- Coupe de France
- 8es
- Lille-Dunkerque (1-1, 4 TAB 5)
Ewen Jaouen, comme un grand
Comme au printemps dernier avec Rodez, Ewen Jaouen a été le grand bonhomme d’une soirée de foot dantesque. Le gardien de 19 ans a cette fois régalé Dunkerque, ce mardi à Lille, pour emmener son équipe en quarts de finale de Coupe de France et confirmer qu’il est une belle promesse.

Il fallait tendre l’oreille, ce mardi soir, pour entendre les mots captés par Bein Sports et venus tout droit du camp dunkerquois, en pleine séance de tirs au but irrespirable : « C’est Ewen, c’est Ewen, c’est son jour ! » À ce moment-là, Dunkerque est revenu d’entre les quasi-morts, encore une fois, après avoir déjà égalisé au bout du temps additionnel pour s’offrir ce moment bonus contre Lille, qui menait aussi 3-0 avant la troisième tentative des visiteurs lors de la fameuse « loterie » qui n’en est pas une. Sauf que les hommes de Luis Castro ont recollé et que Benjamin André venait d’attraper la transversale, laissant une balle de qualification pour les quarts de finale à Dunkerque. Maillot vert, numéro un flanqué dans le dos, un grand bonhomme d’environ deux mètres s’est alors présenté face à son destin. Et il l’a fait : envoyer une immense praline, sans pression, pour battre Vito Mannone, qui avait pourtant été héroïque un peu plus tôt. Le vrai héros, ce n’est pas l’Italien, cette fois, mais bien Ewen Jaouen. Retenons bien ce nom.
À l’écoute du professeur Lollichon
On parle ici d’un gamin de 19 ans et d’un clou du spectacle mémorable. D’une récompense inattendue, aussi, tant le jeune portier aura permis à Dunkerque de rester en vie tout au long de ce huitième de finale de Coupe de France contre le LOSC (6 arrêts), avant de craquer sur un tir à bout portant d’André Gomes sur lequel il ne pouvait rien faire. Durant la séance, il a repoussé la tentative de Hákon Haraldsson et il aura bien le droit de croire que sa carure a contribué aux loupés d’Alexsandro et d’André. Il a pris le temps de célébrer avec les centaines de supporters dunkerquois présents à Pierre-Mauroy, puis il s’est présenté au micro de Bein Sports avec sa voix cassée : « C’est fou les soirées comme ça, c’est magnifique, c’est que du bonheur. Je savais que si je marquais, j’étais qualifié. J’ai essayé de ne pas penser à autre chose, même si j’avoue que j’ai pensé à la qualif. J’ai pris mon temps et j’ai fait comme à l’entraînement. […] Euh, mon pote Sacha voulait que je place le mot strangulation, donc je le place. » Un gamin, on vous a dit.
🏆🇫🇷 #CoupeDeFrance 💬 Ewen Jaouen (@usldunkerque) : "Les soirées comme ça, c'est magnifique. Pour mon tir au but, je me suis juste concentré sur mon geste"#LOSCUSLD #CDF pic.twitter.com/bo5hfKkmB6
— beIN SPORTS (@beinsports_FR) February 4, 2025
« C’était prévu que Jaouen tire le septième penalty, expliquait son entraîneur Luis Castro après la folie. Il frappe bien aux entraînements. C’est un bon gardien, très jeune, qui se développe bien avec notre coach des gardiens. Il est mieux maintenant qu’en début de saison, il écoute toujours ce que l’on dit, il est très intelligent. » Le géant au patronyme qui sent bon le beurre demi-sel et tous les autres clichés sur la Bretagne vit une saison idéale pour apprendre en Ligue 2. Né à Paris, mais formé à Guingamp, Jaouen travaille au quotidien avec un certain Christophe Lollichon, l’homme qui a longtemps murmuré à l’oreille de Petr Čech, de Rennes à Chelsea. « Il est très proche de moi et de tous les gardiens, assurait-il dans l’euphorie. C’est un fou de travail, il ne fait que travailler ! Il ne donne que du positif, c’est un régal de travailler avec lui. »
« Je n’ai rien à perdre, eux ont tout à perdre »
Jaouen continue d’apprendre et de découvrir le monde professionnel, alors qu’il ne connaissait que les U19 il y a encore quelques mois. Le portier était arrivé cet été en prêt de Reims à Dunkerque pour enfiler le costume de numéro un, qu’il a perdu en championnat au mois d’octobre au profit de l’expérimenté Adrián Ortolá. Depuis, il suit ses copains depuis le banc et croque à pleines dents son temps de jeu en Coupe de France. « J’ai de l’insouciance, j’apprends encore à voir des situations, à gérer le tempo d’un match, à prendre la maturité, détaillait-il à La Voix du Nord. Il n’y a pas eu de doutes ou de remise en question. Il y aura encore des matchs où je passerai au travers. Je ne doute pas de mes qualités. Et il ne faut pas que je doute. Même les plus grands, parfois on se dit : mais comment il a pu faire ça ? Cela arrive à tout le monde. » Pas sûr, en revanche, que ce soit le lot de tout le monde de vivre une telle soirée, surtout que ce n’est pas la première de ce genre.
Le 21 mai dernier, un mois à peine après être arrivé en urgence à Rodez pour pallier les blessures de deux portiers, le novice avait sorti le grand jeu à l’occasion d’un match de barrage pour la montée contre le Paris FC (2-2, 3-2 TAB), repoussant deux tentatives franciliennes lors d’une séance de tirs au but ressemblant beaucoup à celle du soir dans le Nord (Rodez était aussi mené 3 à 0). « Les tirs au but, c’est entre les tireurs et moi : je n’ai rien à perdre et eux ont tout à perdre, confiait-il à La Dépêche en mode vieux briscard. C’est un exercice que j’aime particulièrement, parce qu’il y a de la pression. Mais pas pour moi, pour le tireur. Je suis le seul gagnant dans l’histoire. » Ce soir, en tout cas, cela ne fait aucun doute.
Par Clément Gavard