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Nice-Bâle et la gestion des supporters : une honte française

Par Clément Gavard

Les supporters du FC Bâle ont appris moins de 48 heures avant le coup d'envoi du quart de finale retour de C4 face à Nice qu'ils ne pourraient pas se rendre à l'Allianz Riviera pour soutenir leur équipe. Un nouveau fiasco qui vient écorner l'image de la France, près d'un an après la finale de la Ligue des champions à Saint-Denis.

Nice-Bâle et la gestion des supporters : une honte française

Près d’un an après le fiasco de la finale de la Ligue des champions à Saint-Denis, la France ne s’est pas débarrassée de son bonnet d’âne quand il s’agit de gérer la circulation et l’accueil de supporters sur son territoire. Cette fois, ce sont les fans du FC Bâle qui en subissent les conséquences. À moins de 48 heures du coup d’envoi du quart de finale retour face à Nice, ils ont appris qu’ils ne pourraient pas se rendre à l’Allianz Riviera, à la suite d’une interdiction de déplacement annoncée dans un arrêté pris par le ministère de l’Intérieur et publié au Journal officiel dans la nuit de mardi à mercredi. De l’autre côté du Jura, cette décision a provoqué de la colère, de la frustration et de l’incompréhension. « Quand j’ai vu ça, c’était quasiment un cauchemar, je ne comprenais pas trop, déplore Clément, 20 ans, qui vit dans la région francophone à une trentaine de kilomètres de Bâle et se réjouissait de vivre son premier déplacement européen. Si ça avait été annoncé deux semaines plus tôt, les gens auraient pu l’accepter, et on ne serait pas venus. Mais là, des Bâlois sont déjà sur place depuis plusieurs jours. Maintenant, il reste encore un petit espoir, même s’il est vraiment minuscule. »

J’ai trouvé le parcage niçois impressionnant à Bâle, c’est dommage qu’on ne soit pas autorisé à reproduire la même chose là-bas.

Clément, supporter bâlois frustré

Cet espoir a été porté ces dernières heures par l’action de Football Supporters Europe, l’Association nationale des supporters, le FC Bâle et six groupes de supporters du club suisse, qui ont intenté un recours contre l’interdiction de déplacement. Une audience s’est tenue au Conseil d’État ce jeudi matin, mais celui-ci a finalement confirmé l’arrêté ministériel, motivant sa décision dans son ordonnance par la « très forte sollicitation actuelle des forces de l’ordre (…) dans le cadre des manifestations contre la réforme des retraites » et le dispositif policier renforcé à Menton pour « lutter contre des flux d’immigration clandestine en forte augmentation ». Cela ne peut pas être considéré comme une victoire par les autorités hexagonales, qui ont une nouvelle fois choisi la solution de facilité en prenant des arrêtés liberticides. « À titre personnel, la dernière fois que j’ai vu un tel degré d’improvisation sur un match, c’était la finale de la Ligue des champions au Stade de France, souffle Ronan Evain, directeur de Football Supporters Europe. Et je ne crois pas que ce soit un bon modèle à suivre. »

De Christian Estrosi au ministère de lIntérieur 

Si l’officialisation de l’interdiction de déplacement est arrivée tardivement, la menace planait sur les fans du FCB depuis une semaine et la prise de position de Christian Estrosi, le maire de Nice, demandant dans un communiqué dès le 11 avril que « les supporters suisses ne fassent pas le déplacement » après avoir exprimé sa « très grande inquiétude quant à l’arrivée prochaine, dans les rues de Nice, de centaines de supporters du FC Bâle ». « Il est hors de question d’assister une nouvelle fois à des débordements, avait-il ajouté, faisant référence aux graves incidents constatés en marge de Nice-Cologne en septembre dernier. Je demande donc à l’État de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire échec aux troubles à l’ordre public qui accompagnent systématiquement le déplacement de ces supporters. » Voilà tout le monde dans le même sac et un coup de pression n’augurant rien de bon pour les amoureux des RotBlau. « Il y a une question qui se pose sur le rôle joué par Christian Estrosi, estime Ronan Evain. Il y avait une doctrine claire de réduire au maximum les interdictions de déplacement en France et de s’en passer complètement sur les matchs européens. Il y a ici des raisons de politique locale pour un événement isolé, puisque c’est la première fois depuis 2016 qu’une interdiction stricte et totale est prononcée dans un stade français en Coupe d’Europe. »

Après la venue de 1800 supporters des Aiglons au Parc Saint-Jacques pour la première manche sans incidents majeurs, les Bâlois pensaient pouvoir eux aussi représenter leurs couleurs à l’extérieur. « Personnellement, je n’ai pas vu de tensions, il y a eu des petites insultes, mais ça reste assez classique dans un stade de foot, témoigne Clément. J’ai même trouvé le parcage niçois impressionnant, c’est dommage qu’on ne soit pas autorisé à reproduire la même chose là-bas. » Il a vécu les premiers jours de la semaine comme des montagnes russes, de la décision d’encadrer le déplacement des fans suisses avec de nombreuses restrictions par la préfecture des Alpes-Maritimes à l’interdiction pure et dure prononcée par le ministère de l’Intérieur (et spoilée dans un tweet de Christian Estrosi, au passage). L’arrêté du 19 avril 2023 met en avant « le comportement violent de certains supporters » du FC Bâle ou « les relations entre les supporters » des deux équipes « qui partagent une idéologie politique opposée, et sont empreintes d’animosité », entre autres. « Ouvrir un parcage visiteur ou organiser un point de rendez-vous, ce sont des outils de sécurité, pas des privilèges qui peuvent être retirés à tout moment, s’agace Ronan Evain. On a trois problèmes ici : de droits fondamentaux, d’organisation et de timing. »

L’interdiction, une solution de complexité

Un grand classique en France, un peu moins en Suisse, où le FC Bâle, chose rare pour un club, a dénoncé dans un long communiqué « un acte arbitraire des autorités comme le FCB n’en a encore jamais connu ». Dans celui-ci, l’adversaire de Nice déplore « une première grande conférence téléphonique très peu structurée entre toutes les parties concernées » et raconte avoir été confronté à « une ignorance et une arrogance inacceptables de la part des autorités ». L’interdiction totale n’a jamais été la solution miracle, surtout quand celle-ci est prise aussi tard, comme le souligne Ronan Evain : « La violence est un risque présent et qui doit être évalué. Ce n’est pas parce qu’il y a un risque d’affrontements sur un match comme celui-ci qu’il faut avancer au bulldozer en interdisant à tout le monde de se déplacer. Ça ne résout pas tout : au lieu de se retrouver à un endroit comme prévu par la préfecture, les supporters de Bâle seront éparpillés dans la ville de Nice. Ça n’aide personne. »

Ce n’est pas parce qu’il y a un risque d’affrontements sur un match comme celui-ci qu’il faut avancer au bulldozer en interdisant à tout le monde de se déplacer.

Ronan Evain, directeur de Football Suppoters Europe

Interdiction ou non, jour de grève ou non, Clément et ses amis ont tout de même prévu de se rendre à Nice ce jeudi après avoir engagé des coûts en transports et en logement, sans vouloir créer de problèmes et avec un peu d’appréhension. « On ne sait pas s’ils vont fouiller dans nos valises pour voir si on a des affaires du FC Bâle en arrivant à l’aéroport, c’est très flou. Le mieux, c’est peut-être de ne pas en prendre et de venir comme de simples citoyens en vacances, se questionne le jeune supporter. On restera sur nos gardes, on n’ira pas dans une manifestation et on ne veut surtout pas de problèmes. Si on ne peut vraiment pas aller au stade, on fera les touristes en allant visiter cette belle ville de Nice et en profitant du soleil. » Ils devraient être un peu plus d’un millier à se retrouver dans le même cas (1500 supporters étaient attendus à l’Allianz Riviera), alors que des incidents avaient éclaté en marge d’un Bâle-OM la saison dernière. « Les gens ont l’air de prôner le calme, constate Clément, présent dans plusieurs groupes de supporters sur les réseaux sociaux. Les Niçois sont même autant déçus que nous. On en a vu certains nous inviter à boire des bières dans les bars de Nice, ça fait plaisir de ne pas être abandonnés. Il faut faire la part des choses entre le club, les supporters et les autorités. »

La France et le spectre des JO

Reste que l’image de la France est encore une fois écornée, avec une organisation laissant à désirer et un refus du dialogue propre à un pays, décidément très en retard sur toutes ces problématiques de sécurité. « Le gouvernement d’extrême droite italien vient de s’y mettre depuis quelques mois en interdisant des déplacements à Rome et à Naples, mais je ne suis pas sûr que le gouvernement de Giorgia Meloni soit l’exemple à suivre, expose Ronan Evain. Mais sinon, on peut bien sûr parler d’une exception française. » Une difficulté à gérer les foules, qu’elles soient composées de supporters de foot ou de manifestants contre la réforme des retraites, qui peut inquiéter à l’approche de grands évènements devant se tenir sur le territoire français, notamment la Coupe du monde de rugby à l’automne et surtout les Jeux olympiques en 2024.

«  C’est quand même un grand pays, une puissance européenne, nos voisins, et malgré tout ça, ce n’est pas possible d’accueillir un millier de fans suisses. On peut se demander ce que ça va donner pour le Mondial de rugby ou les JO, redoute Clément avec son regard extérieur. Après, ça ne nous étonne pas trop des autorités françaises quand on voit les manifestations. En plus, c’est le ministre de l’Intérieur qui prend la décision ici. Je ne vois pas comment ça pourrait arriver en Suisse, par exemple, où les déplacements sont très rarement interdits et très bien gérés, sachant que c’est un petit pays. Les supporters font train-stade-train, et il n’y a pas de problèmes. » L’inquiétude est bien sûr partagée en France, où la honte de la dernière finale de Ligue des champions est encore présente, alors que l’avenir ne semble pas plus radieux. « Ça renvoie une image terrible de la capacité de la France à organiser sereinement ce type d’évènements, répète Ronan Evain. Si on panique pour 1500 Suisses, on peut se poser la question sur la légitimité de Nice à être ville hôte des JO (pour les tournois de football masculin et féminin, NDLR), qui est un tournoi bien plus important avec beaucoup plus de pression. » Ce jeudi matin, les supporters du FC Bâle, déjà présents sur la Côte d’Azur ou en route pour Nice, ne savaient donc toujours pas où ils seront ce soir pour voir leur équipe tenter de se faire une place dans le dernier carré d’une Coupe d’Europe. En tout cas, pas à l’Allianz Riviera.

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Par Clément Gavard

Tous propos recueillis par CG, sauf mentions

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