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L’Upamecano en chef

Par Adrien Candau
5 minutes
L’Upamecano en chef

En l'espace de deux ans, le Français Dayot Upamecano est passé de la D2 autrichienne à l'élite du championnat allemand, du côté du RB Leipzig. Avec lequel il va désormais découvrir la Ligue des champions, ce mercredi soir, face à Monaco. Sans que la France ne parle vraiment de lui. Tant pis. L'adolescent au corps d'homme s'épanouit mieux dans l'ombre.

De lui, on connaît surtout ses accomplissements en équipe de France de jeunes. Un bon paquet de sélections, des U16 aux U19, et même un championnat d’Europe U17 remporté en 2015. Puis, le trou noir ou presque. La même année, Dayot Upamecano décide de s’exiler en Autriche, au Red Bull Salzbourg, avant de rejoindre Leipzig. Un choix de carrière atypique, loin du brouhaha médiatique français. Mais qui s’est révélé correspondre parfaitement au profil du tout jeune stoppeur.

Grand corps timide

Car Dayot a, semble-t-il, toujours mieux fonctionné quand les projecteurs ne sont pas braqués sur sa silhouette. Une silhouette souple et puissante, déjà affûtée, formée, quand le gamin débarque pour parfaire sa formation à Valenciennes en 2013, à 15 piges. « Ce qui frappe d’entrée chez lui, c’est son potentiel athlétique hors norme » , pose Olivier Bijotat, le directeur du centre de formation du VAFC. « À son âge, il avait déjà un corps d’adulte. » Un corps d’adulte, mais une timidité juvénile, tant le natif d’Évreux joue des pieds et des mains pour ne pas se faire remarquer. « Dans la vie de tous les jours, c’est quelqu’un de très, très, discret, poursuit Bijotat. Presque effacé dans le vestiaire en fait. Ce n’est pas du tout un défenseur extraverti, avec une présence à la Raphaël Varane, que j’avais aussi pu superviser du côté de Lens. Il est vraiment timide, réservé. Même en cours, à l’école, il ne faisait pas de vagues. »

L’histoire est différente dès qu’Upamecano pose le pied sur le terrain. Là, l’adolescent trop discret laisse soudainement parler la bête qui sommeille en lui. « Ma principale qualité, c’est l’agressivité, je m’impose physiquement » , expliquait Upamecano dans une interview donnée en 2016. « J’ai toujours été comme ça depuis que je suis tout petit. Cela a été déjà mis en valeur dans mon club de jeunesse à Évreux, où j’ai reculé en défense, alors qu’avant, je jouais milieu récupérateur. » Bijotat confirme : « En fait, il a simplement une autre personnalité quand il entre sur le terrain. C’est son mode d’expression numéro un, là où il cherche à se transcender. » Pour ce faire, Upamecano, est prêt à suer comme personne à l’entraînement, sans que ça ne lui demande d’efforts particuliers. « Il a un goût du jeu colossal. Il parle tout le temps de foot… À l’entraînement, il a toujours faim, c’est le contraire du genre de joueur qui attend les matchs pour se donner à fond… »

Besoin insatiable de temps de jeu

Logiquement, quand Dayot ne peut pas fouler le pré, il commence à broyer du noir. Ses deux années à Valenciennes seront aussi marquées par de nombreuses blessures, qui l’obligent à ronger son frein. « Ces périodes d’inactivité, ça l’insupportait, se remémore Bijotat. Il était malheureux comme une pierre… Il avait beaucoup de frustration, il se disait : « Pourquoi ça m’arrive ? » La vérité, c’est qu’il avait déjà un corps d’adulte, mais qui n’était pas encore habitué à supporter les charges de travail qu’on lui imposait. » Malgré les blessures, quand il joue, Dayot tape dans l’œil d’à peu près tout le monde. Pourtant, plutôt que d’aller cirer le banc dans un club prestigieux, Upamecano préfère choisir une formation moins huppée, où il pourra satisfaire son besoin insatiable de temps de jeu. Et opte donc pour l’Autriche et le Red Bull Salzbourg.

« À l’époque, j’ai bien réfléchi avec mon avocat, ma mère et mon père, explique Dayot. L’objectif, c’était d’abord d’avoir du temps de jeu. Si j’allais dans un gros club tout de suite, je savais que je n’allais pas jouer… À Salzbourg, je sentais que j’allais progresser… En plus, le coach, Peter Zeidler, parlait français. » Zeidler, lui, explique avoir retenu d’emblée deux choses quand Upamecano fait ses grands débuts en Autriche. « D’un, il n’était pas encore prêt pour le foot pro. Quand il est arrivé, je lui ai fait faire quelques exercices de gainage et il n’y était pas du tout, il s’y prenait mal. De deux, j’ai vu qu’il était aussi incroyablement prometteur. Lors d’un amical contre Leverkusen, ça m’a sauté aux yeux. Il anticipait presque tout. Ce n’est pas le plus grand, le plus rapide, le plus technique, mais huit fois sur dix, c’est lui le premier sur le ballon… Pour le faire mûrir, on l’a envoyé s’aguerrir en D2, au FC Liefering. L’année suivante, je n’étais plus là, mais il avait déjà été réintégré à l’équipe première de Salzbourg. »

Le cocon Red Bull

Une adaptation éclair, facilitée par l’environnement rassurant du club autrichien. « À Salzbourg, il était supervisé par Musti, un technicien français du club qui s’occupait d’intégrer les francophones, poursuit Zeidler. Par le passé, il s’était déjà occupé de Sadio Mané quand il jouait en Autriche, puis de Naby Keita et donc de Dayo. Il les chouchoute un peu comme un père, le soir ils étaient ensemble autour d’un repas pour échanger, pour discuter… On ne les laisse pas livrés à eux-mêmes, parce qu’on sait que la barrière de la langue peut être difficile. » Bien dans ses baskets en Autriche, Upamecano décide néanmoins de partir pour Leipzig en janvier 2017, vers l’autre club du groupe Red Bull.

Là, il gagne rapidement ses galons de titulaire dans l’axe central et se sent prêt à s’imposer au plus haut niveau. « En Autriche, j’ai découvert un football très mature, mais aussi très agressif… Quand je suis arrivé, j’étais complètement perdu face à des adultes ou des joueurs avec beaucoup plus d’expérience. J’ai énormément progressé là-bas, mais mon ambition, c’était de progresser et partir ailleurs. Et aujourd’hui, j’ai rebondi sur un nouveau projet, à Leipzig. » « L’avantage pour lui, c’est que Leipzig, comme Salzbourg, est un club très familial, analyse Zeidler. Ils attachent beaucoup d’importance à l’épanouissement humain des joueurs, ils ne les aident pas seulement sur le plan administratif. » Désormais, Upamecano semble donc avoir tous les outils pour bien faire tourner la machine. Avec Leipzig bien sûr, en Bundesliga, comme en C1. Voire peut-être même au-delà. « L’équipe de France A ? Ce n’est pas un objectif, mais un rêve. Un jour, j’espère… »

Dans cet article :
Monaco repart de l’avant contre le Téfécé
Dans cet article :

Par Adrien Candau

Propos d'Olivier Bijotat et Peter Zeidler recueillis par AC, ceux de Dayot Upamecano issus de l'Equipe.fr

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