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Monaco 1992, presque à jamais les premiers

Par Nicolas Jucha
Monaco 1992, presque à jamais les premiers

Saison 1991-1992, la France du foot est sous le choc : l’OM, Auxerre, Lyon et Cannes passent à la trappe dès l’automne en coupes d'Europe. L’AS Monaco, que certaines mauvaises langues disent non française, est le dernier survivant. Pendant un semestre, les hommes d’Arsène Wenger vivent avec l’objectif de devenir le premier club français à remporter un trophée européen, la C2 en l'occurrence. Pour échouer sur la dernière marche face au Werder Brême après quelques matchs d’anthologie.

Novembre 1991, Monaco s’impose 1-0 à Louis-II contre les modestes suédois de Norrköping grâce à un but de Christophe Robert. Avec la victoire 2-1 de l’aller en Scandinavie, le club de la Principauté s’offre tranquillement son ticket pour les quarts de finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes. Arsène Wenger et ses hommes vivront donc le printemps européen, au contraire de tous les autres pensionnaires de la D1 française : Marseille, finaliste 1991, tombe contre le Sparta Prague en Coupe des champions, Auxerre se fait sortir à Anfield par Liverpool en Coupe de l’UEFA. Comme l’AS Cannes, maîtrisée par le Dinamo Moscou, et l’Olympique lyonnais, surclassé par les Turcs de Trabzonspor. L’ASM sera donc le dernier représentant français… ou pas. « Monaco était un peu mal aimé parce qu’on était l’équipe de la Principauté », se souvient Luc Sonor, défenseur durant la campagne. Mais pour lui comme ses coéquipiers, il n’y avait pas d’ambiguïté : « C’était double fierté, on défendait la France et la famille princière. » D’où la naissance d’un slogan : « Monaco, premier club français vainqueur d’une Coupe d’Europe », histoire de gagner les cœurs. « Et surtout, on sentait qu’on pouvait le faire, donc on a revendiqué notre double identité », précise Jean-Luc Ettori, gardien emblématique de l’époque.

La Roma au tapis, retour de l’enfer du De Kuip

L’engouement populaire et médiatique prend forme début mars 1992, à la faveur d’un voyage à Rome. « Ce double affrontement contre l’AS Roma, l’un des favoris, c’était du très haut niveau », revendique Gérald Passi. Plus compliqué que les Gallois de Swansea, étrillés au premier tour (2-1 à l’aller ; 8-0 au retour), ou les Suédois de Norrköping (2-1 ; 1-0). « On a manqué plein d’occasions à Rome, mais notre prestation nous a rassurés », rembobine Ettori. Car si l’ASM n’a pas fait la différence au Stadio Olimpico (0-0), ses joueurs ont « compris qu’ils avaient le niveau ». Le plus dur reste à faire à domicile, mais Wenger fait la différence durant la causerie. Luc Sonor : « Il nous a dit : « Vous avez fait un excellent match à l’aller, mais je ne vous félicite pas, je préfère me réserver pour la qualification ce soir, il y a un travail à finir. » En nous disant ça, il nous témoignait une grande confiance. »Monaco s’impose finalement 1-0 grâce à son lutin portugais Gil Rui Barros, et s’offre le soutien populaire. Ainsi que le privilège de défier le mythique club du Feyenoord Rotterdam, peut-être la plus forte équipe en lice après l’élimination de Manchester United au second tour.

Perdre une finale, cela laisse une blessure que rien n’effacera. Un regret qui ternira tout ce que vous avez fait de beau avant, cela laisse un sentiment d’inachevé.

« Cela a été un match d’une intensité folle à l’aller, on a dû aller au bout de nous-mêmes pour arracher le nul(1-1, NDLR) », témoigne Patrick Valéry, binôme de Luc Sonor comme latéral, et buteur sur l’égalisation à Louis-II. Le retour à De Kuip devant 50 000 personnes reste dans les annales : « J’en ai bavé face à Gaston Taument, look rasta, mais ailier super rapide. » En face, Patrick Valéry n’était pas mieux loti avec Regi Blinker, le « clone de Taument dans l’apparence comme le profil de jeu » selon celui qui a également joué à Bastia. Gérald Passi n’avait pas les mêmes responsabilités défensives, mais se souvient que « les cinq dernières minutes à Rotterdam, c’était un match d’hommes ». Car Monaco mène rapidement 1-0 (33e), puis 2-0 (49e) avant de subir les vagues néerlandaises, « un véritable Fort Alamo dans une étuve et un public totalement contre nous », se souvient Ettori. Score final, 2-2, l’ASM passe grâce au but à l’extérieur. « On pensait qu’on allait aller au bout, car on avait battu l’adversaire le plus costaud », repense encore aujourd’hui Luc Sonor.

Du drame de Furiani à France 98

Sauf que rien ne se passe comme prévu. La veille de la finale à Lisbonne, la France vit le drame de Furiani, une tribune qui s’effondre avant la demi-finale de Coupe de France entre Marseille et Bastia. Plus personne n’a vraiment la tête à la finale de Monaco, même si Ettori « ne souhaite pas en faire une excuse, au contraire, cela nous donnait une raison de plus pour gagner ». Entre Gil Rui Barros touché à la cheville et une grève des transports à Lisbonne qui engendre une affluence extrêmement faible au stade de la Luz (16 000 spectateurs seulement), Monaco passe finalement à côté de son match contre le Werder Brême. « Un gâchis », résume Patrick Valéry, quand Luc Sonor « n’arrive toujours pas à revoir le match à la télé, c’est le seul de ma carrière ». Il faut dire que le soir même, l’ambiance est plombée : « Dans le vestiaire, c’était le silence de mort, mais Wenger, gentleman, nous a réconfortés, nous a rappelé que l’on avait fait quelque chose de fantastique. La famille princière nous a aussi félicités. Et moi, j’ai tenu, jusqu’à l’arrivée à l’hôtel où j’ai fondu en larmes, à l’abri des regards. »

Gérald Passi reste incrédule face à la défaite, mais en a gardé un enseignement : « L’année d’avant, Franck Sauzée m’avait dit qu’une finale, cela ne se jouait pas, cela se gagnait, à propos de la finale de Coupe de France contre l’OM. Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Quand j’ai perdu la finale de Lisbonne, j’ai compris. Perdre une finale, cela laisse une blessure que rien n’effacera. Un regret qui ternira tout ce que vous avez fait de beau avant, cela laisse un sentiment d’inachevé. » Dans la « belle équipe » qui a réalisé l’épopée se trouvent Emmanuel Petit, Lilian Thuram et Youri Djorkaeff, futurs cadres de l’équipe de France. « Je leur avais dit que ce n’était peut-être pas la dernière finale de nos carrières, se souvient Passi.Cela m’a fait quelque chose quand six ans plus tard, ils ont soulevé la Coupe du monde. Ils ont rejoué des finales, des plus prestigieuses encore, et les ont gagnées. »

Article initialement paru dans SO FOOT CLUB

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Par Nicolas Jucha

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