French Fans Kerala, en référence au berceau de la passion indienne pour les Tricolores. Depuis, le groupe n’a cessé de grandir et compte désormais 2500 membres cartés dans tout le pays, ce qui a poussé l’association à se rebaptiser French Football Fans Club India, en plus de 18 000 suiveurs sur les réseaux sociaux. « L’adhésion ne coûte pas cher, seulement 500 roupies (six euros) par an, explique Thoufeer, réélu président du groupe la veille du match France-Islande. Et avec cet argent, nous mettons en place des actions de charité. Comme le football est loin d’être le sport le plus populaire en Inde, nous avons commencé par offrir des équipements aux clubs locaux. Depuis, on participe à des tournois et on en profite pour récolter des fonds pour venir en aide aux personnes pauvres ou victimes de catastrophes naturelles dans tout le pays. »

Filles-garçons, une seule passion

À force de vivre sa passion à distance, Thoufeer a eu envie de franchir le pas et de voir ses héros en vrai. Première tentative : Coupe du monde 2014. Raté, le Brésil lui refuse son visa. Rebelote quatre ans plus tard en Russie. C’est fois-ci, c’est gagné, mais jusqu’aux quarts de finale seulement, là encore pour une histoire de visa. « J’ai été sélectionné par le groupe pour le représenter là-bas, rejoue Thoufeer. Mais c’était purement symbolique. Financièrement, j’ai dû me débrouiller seul. » Concrètement, le jeune homme, qui travaille alors comme personnel au sol pour la compagnie aérienne Jet Airways, doit emprunter 2500 euros à la banque, auxquels il en ajoute 1000 de sa poche pour réaliser son rêve. « Mais ça en valait la peine ! Sur place, j’ai rencontré Hervé Mougin, le président des Irrésistibles Français, et Clément d’Antibes, avec son coq ! Je me suis senti vraiment bien accueilli, j’avais l’impression de faire partie de la famille. »

Je trouve Corinne Diacre super ! Comment ça se fait qu’elle est critiquée ? En tout cas sur ce tournoi, je ne comprends pas, elle fait parfaitement jouer ses joueuses.

Après avoir été accueilli en héros à son retour (peut-être aussi parce que les Bleus sont allés chercher leur deuxième étoile), Thoufeer ajoute une corde à son arc en se mettant à suivre l’équipe de France féminine. « Je dois avouer que je m’y suis mis tardivement, mais la Coupe du monde en France a été un bon point de départ. D’ailleurs, au sein du groupe, ça nous a rapporté plein de nouvelles membres qui s’enthousiasmaient de voir des filles jouer au foot. Depuis, je les soutiens avec la même passion que les garçons, même si elles jouent d’une manière différente. Mais ça ne sert à rien de les comparer, de toute façon, nous, on encourage la France, sans faire de distinction. Même chose en Coupe d’Europe, on est pour les clubs dans lesquels jouent un Français. » Contaminé par le virus des déplacements et désormais plus à l’aise financièrement depuis qu’il bosse pour une boîte de RH basée à Dubaï, Thoufeer n’a donc pas hésité une seconde à se rendre en Angleterre. « Le plus gros avantage, c’est que les tickets ne coûtent presque rien : cinq livres par match environ. Et grâce à mes cousins de Birmingham, je n’ai pas de logement à payer. Il n’y a que l’avion qui m’a coûté un bras, mais bon, en même temps, on est en plein été… »

À l’Euro, ses chouchoutes personnelles se nomment Delphine Cascarino, Sakina Karchaoui et Marie-Antoinette Katoto, dont il déplore la blessure aux croisés, tout en restant convaincu que « les Bleues ont une vraie chance d’aller soulever la Coupe, même si ça va être dur en quarts face aux Pays-Bas ». Et le supporter de souligner l’importance de Corinne Diacre dans cette mission à accomplir : « Je la trouve super ! Comment ça se fait qu’elle est critiquée ? En tout cas sur ce tournoi, je ne comprends pas, elle fait parfaitement jouer ses joueuses. On l’a vu contre l’Italie où elles en ont marqué cinq en première période et contre la Belgique, où elles ont très bien géré leur avance. » Reste à voir si les 8000 kilomètres parcourus serviront de porte-bonheur aux Bleues pour la suite de leur tournoi. Thoufeer a en tout cas prévu de rester jusqu’à la finale. La suite de son programme personnel est déjà connue : « J’ai déjà mes billets pour les matchs des garçons en septembre pour la Ligue des nations. Ce sera ma première fois au Stade de France, et ensuite, je les suivrai au Danemark. Pour le Qatar, même chose, tous mes tickets sont réservés. » Celui dont le niveau de français se limite aux salutations de base, « à cause de la prononciation trop difficile », a quand même réussi à apprendre les paroles de La Marseillaise. Et même s’il n’est pas sûr de savoir la chanter correctement, une chose est sûre : il y met tout son cœur.

Par Julien Duez, à Rotherham

Photos : JD et DR.

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