- Mexique
Chicharito, un petit pois dans la tête
On croyait Chicharito indéboulonnable au Mexique, mais c’était compter sans ses vidéos sexistes aux millions de vues sur les réseaux sociaux. Le meilleur buteur de l’histoire d’El Tri a fait réagir jusqu’au plus haut sommet de l’État. Symptomatique d’un pays où le combat contre les violences faites aux femmes est encore balbutiant.

C’est l’histoire d’un mec que tout le monde appréciait. Un attaquant plein de hargne et d’envie qui avait explosé à Manchester United, puis qui s’était un peu égaré. Passé par le Real Madrid, Leverkusen, West Ham et Séville, il a fini par reprendre du poil de la bête en MLS, avec le LA Galaxy, et rentrer à Guadalajara, où tout avait commencé pour lui. Une histoire comme on les aime. Les planètes étaient alignées pour que Javier Hernández, 37 années au compteur, finisse sa carrière tranquillement au sein de son club formateur. Tout juste avait-il agité les réseaux sociaux en se rasant complètement le crâne. Jusqu’à ce qu’il pète les plombs en partant dans un délire masculiniste et sexiste, détricotant ainsi la cote de popularité quasi unanime dont il jouissait.
Chevalier blanc de la masculinité
Chicharito a publié plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux pour dire tout le « bien » qu’il pensait des femmes, coupables « d’éradiquer la masculinité en rendant la société hypersensible » selon lui. « Vous, les femmes, devez apprendre à recevoir et à honorer la masculinité », affirme-t-il sur son canapé, les mains jointes, comme un bon influenceur réac, en leur demandant d’« incarner leur énergie féminine en prenant soin, en nourrissant, en recevant, en donnant la vie, en nettoyant, en soutenant le foyer, qui est l’endroit le plus précieux pour nous, les hommes ». Le 16 juillet, dans une autre vidéo, vue plus de 7 millions de fois sur son compte TikTok, il pointait encore du doigt ce qu’il perçoit comme une incohérence : « Vous voulez qu’un homme subvienne à vos besoins, mais pour vous, la propreté est une oppression patriarcale… Intéressant. »
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Forcément, sa stature d’icône nationale en a pris un gros coup. L’équipementier Puma s’est vite désolidarisé de ces propos, comme la Fédération mexicaine de football, qui a dénoncé des « déclarations qui promeuvent des stéréotypes sexistes » et promis une amende. L’attaquant a aussi été lâché par les Chivas. « Le Club Deportivo Guadalajara réaffirme son engagement en faveur du développement égalitaire, de l’égalité des sexes et du respect de toutes les personnes », a-t-il écrit dans son communiqué, assurant avoir pris « les mesures correspondantes selon le règlement interne ». Tout ça en plus d’un large backlash médiatique bien mérité.
Un mea culpa peu convaincant
Les propos du meilleur buteur de l’histoire de la sélection nationale (52 pions, dont 4 en Coupe du monde) ont de l’écho et, sans surprise, ont largement débordé la sphère footballistique. Les petites leçons sociétales de Chicharito sont devenues un sujet politique, qui a fait réagir en très haut lieu. « Chicharito est un très bon footballeur, mais pour ce qui concerne son opinion sur les femmes, il a encore beaucoup à apprendre, taclait la présidente du pays, Claudia Sheinbaum, en conférence de presse mercredi. Cette idée que le rôle des femmes est d’être à la maison… C’est une idée très machiste. Il est important que tous les hommes de notre pays reconnaissent les femmes comme des personnes. »
Il est important que tous les hommes de notre pays reconnaissent les femmes comme des personnes.
La première femme à diriger le pays a été élue l’an passé avec des positions féministes clairement assumées, martelant tout au long de la campagne que « le temps des femmes » était venu. Pris en étau, l’attaquant a publié un communiqué jeudi pour s’excuser. « Je regrette profondément la confusion ou le malaise que mes récents propos ont pu causer ; mon intention n’a jamais été de limiter, de blesser ou de diviser. Je suis à l’écoute, je réfléchis et je m’engage à m’exprimer avec plus de clarté et de sensibilité, en particulier sur des questions aussi délicates. Je crois que le changement commence par soi-même. Je saisirai cette occasion pour comprendre, grandir et continuer à travailler pour devenir une meilleure version de moi-même. »
Un mea culpa sur la forme, mais sans retirer ses propos sur le fond. Une posture malheureusement symptomatique au Mexique. Sept femmes sur dix y ont déjà subi des violences, sous différentes formes, selon l’Institut national de la statistique et de la géographie. Le chemin sera long quand on voit qu’Esmeralda, une adolescente de 14 ans victime de viol, a été poursuivie par la justice de l’État du Querétaro pour homicide après avoir fait une fausse couche.
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