Tu es arrivé en juillet dernier en Nouvelle-Zélande. Après plusieurs mois maintenant, comment juges-tu ton intégration ?
Ça été un peu dur. Je connaissais deux, trois joueurs de l’équipe contre lesquels j’avais joué avant quand ils évoluaient à Melbourne, en Australie. Avant d’arriver, ça faisait presque quatre ans que j’étais en Australie. Je n’ai changé de club qu’une fois et je connaissais quasiment tous les joueurs, car cela faisait quatre ans que je jouais dans la même Ligue (du nom de Queensland en National Premier Leagues, la seconde division australienne, ndlr). Là, c’était compliqué d’arriver dans un nouveau pays, surtout que le football est ici différent de l’Australie. Ils ne jouent pas de la même façon, ils sont plus physiques. Tous les week-ends, tu joues contre des mecs qui font 1m90… La seule équipe qui joue, c’est Auckland. Ils sont vraiment forts. Mais, sinon les autres, ce sont des bouchers. Tu as l’impression de jouer des matchs de DH parisienne. Ça ne fait que de rentrer dedans, ce n’est pas évident…
De quelle manière s’est déroulée ta venue à Team Wellington, le club au sein duquel tu évolues actuellement ?
En fait, ça s’est déroulé sur plusieurs mois. L’entraîneur de Team Wellington m’a appelé peut-être deux, trois mois avant que leur saison ne commence (en novembre, ndlr). Ça s’était bien passé au téléphone, on avait eu un bon feeling. Ensuite, j’ai parlé avec le manager à propos du contrat. Il m’a expliqué qu’ils n’avaient pas un gros budget, mais qu’ils avaient vraiment l’ambition de monter une équipe pour gagner le championnat, car ils ne l’ont jamais remporté. On a discuté, il m’a envoyé un premier contrat. Ça ne m’a pas plu. J’ai mis un terme à la conversation et on a arrêté de se parler pendant environ un mois et demi. Puis après, alors que je ne pensais plus du tout à eux, ils m’ont envoyé un contrat qui donnait satisfaction à tout le monde et je suis arrivé ici en septembre. J’ai fait la pré-saison et tout s’est super bien passé jusqu’au retour des vacances. Parce qu’il y a un gros break d’un mois entre le mois de décembre et le mois de janvier. Entre-temps, je suis parti en vacances, car c’est vrai que je n’étais pas plus investi que cela. J’ai eu l’opportunité d’aller en Polynésie française, j’avais trouvé des billets pas chers, et franchement, Bora-Bora ça ne se refuse pas, hein… (rires). Durant cette période, je n’ai pas du tout bossé. Je suis parti le 20 décembre, et aux alentours de cette date, on a appris que le Qatar voulait organiser un match amical contre Team Wellington. Le coach m’a appelé, je lui ai dit que c’était impossible et que je ne pouvais pas changer mes billets. Depuis ce moment-là, on n’est plus vraiment copains. Ça doit faire quatre matchs que je suis sur le banc et qu’il me fait rentrer pour jouer vingt minutes. J’ai discuté plusieurs fois avec le président, et lui aussi ne trouve pas ça normal.
Tu as joué 12 matchs dont six en tant que titulaire (1 but) en ASB Premiership. Quel regard portes-tu sur tes prestations et le niveau du championnat néo-zélandais ?
Je ne suis vraiment pas satisfait de ma saison. Et c’est en partie de ma faute, car je ne me suis pas investi. Je suis arrivé ici en attendant que la saison en Australie reprenne. Je ne m’attendais pas à travailler plus que ça à l’entraînement. Le foot, j’essaye encore, mais ça fait longtemps que j’ai un peu lâché l’affaire. Plus jeune, je suis passé par le centre de formation d’Anderlecht. J’ai eu quelques problèmes et j’ai arrêté le foot pendant deux ans. Puis j’ai débarqué comme ça en Australie et j’ai vraiment travaillé dur pour revenir à mon niveau. Il y a deux ans, je suis parti un mois en test avec l’équipe de Brisbane qui évolue en première division australienne. Mais c’est très compliqué d’avoir un contrat là-bas, il n’y a que cinq places pour obtenir un visa. Lors de la dernière semaine, je fais un superbe match de pré-saison où je marque deux buts. Au moment où je devais signer, je rencontre le président du club qui me dit qu’ils vont signer Liam Miller, un Irlandais qui a joué à Manchester United. C’est aussi ce qui a fait que je me suis relâché et que je me repose un peu sur mes lauriers maintenant. Je ne travaille pas plus que ça… Et je ne me suis pas rendu en Nouvelle-Zélande avec la perspective de travailler. Et le championnat néo-zélandais est un championnat physique, donc il faut bosser. Mes prestations s’en ressentent, et je ne suis pas au niveau. En vrai, je trouve que la condition physique joue beaucoup et qu’on ne s’entraîne pas assez. Puis, comme je te l’ai dit, ici ça ne joue pas vraiment au ballon. Notre entraîneur demande à l’équipe de beaucoup défendre. Il préfère ne pas prendre de but et gagner les matchs 1-0, plutôt que de proposer un jeu attractif. Moi, je suis attaquant ou ailier, et là, je me retrouve milieu de terrain à revenir chaque fois archi loin en défense. J’ai essayé de lui en parler, mais bon… Le seul match où il m’a fait confiance en me plaçant juste derrière l’attaquant, c’était contre les U20 néo-zélandais et j’avais sorti une belle prestation avec un but et deux passes décisives. Je lui ai dit : « Regarde le match que j’ai fait, tu devrais me faire jouer à ce poste-là » . Finalement non, il ne m’a pas fait rejouer à cette place. Parfois, en match, je me demande si le latéral gauche ne joue pas plus haut que moi… (rires). Je vais bientôt rentrer en Australie, et mes saisons là-bas n’ont rien à voir avec ce que je fais ici. L’année dernière, j’ai dû faire vingt matchs, inscrire dix buts et totaliser entre vingt, vingt-cinq passes décisives. Je sortais de deux très bonnes saisons avant de partir en Nouvelle-Zélande.
On sait que la Nouvelle-Zélande est une terre de rugby. Mais à quel niveau se situe l’engouement autour du ballon rond ?
Ce n’est pas énorme. En moyenne, tu dois compter entre cent et deux cents personnes dans les tribunes par match. Ce n’est rien. Le match où j’ai vu le plus de monde, c’était à Auckland avec environ six cents personnes. Je ne sens pas d’engouement autour du foot. Tu ne vois pas de petit jouer avec un ballon de foot dans la rue, par exemple. En France, tu marches une heure dans la rue, tu vas croiser des enfants avec des ballons ou des maillots de foot. Ici, les petits portent des maillots de rugby. Il y a même aussi plus de monde qui suit le cricket que le foot. En revanche, en Australie, ça commence vraiment à se développer. Mais je pense que ça va arriver en Nouvelle-Zélande.
Parle-nous un peu de la ville Wellington en elle-même, centre politique du pays et réputée également pour son rayonnement culturel.
C’est une ville assez étrange, assez bizarre. Il y a un mois de cela, il n’y avait pas grand monde en ville, et depuis que l’université a repris il y a deux semaines, on voit énormément d’étudiants. Même si le climat n’est pas super avec beaucoup de vent tous les jours, il y a pas mal de choses à voir. On peut aussi aller à la mer, mais il faut être courageux pour se baigner… Je ne sais pas s’il y a une culture des cafés, mais c’est vrai qu’on peut voir beaucoup en ville. Comme il fait souvent froid, il faut sans doute cela pour que les gens se réchauffent (rires).
Dans le classement Mercer des meilleures villes dans lesquelles vivre au monde établi en 2012, Wellington arrivait en 13e position. Il fait si bon vivre là-bas ?
13e position, putain ?! Franchement, je ne sais pas comment ce classement a été établi… Mais viens passer une semaine ici et tu vas voir ! (rires) Il y a du vent tous les jours et quand je te dis qu’il y a du vent, ça n’a rien à voir avec le Sud de la France. C’est vraiment du vent de compétition, là ! À tel point que l’année dernière, ça a fait trembler le bâtiment où je suis. Avant de venir, j’avais passé trois ans et demi, quatre ans à Brisbane où il fait toujours bon. En hiver, il doit faire minimum quinze degrés, il n’y a pas de vent, il fait toujours chaud. Je me rappelle une anecdote où j’étais parti de Brisbane en septembre. J’avais pris l’avion là-bas et il devait faire presque trente-cinq degrés la journée avec un grand soleil. Quand on a atterri en Nouvelle-Zélande, il devait être une heure du matin. Il y avait du vent, il pleuvait et devait faire à peine deux ou trois degrés, pas plus. Donc dès le début, je ne peux pas dire que j’étais dans un bon état d’esprit pour attaquer la Nouvelle-Zélande. À peine arrivé, j’avais déjà envie de repartir au bout de la première semaine.
Un autre Français, Victor da Costa, a joué aussi dans le championnat néo-zélandais, à Southern United. As-tu eu l’occasion de discuter avec lui ?
Un petit peu, ouais. Je lui ai parlé au match aller, mais il n’était plus là lors du match retour. Il était dans une équipe située dans le Sud de la Nouvelle-Zélande où il n’y avait pas du tout de moyens. Il jouait là-bas et avait trouvé un boulot en parallèle, ça semblait lui plaire. Moi, je n’ai pas eu besoin de faire ça, car j’avais négocié un bon contrat et ils n’ont pas l’habitude de faire ça ici, d’où les difficultés rencontrées lors de nos discussions. Comme le club voulait monter une équipe pour gagner la ligue, j’ai eu gain de cause. Ils me payent chaque semaine et prennent en plus la moitié du loyer de mon appartement, donc c’est une grosse dépense en moins pour moi. D’un point de vue financier, ce n’est pas aussi bien qu’en Australie, mais je n’ai pas à me plaindre. Sinon, avec Victor, on a parlé un peu foot ici et on avait le même ressenti, à savoir que ce sont des bourrins et que ce n’est pas évident de jouer au ballon.
Avant la Nouvelle-Zélande, tu as justement joué plusieurs années en Australie. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Les deux premières saisons, j’ai joué à Sunshine Coast. Puis après, le président a changé, et le club voulait reconstruire une nouvelle équipe. Je suis parti, car j’ai eu une belle offre d’un autre club appelé Redlands, qui se trouve à quinze minutes en voiture de Brisbane. Là-bas, je me sens vraiment épanoui, et la qualité du foot est meilleure. Nous ne sommes pas considérés comme des professionnels, mais on a quasiment la même vie. On effectue plein de déplacements en avion, étant donné que le pays est vaste. Ça fait penser au même mode de vie que les footballeurs en Europe.
Même si tu n’as pas évolué en A-League (première division australienne), as-tu senti sur place la volonté de développer et d’investir dans le football ?
C’est ce qu’on ressent sur place depuis deux années. Ils font notamment beaucoup de choses pour les jeunes. Il n’y a pas encore de centres de formation, mais ils font désormais des détections, par exemple. Au moins une fois par semaine, il y a des gars de l’équipe première qui viennent et encadrent un entraînement pour apprendre aux jeunes. Je l’ai fait plusieurs fois pour les U13 et ça s’est très bien passé. Et ils sont vraiment contents. Même si ce n’est pas très bien développé, ceux qui jouent dans les équipes de jeunes sont contents de pouvoir venir regarder les matchs et qu’on signe leurs tee-shirts. L’année dernière, pour la première fois dans le pays, ils ont organisé la Coupe d’Australie. C’est super, puis j’ai eu l’occasion de voir Del Piero lors d’un match amical qu’il était venu regarder et d’affronter Shinji Ono qui évoluait à Western Sydney !
Au regard de cette expérience, à quel niveau évaluerais-tu le football là-bas ?
Leur première division doit peut-être valoir le niveau de bonnes équipes de National en France. La deuxième division correspondrait davantage à un niveau de CFA 2. Il faut leur laisser du temps. On a pu voir lors de la dernière Coupe du monde des clubs qu’Auckland avait réalisé un beau parcours (3e de la compétition, ndlr). D’ailleurs, j’avais refusé une offre d’Auckland il y a de ça deux ans parce que ça ne m’intéressait pas de quitter l’Australie à ce moment-là. Avec du recul, je me dis que j’ai fait le con, car Auckland est vraiment au-dessus du lot en Nouvelle-Zélande. Ils jouent à une touche de balle et te font courir pendant quatre-vingt-dix minutes. Ils n’ont pas de grosses individualités, mais un collectif impressionnant.
La barrière de la langue n’a-t-elle pas été trop difficile pour ton intégration à tes débuts ?
Si, complètement. J’ai eu énormément de mal avec l’anglais en arrivant parce que je ne parlais pas un mot avant de venir. J’étais à la Sunshine Coast, à cent kilomètres au nord de Brisbane. Il y a la plage, mais c’est aussi la campagne autour. Ils ont un accent… (rires) Puis en plus le coach était écossais ! C’était archi difficile, je ne comprenais rien de ce qu’il me racontait lors de ma première année. J’ai eu de la chance lors de ma première année, puisqu’il y avait un gars de Nouvelle-Calédonie et un autre de Papouasie. Les deux parlaient un peu français et j’ai pu m’en sortir grâce à eux deux. Puis au fur et à mesure du temps, je me suis vraiment intégré dans l’équipe et j’allais suivre des cours en anglais. Maintenant ça va, je m’en sors de ce côté-là, donc c’est cool.
Ton parcours intrigue vraiment. Pourquoi avoir décidé de partir au bout du monde si tôt, alors que tu venais d’avoir vingt ans ?
Quand j’ai eu mes petits problèmes et que j’ai dû arrêter le foot, je ne voulais vraiment plus en entendre parler. Je suis rentré de chez moi près de Paris. J’ai enchaîné les petits boulots, j’ai même travaillé au McDo pendant deux, trois mois. Je ne voulais vraiment plus rien faire. J’allais aux entraînements du club de ma ville qui était en première division de district. Ce n’était pas intéressant, mais ça me permettait de jouer avec mes potes. Ça faisait passer le temps. Puis, quelque temps après, mon oncle, qui est tout le temps derrière moi depuis que je suis petit, a eu un boulot en Australie. Quand j’avais décidé d’arrêter le foot, nous n’étions plus en très bons termes. Lui pensait que c’était un gâchis… Un jour, j’ai reçu un coup de fil de sa part me disant que si je voulais venir en Australie, j’étais le bienvenu. Il m’a vendu le truc en me disant de passer un mois ici, que ce serait cool, que ça allait me changer. Mais ce que je ne savais pas, c’est qu’il avait déjà fait des démarches avec des clubs australiens. Je me souviens que j’étais arrivé mi-novembre et fin décembre, j’avais signé un contrat avec un club. On avait passé une semaine tranquille à visiter et faire des tours dans la ville. Puis, un jour, il m’a dit qu’il y avait un entraînement et m’a demandé si je voulais y aller. Il avait tout organisé et je le remercie, ça a changé ma vie.
Être si loin de ta famille, ce n’est pas compliqué à vivre parfois ?
Ça a été un grand changement. Ça faisait deux ans que j’étais revenu chez moi et que j’habitais encore chez mes parents. J’étais avec mes petits frères tous les jours. Ça n’a pas été évident de partir. Les premiers mois ont été difficiles car je n’ai pas rencontré beaucoup de Français. Mais ça m’a servi en même temps. La première année, l’un de mes petits frères est venu me voir un mois pendant les grandes vacances scolaires d’été. Et comme ça s’est super bien passé, il vient tous les ans désormais. Ça fait plaisir, puis j’ai eu mon oncle qui était basé à Brisbane les premiers mois avant de partir pour un autre boulot à Sydney.
Avant de t’exiler, tu disais avoir arrêté le foot pendant deux ans…
J’en étais dégoûté. Plus jeune, j’ai fait un essai à Reading pendant deux semaines et au Borussia Dortmund aussi. Là où j’ai merdé, c’est que j’avais mal choisi mon agent. Au moment de signer à Reading, j’avais quatorze ans et ça s’était vraiment bien passé, à tel point que je m’étais entraîné avec les pros la dernière semaine, mon agent leur a demandé énormément d’argent. Cela s’est reproduit quand je suis parti à seize ans au Borussia. Là-bas, j’ai fait une semaine d’entraînement avec les U18 et une semaine avec la réserve. Il y aussi un épisode similaire à Anderlecht. Je jouais au Sporting Toulon Var, j’étais en U18-U19 et CFA là-bas. Je devais avoir seize, dix-sept ans. J’ai eu l’opportunité d’aller à Anderlecht et je suis resté les cinq premiers mois là-bas. Arrivé en fin de saison, je pensais que c’était réglé et que j’allais signer un contrat de stagiaire pro. Et finalement non. Mon agent m’a dit que c’était des cons, qu’ils n’acceptaient pas et qu’il me trouverait quelque chose en France. Deux semaines après, j’avais appris que c’était lui qui avait dit non en réalité. Il m’avait ensuite envoyé un mail pour me dire d’aller m’entraîner avec le Paris FC. Mais j’ai lâché l’affaire, j’ai dit que ça ne servait plus à rien. C’était un agent bidon. Quand j’y repense, j’ai du dégoût… Ma carrière aurait pu peut-être connaître une toute autre trajectoire sans lui. On ne peut pas en être convaincu à 100%, mais je pense que ça aurait changé pas mal de choses.
À vingt-cinq ans, as-tu l’ambition de revenir prochainement jouer en Europe ?
Je ne sais pas du tout. Je viens de signer un contrat de deux ans avec mon club australien. Mais j’espère avoir quand même l’opportunité de pouvoir revenir en France ou un autre pays européen. Après, je doute que beaucoup d’équipes européennes regardent le football australien… Je garde quand même ça dans un coin de ma tête. À vingt-cinq ans, c’est trop tard pour une équipe de première ou deuxième division, mais peut-être pas pour une formation de National. Avant de partir, j’ai eu la chance avec mon club d’aller un peu loin en Coupe de France et on avait affronté une équipe de CFA. J’avais fait un superbe match contre eux et j’avais l’occasion de les rejoindre. Mais deux semaines après, j’étais parti en Australie. Du coup, je me dis peut-être que ce serait possible encore…
Pardon d’avoir douté, Rayan Cherki