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Obraniak : « Pour partir jouer le bas de tableau en Turquie, il faut être courageux »

Propos recueillis par Théo Denmat
Obraniak : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Pour partir jouer le bas de tableau en Turquie, il faut être courageux<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

La première fois, il décroche de Marrakech. La seconde, de Bordeaux. C'est finalement descendu de sa colline corse, posé sur une terrasse d'Ajaccio, que Ludovic Obraniak répond. Un endroit d'où « il peut enfin capter » une petite demi-heure, le temps de parler de son transfert hivernal en Turquie, de la sélection polonaise, de Jean Fernandez et de foi.

Bonjour Ludovic ! C’est vrai que tu aurais dû t’appeler Ludovic Ubraniak ?

Oui, c’est vrai. Quand mes parents sont arrivés en France, à l’état civil, ils se sont trompés. C’était Ubraniak et c’est devenu Obraniak… Bon finalement, c’est pas si mal, je préfère le second ! Mais c’est une histoire vraie.

Quand on s’est contactés pour faire cette interview, tu m’as dit que tu t’entraînais avec Bordeaux…

Non, je ne m’entraîne pas avec les Girondins, parce que je suis encore sous contrat avec Brême. Mais je m’entraîne avec un préparateur physique que j’ai connu à Bordeaux qui s’appelle Pierrot Labat. Je travaille surtout techniquement avec lui, physiquement je me gère tout seul. Sa spécialité, c’est les gammes du football. Il est ultra connu, si tu tapes « Pierrot Labat » , tu verras. Il a bossé avec Zidane, Lizarazu, Gourcuff… C’est lui qui, techniquement, te remet en selle par rapport à des gammes que tu as tendance à oublier au fur et à mesure de ta carrière. Le toucher de balle, le contrôle de balle, la gestion du corps, le positionnement par rapport au ballon… Ce sont des choses basiques, mais que l’on a tendance à oublier.

C’est important pour toi, le jeu simple ?

Ah bah, ça a toujours été mon jeu ! J’ai été élevé à ça : simplicité, efficacité. Je pense avoir une bonne technique, et comme je n’étais pas un joueur de dribbles, le meilleur moyen d’être efficace était de jouer en une touche de balle. Une touche plus le mouvement. Quand j’étais jeune, c’est Jean Fernandez qui nous a formés à ça : limiter le nombre de touches de balle et beaucoup bouger. Il appelait ça le « contrôle-passe-moving » .

Sérieusement, le « contrôle-passe-moving » ?

Il aimait bien mettre un petit mot d’anglais de temps en temps, même s’il ne le parlait pas super bien (rires) ! L’identité de mon jeu est basée là-dessus. Je ne suis pas un joueur capable de faire deux dribbles et… non, ce n’est pas mon jeu. Je suis plus dans l’optique d’éliminer par la passe ou le mouvement.

Oui, le fameux dicton de voir avant de recevoir le ballon…

Dans le football, on n’a pas tous les mêmes qualités ! Il y a en a qui sont fait pour le un-contre-un, l’élimination, d’autres pour le jeu de passes. Quand tu n’as pas de grosses qualités de vitesse et de vivacité, il faut se débrouiller autrement. Moi, c’était le moyen que j’avais trouvé.

Les dernières infos que l’on a eues de toi en France, c’est que tu avais fait un malaise cardiaque pendant un match alors que c’était totalement faux.

Ça, c’est les réseaux sociaux… C’est à celui qui va avoir l’info en premier même si elle n’est pas bonne. La chasse à l’information, aujourd’hui c’est un danger. Mais qu’est ce qu’on peut faire pour contrer ça ?

C’était une simple bronchite ?

Oui, une bronchite mal soignée. J’ai quand même voulu jouer en pensant que c’était guéri, mais, pendant le match, j’ai ressenti un gros coup de mou. Je n’étais pas en bon état de forme et je me suis retrouvé totalement à côté de mes pompes, quoi ! J’ai demandé à sortir, tout simplement, et le staff médical de Rize (le Çaykur Rizespor, nldr), très professionnel, m’a fait passer des examens pour vérifier si cela n’était pas autre chose. Des gens m’ont vu à l’hôpital avec un moniteur cardiaque et c’est parti comme ça. Ils ne se rendent pas compte ! En plus, j’étais parti sans prendre mon téléphone, donc ma famille a entendu que j’avais fait une crise cardiaque. Ma femme et mes enfants n’ont pas réussi à me joindre avant que je sorte de l’hôpital, ils se sont super inquiétés, ma famille, mes proches… Je te laisse imaginer le chaos que cela a pu être au niveau familial et amical.

En dehors de cet épisode, on peut dire que ta demi-saison en Turquie avec Rizespor est un succès : tu marques 2 buts et donnes 5 passes décisives en 16 matchs. Comment tu as trouvé le championnat turc ?

Très très bien. Vraiment très intéressant, avec un bon potentiel pour l’avenir. Même s’il n’est pas encore à la hauteur des grands championnats européens, il est en perpétuelle progression. En plus, cette année, toutes les règles changent : les équipes pourront jouer avec quatorze étrangers et plus seulement sept, il n’y a quasiment que des nouveaux stades… D’ailleurs, si des joueurs comme Van Persie ou Sneijder vont là-bas ce n’est pas pour rien ! Bon, ils y trouvent aussi leur intérêt financier, mais sur le plan footballistique, j’ai trouvé ça d’un très bon niveau. J’ai pris énormément de plaisir à jouer dans cette équipe pendant cinq mois.

Et pourtant, on ne peut pas dire que tu sois venu pour la réputation du club…

Non, je ne connaissais pas Rize, mais j’ai été agréablement surpris. Surpris par les qualités d’infrastructures, de professionnalisme, et surtout par les qualités humaines. De cœur. Ce sont ces choses-là qui m’ont beaucoup touché. Ils m’ont remis dans le bain, alors que j’étais dans une impasse, et je leur en serais reconnaissant pour bien longtemps. J’ai vécu cinq mois extraordinaires là-bas.

À ce point ?

Ah, je me suis régalé. Tant footballistiquement que sur le plan humain, je me suis régalé. J’ai rencontré des gens formidables, ils ont été aux petits soins pour moi dès mon arrivée et tout au long de mon séjour, ce qui m’a permis de retrouver la confiance. Vraiment, que ce soit le staff, les gens qui travaillaient dans le centre d’entraînement ou les collègues. Ça s’est super bien passé, j’étais très heureux là-bas.

La parenthèse terminée, cela veut aussi dire retour en Allemagne… Comment se profile ce début de saison ?

Je ne sais pas, je suis un peu dans l’attente. Je n’ai pas été convié à la reprise de l’équipe première avec Brême, donc pour l’instant, je m’entraîne seul, comme tu le sais. Eux veulent qu’on trouve un accord pour se séparer donc… bah écoute ! À eux de me trouver un défi intéressant qui me permette de laisser courir ma dernière année de contrat.

Il y a eu des rumeurs avec l’AC Ajaccio…

(Il coupe) Non, impossible. On m’a vu arriver à Ajaccio parce que j’ai ma maison de vacances pas loin d’Ajaccio. Les jeunes ont dû me voir arriver et en déduire que j’allais signer.

Un club de Ligue 2, ce serait envisageable ?

En France ? Je ne pense pas, non. J’ai encore un très bon niveau, j’ai 30 ans, je me sens en pleine forme… Avec tout le respect que j’ai pour la Ligue 2 française, je ne crois pas que j’en sois au point de trouver un club en deuxième division. Loin de là.

Dans une interview à Libération en octobre 2012, tu disais « J’ai toujours eu un mental de gagneur, j’en suis au point d’aimer les moments où je suis au plus bas » . Quand ça se passait mal au Werder, tu ne t’es jamais inquiété ?

Je suis passé par beaucoup de sentiments, mais jamais par celui de l’inquiétude. J’ai la foi, je suis croyant, donc ça m’a toujours aidé à rester positif sur ma situation. Je ne me suis jamais posé trop de questions, j’ai fait le job. À partir du moment où tu es dans une structure professionnelle, peu importe ce qui arrive, tu te dois de rester pro par rapport à ton comportement. Je suis fier par rapport à ce que j’ai vécu là-bas, parce que l’on ne m’a vraiment pas rendu les choses faciles, et que l’on ne me les rend pas faciles encore aujourd’hui. Maintenant, il est clair que j’ai été irréprochable, j’attends qu’ils le soient en retour et ce n’est pas forcément le cas. J’ai toujours eu confiance en moi, je sais ce que je suis capable de faire. Quand je pars dans un club qui joue le bas de tableau en Turquie, je pense qu’il faut quand même avoir du courage. J’ai rebondi sans problème, alors que je n’avais pas joué depuis plus de sept mois. J’ai encore du gaz et un mental à toute épreuve.

Cette expérience en Turquie peut-elle t’amener à partir à l’étranger quelque temps pour découvrir des petits championnats et te faire un peu d’argent de poche, à l’instar de Nenê au Qatar ou Guillaume Hoarau en Chine ?

Honnêtement, je ne suis pas en mesure aujourd’hui de refuser quoi que ce soit. Tout reste ouvert. Il ne faut pas être hypocrite, à 30 ans, l’aspect financier peut entrer en ligne de compte. Je n’ai aucun problème avec ça, je sais que je suis à un moment de ma carrière où il faut essayer de capitaliser, donc je n’aurais aucun souci à faire ce type de choix.

Quitte à en profiter pour rejoindre Damien Perquis en MLS ?

Pourquoi pas ? J’ai toujours eu l’envie d’aller en MLS ! Je ne l’avais pas prévu aussi tôt, mais c’est un challenge qui me botterait bien, oui.

Revenons un instant sur la Turquie. Cette année a été fortement marquée par le terrorisme, et la France aussi. La Turquie possède des frontières communes avec la Syrie, l’Irak et l’Iran : comment as-tu perçu cette proximité avec les conflits armés et l’État islamique ?

C’est là où il faut se rendre compte que l’on est pas mal manipulé par les médias. C’est quand même difficile à croire, mais moi qui ai vécu à même pas cent bornes de la Géorgie, et connu des joueurs qui étaient à Gaziantep près de la frontière syrienne, tous vivent très bien sans aucun problème ! Bien sûr, il y a ce qui se passe hein, il ne faut pas se voiler la face. Mais je n’ai jamais senti personne en insécurité à quelque moment que ce soit. Je pense que l’on (longue pause)… nous ment. Je ne sais pas. On a tout intérêt à nous faire peur. En tout cas, moi, ce que j’entends de France sur la Turquie et ce que j’ai pu vivre là-bas, c’est diamétralement différent.

La saison des transferts a débuté, on a déjà pu constater beaucoup de folies : Sterling à City pour 69 millions, Firmino à Liverpool pour 40 millions… C’est pas un peu fou, toutes ces sommes ?

Je commence à connaître un peu le milieu, il y a beaucoup d’intermédiaires, et je ne suis pas sûr que le montant du transfert corresponde vraiment à la valeur du joueur. Le marché fonctionne différemment : en payant 70, le transfert du joueur sec aura peut-être valu 50 ou 60.

Pour la dédicace, c’est un peu l’allégorie du plombier polonais appliquée au football…

(Rires) Je ne sais pas si on peut aller jusque-là ! Mais concernant la valeur intrinsèque de Sterling, qui est un joueur très intéressant, c’est quand même le prix que valait Zidane il y a quelques années, et c’est pas si loin !

Puisque l’on y vient, un mot sur les éliminatoires de l’Euro avec la Pologne. On peut dire que ça se passe plutôt bien, l’équipe est première de son groupe devant l’Allemagne, en revanche pour toi c’est plus compliqué…

Il n’y a rien de compliqué, on s’était juste mis d’accord avec le sélectionneur : le premier été, j’étais sans compétition depuis quatre mois, mais il m’a quand même fait le cadeau et l’honneur de me prendre pour un match amical contre l’Allemagne. C’était un moment où j’en avais besoin, même si je n’étais pas en mesure de représenter correctement mon pays. L’équipe nationale, ça se mérite. Au bout d’un an sans jouer à Brême, tu ne mérites pas d’être en équipe nationale. Il a fait le choix de faire confiance à des jeunes, ça a bien marché, donc quel intérêt de me reprendre pour le moment ?

L’Euro, tu y crois ?

Oui, bien sûr que j’y crois ! C’est l’Euro en France, ce serait l’idéal pour moi pour boucler la boucle au niveau international. Ce serait super ! Après, vis-à-vis de ma situation actuelle, le pourcentage de chance est minime. Ça dépendra d’où je vais signer cet été, de ma condition, du temps de jeu que j’aurai… J’ai entièrement confiance en ce sélectionneur-là (Adam Nawalka, ndlr). On a une très bonne relation, c’est quelqu’un de droit et de professionnel. S’il doit me prendre à un moment parce que je le mérite, il le fera.

Tu as regardé la Coupe du monde féminine ?

Non ! Là où je suis, je n’ai pas la TV.

Du coup, la Copa América non plus, j’imagine…

Je n’ai rien suivi. Quand je suis en Corse, je n’ai ni TV ni téléphone. Du coup, je décompresse un peu avec le monde des médias et avec le foot. C’est bien de penser à autre chose de temps en temps. En plus, je suis parti en Turquie cinq mois, je n’ai pas vu ma femme et mes enfants pendant tout ce temps. Donc je leur donne le maximum de temps que je peux utiliser lorsque l’on passe des vacances ensemble.

Tu ne leur apprends donc pas forcément à jouer au foot dans le maquis corse…

Oh, tu sais, ils font ce qu’ils veulent. On ne m’a jamais forcé à faire quoi que ce soit, et je ne suis pas dans cet état d’esprit-là. Si le petit a envie de jouer au foot, tant mieux, mais ce ne sera pas une obligation. Ils ont respectivement quatre ans et un an et demi, et le petit tape bien dans le ballon ! Il y a des aptitudes, il y a des aptitudes… (rires)

Quand on regarde ta carrière professionnelle, si l’on met de côté ton prêt à Rizespor, tu as connu trois transferts pour lesquels tu n’a jamais couté plus de 2 millions d’euros. Au-delà des chiffres, n’as-tu jamais eu l’impression d’être sous-estimé en Ligue 1 ?

Médiatiquement, je n’ai jamais eu à me plaindre. On a toujours dit que j’étais un bon joueur, je n’ai jamais été un top-joueur non plus ! Donc l’un dans l’autre… C’est comme on le disait tout à l’heure : est-ce que c’est le transfert qui fait vraiment la valeur du joueur ? Je n’en suis pas sûr. Que tu partes à deux ou à dix, généralement cet argent-là ne tombe pas dans ta poche. C’est juste une question d’orgueil et d’égo, histoire de se dire « Tiens, je coûte 10 millions d’euros » . Cela ne m’a jamais vexé, je ne me suis jamais senti dévalorisé par rapport à ça. Au contraire, ça a plutôt été un avantage. J’ai eu la chance d’avoir des transferts pas trop élevés qui m’ont permis de bouger à des moments où j’en avais besoin.

La dernière fois que l’on t’a interviewé, tu avais encore un peu de mal avec le polonais, comment ça se passe ?

Le problème du polonais, c’est que c’est une langue à déclinaison. Il y en a sept, comme le latin. J’ai fait des efforts, mais ce serait mentir que de dire que je le parle. Il suffit que je tombe dans l’une des cinq déclinaisons que je ne connais pas et c’est des mots complètement différents, je perds le sens de la phrase… Mais j’ai quand même un vocabulaire pas mal ! Je continue à prendre des cours par correspondance quand j’ai le temps.

Propos recueillis par Théo Denmat

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