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- 28e journée
- FC Barcelone/Real Madrid
Modric, sauveur de l’équilibre
Véritable boussole du Real Madrid, Luka Modrić et sa longue absence ont causé de terribles maux de tête à Carlo Ancelotti. Débarqué en 2012 dans la capitale espagnole, il n'y a pas toujours connu une telle importance. Retour sur une mutation tout en équilibre.
L’heure de jeu approche, le Santiago-Bernabéu étouffe. Entre crispation et sifflets, l’antre madridista n’espère qu’une fin de match rapide. Lorsque Sami Khedira, conspué et agacé, se rapproche du quatrième arbitre, un éphémère espoir s’empare des aficionados locaux. Luka Modrić, crampons aux pieds, s’apprête à retrouver son statut de joueur de football et reçoit une salve d’applaudissements. Les seuls d’une soirée cauchemardesque qui se termine par une qualification aux forceps. Malgré cette qualif’ entachée d’une défaite humiliante, le Croate s’avance sourire en coin face aux caméras. Ancelotti, aigre-doux en conférence de presse, avoue rassuré qu’il « nous donnera plus de contrôle du ballon, et donc plus d’efficacité » . Cinq jours plus tard, au milieu d’un océan d’interrogations, le Croate, cette fois titulaire, illumine la réception de Levante et lance les deux actions décisives du Real Madrid. Après de nombreuses semaines d’absence, il personnifie les rares espérances des Merengues pour ce Clásico. Car avec Luka, c’est tout le navire d’Ancelotti qui retrouve un équilibre plus que précaire.
Mourinho : « Luka manque de tout »
« Luka a changé le match parce qu’il nous a donné de la dynamique et de la création. » Cet éloge ne sort pas de la bouche de Carlo Ancelotti. En mars 2013, son prédécesseur, José Mourinho, rendait un vibrant hommage au Croate. Grâce à son entrée sur le pré d’Old Trafford, Modrić changeait le cours d’une qualification jusque-là propriété de Manchester United. Sa frappe rasante et puissante permettait autant au Real Madrid de se qualifier pour les quarts de finale de Ligue des champions qu’à Luka de parachever son intégration dans la capitale espagnole. Avant cette délicieuse réalisation, ses premiers mois madrilènes s’étaient résumés à un transfert houleux, des prestations en demi-teinte et un poste oscillant entre meneur, relayeur et coupeur de citrons. « Il manque de plus d’entraînements, de plus de confiance, de mieux connaître ses coéquipiers, de mieux connaître le niveau d’exigence » , énumérait ainsi son mentor si spécial. Pour Martín Vázquez, ancien seigneur du milieu merengue, il fallait que « ce grand espoir devienne plus régulier pour devenir l’un des meilleurs joueurs au monde » . Dont acte.
Le scalp de Mourinho brandi par la presse madrilène au soir d’une humiliante défaite en finale de Coupe du Roi face à l’Atlético, Luka Modrić y assiste depuis la guérite. « Le changement d’entraîneur a été l’une des meilleures nouvelles pour Luka Modrić » , raconte le membre de la Quinta del Buitre. « Avec Ancelotti, il a gagné en régularité grâce à deux choses : une place méritée de titulaire inamovible et un poste de piston qui lui convient parfaitement. » Avec l’arrivée de Carletto, le système se dessine en 4-4-2, puis évolue vers un 4-3-3. Un temps meneur de jeu, le Croate s’affirme comme le joueur apportant l’équilibre entre l’offensive et la défensive. Une obsession pour Carlo Ancelotti qui entraperçoit à travers Modrić le joueur qu’il était, le talent des Balkans en moins. « Ancelotti a demandé aux joueurs de plus se focaliser sur le collectif. Modrić a été celui qui a montré l’exemple. À partir de là, il a gagné le cœur des supporters » , poursuit Martín Vázquez. Car en l’espace de six mois, les quelques critiques acerbes de la nébuleuse merengue laissent place à des ovations soutenues et répétées – en soi, la simple illustration de la schizophrénie du Bernabéu.
Vazquez : « Les semaines sans Modrić, les plus délicates »
Au gré de l’exercice dernier, un milieu de terrain à trois se dessine dans la tête d’Ancelotti. Avec un Xabi Alonso en sentinelle et un Ángel Di María en chien fou, Luka Modrić doit assurer les transitions express vers la BBC et combler les brèches laissées par ces trois mêmes larrons. « C’était la grande force de ce Real Madrid. Sans ses trois milieux de terrain hyper complémentaires, le club n’aurait pas soulevé la Coupe du Roi, encore moins laDécima » , glisse le señor Vazquez. Dès l’été dernier, ce trio est brisé : Alonso se barre en Bavière et Di María débarque à Manchester. La faute, entre autres, aux désirs de Florentino Pérez de rajeunir et starifier un peu plus son effectif. De fait, avec un Kroos pas vraiment à son poste et un James formé en meneur de jeu, Modrić permet au XI d’Ancelotti de s’assurer une adaptation qui prend la forme de 22 victoires consécutives. Sa blessure en sélection est annoncée comme un drame national par la presse madridista. « Les semaines sans Modrić ont été les plus délicates de l’ère Ancelotti » , conclut un Rafa conforté par une statistique : sans son Croate, le Real ne glane en moyenne « que » 2,1 points contre 2,7 en sa présence. Ce dimanche, il en faudra bien trois pour dissiper tous ces sifflets.
Par Robin Delorme, à Madrid