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McClean, l’insoumis de Sa Majesté

Par Romain Duchâteau
McClean, l’insoumis de Sa Majesté

Joueur honnête de Premier League évoluant actuellement à West Bromwich Albion, James McClean suscite une tout autre attention en dehors des terrains. Originaire d'Irlande du Nord devenu international chez le voisin irlandais, le milieu de terrain est un indépendantiste assumé qui refuse d'honorer la mémoire des soldats anglais tombés au combat et snobe ouvertement l'hymne God Save the Queen. De multiples affronts qui ont fait de lui un homme à part outre-Manche.

L’identité construit l’individu, lui offre sa part d’unicité. Pour le physicien américain Heinz Pagels, « c’est de l’identité qu’est née la différence » . Pour ce qui est de la quête identitaire de James McClean, le sujet constitue une source de crispation inépuisable. Né à Derry, dans le Nord de l’Irlande du Nord, à quelques encablures de la frontière de l’Éire, l’actuel joueur de West Bromwich Albion a grandi jusqu’à la fin des nineties au rythme d’un conflit à la violence exacerbée. Cette période meurtrière des « Troubles » , opposant le camp des républicains et nationalistes (principalement catholiques et soutenant un rapprochement avec l’Irlande) à celui composé des loyalistes et unionistes (majoritairement protestants et favorables à l’union avec le Royaume-Uni), qui a atteint son acmé le 30 janvier 1972 lors du Bloody Sunday, dans sa ville natale, où quatorze catholiques manifestant contre l’Internment perdirent la vie sous les coups de feux de l’armée britannique. McClean n’avait pas encore vu le jour. Mais cette histoire, à la fois tourmentée et complexe, il l’a prise à bras-le-corps. Il a, aussi, appris à vivre avec tout le lot de désagréments qu’elle comporte.

Choix controversé et menaces de mort

Rien ne prédestinait pourtant le joueur de 26 ans à devenir singulier et faire les gros titres dans le paysage de la Premier League. Depuis qu’il caresse ses premiers ballons, le gamin a embrassé un parcours relativement ordinaire. Seulement cantonné à un statut de semi-pro à Derry City (formation de FAI League of Ireland, soit de première division), il est recruté pour 400 000 euros, en août 2011. Après quatre mois à traîner ses crampons en réserve, il se révèle sous l’égide de l’atypique Martin O’Neill, successeur de Steve Bruce sur le banc des Black Cats et également originaire d’Irlande du Nord. En même temps qu’il entame sa carrière de joueur, l’ailier arbore le maillot de son pays natal jusqu’en U21. Mais l’année 2012 marque un tournant majeur dans son paisible parcours. En mai, à la suite de sa convocation pour l’Euro du sélectionneur de l’Éire, Giovanni Trapattoni, l’enfant de Derry, répond favorablement à son appel. Le camouflet de trop pour les supporters nord-irlandais.

Car voilà plusieurs années que le pays de George Best assiste impuissant au choix des joueurs les plus talentueux de rejoindre les couleurs de l’Irlande, après avoir porté dans les catégories des jeunes celles du voisin. Après Darren Gibson, Marc Wilson et Shaun Duffy, eux aussi nés au nord de la frontière entre les deux pays, c’est donc James McClean qui a décidé de rallier les rangs des Boys In Green. Pour justifier sa décision, ce dernier avait expliqué que « les catholiques ne se sentent pas à l’aise » sous la tunique de l’Irlande du Nord, dont les matchs sont toujours précédés de l’hymne anglais God Save the Queen, contrairement à ceux des Gallois et des Écossais. Un choix délibéré qui n’a pas été sans conséquences. Dans la foulée de sa participation au championnat d’Europe, le milieu de terrain a fait l’objet de violentes menaces de mort de la part des fans nord-irlandais. Parmi les amabilités reçues, sombres relents d’un nationalisme encore prégnant chez certains loyalistes extrémistes de Belfast, celle, par exemple, de se voir promettre qu’on lui « tire dessus (lorsqu’il mettra) le pied sur la terre de Dieu » .

« Dans la vie, si vous êtes un homme, vous devez défendre ce en quoi vous croyez »

Mais malgré les incessantes menaces et intimidations, James McClean n’a jamais dévié de sa ligne de conduite. Parce que le rouquin ne l’a jamais caché, c’est un indépendantiste assumé et fier de ses idées. En novembre 2012, à l’occasion d’un match contre Everton, il refuse délibérément de porter le poppy sur son maillot, coquelicot érigé en symbole des soldats morts au combat depuis la Première Guerre mondiale et arboré par les joueurs de Premier League. Un geste controversé qui a lui valu, entre autres, de recevoir sur Twitter une photo d’une cartouche de 5,6 mm suisse d’un prétendu soldat britannique. Deux ans plus tard, le 11 novembre 2014 (Remembrance Day), il réitère en n’acceptant pas d’afficher ostensiblement le coquelicot lors d’une rencontre contre Bolton. À l’époque, le gaucher évoluant à Wigan s’était épanché dans une lettre adressée à son président Dave Whelan sur les raisons de cet acte : « Pour les gens qui viennent d’Irlande du Nord comme moi, et en particulier de Derry, là où a eu lieu la tuerie de Bloody Sunday en 1972, le coquelicot a une tout autre signification. M. Whelan, pour moi, arborer un coquelicot serait un geste irrespectueux pour les personnes innocentes qui ont perdu la vie durant les Troubles et notamment lors du Bloody Sunday. Ce serait considéré comme un manque de respect pour ces personnes, pour mon peuple. Je ne suis pas quelqu’un qui fomente la guerre, je ne suis pas anti-britannique, terroriste ou je ne sais quoi comme certaines accusations proférées à mon encontre dans le passé. Je suis un gars tranquille. Je crois que tout le monde devrait vivre côte à côte, quelles que soient les convictions religieuses ou politiques de chacun que je respecte et je demande aux gens de respecter les miennes en retour. Depuis l’année dernière, je suis devenu père et je veux que ma fille grandisse dans un monde pacifique, comme tout parent. Je suis très fier d’où je viens et je ne peux pas faire quelque chose si je n’y crois pas. Dans la vie, si vous êtes un homme, vous devez défendre ce en quoi vous croyez. »

Vidéo

Cet épisode, qui n’avait pas manqué de faire la Une des médias anglais, a même fait réagir un autre joueur professionnel. Passé par les Glasgow Rangers, Kirk Broadfoot, fervent protestant et unioniste, lui a asséné publiquement des insultes anti-catholiques. Un dérapage qui lui vaudra dix matchs de suspension et une amende de 10 500 euros. Depuis cet incident, McClean n’avait plus agité la sphère publique, si ce n’est pour son transfert vers West Bromwich en juin dernier. Mais c’était sans compter sur les convictions inébranlables du principal intéressé. Le 19 juillet, lors d’un match anodin de pré-saison face à Charleston Battery, modeste formation de seconde division américaine, le membre des Baggies a provoqué un émoi sans précédent. Et pour cause, alors que le God Save the Queen retentissait, il a volontairement tourné le dos au drapeau anglais et incliné la tête vers le bas en guise de protestation. Énième affront envers la couronne, celui de trop pour beaucoup. Son manager, Tony Pulis, a été le premier à prendre les devants, le sommant de ne pas reproduire un tel comportement. D’autres anonymes, bien plus virulents sur Internet, l’ont exhorté à « retourner dans son pays » et quitter cette terre d’accueil où il exerce – l’Angleterre en l’occurrence – et à laquelle il fait offense. Dans ce tourbillon médiatique, peu ont osé monter au créneau afin de défendre l’Irlandais. L’éditorialiste du Mirror, Brian Read, est l’un des rares à avoir fait entendre sa voix et a salué « sa bravoure » . Mais quid de la réaction de l’international cette fois-ci ? Pas de lettre adressée ou de déclaration officielle. Seulement, d’abord, une invitation à lire un article sur Eurosport qui défend sa cause. Puis, sur Twitter, une nouvelle sortie tapageuse à propos de sa ville natale, Derry. Trois jours après la polémique, le joueur se réjouissait que celle-ci reprenne « son nom de droit » , les indépendantistes désapprouvant le nom originel « Londonderry » . Ainsi, jusqu’au bout, en dépit des attaques et des incompréhensions, James McClean ne courbera jamais l’échine devant le pays de Sa Majesté. Car, à ses yeux, certaines histoires se doivent plus que d’autres de ne pas tomber dans l’oubli.

Par Romain Duchâteau

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