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Au Clermont Foot, l’important c’est pas la chute

Par Enzo Leanni
9 minutes

Réputé pour être un club qui travaille bien et dans l’ombre, le Clermont Foot prend un peu trop la lumière ces dernières semaines pour que ce soit bon signe. Huitième de Ligue 1 il y a trois ans, il risque de connaître deux relégations consécutives. Autour de la figure controversée du président Ahmet Schaefer, chacun règle ses comptes, et pas toujours au-dessus de la ceinture.

Au Clermont Foot, l’important c’est pas la chute

Les travaux du stade Gabriel-Montpied s’achèveront au printemps 2026, mais, à ce moment-là, le Clermont Foot sera probablement en National. Trois ans plus tôt, en mai 2023, le club bouclait une saison record par une victoire sur la pelouse du Parc des Princes (2-3) et une historique huitième place de Ligue 1. À deux journées de la fin de l’exercice de Ligue 2, la triste série de quatorze matchs consécutifs sans la moindre victoire menace sérieusement le CF63 d’une deuxième relégation d’affilée, que personne n’aurait imaginé au club ces dernières années.

Ce chemin de croix remonte à avril 2022 selon Jérôme Champagne. À l’époque, celui-ci est le bras droit du président Ahmet Schaefer et les premières tensions se créent entre eux, alors que le club racheté trois ans plus tôt par le Suisse est en passe de se maintenir dans l’élite pour sa première saison. Jusque-là, tout se passait pour le mieux. En s’appuyant sur les bases laissées par Claude Michy, président de 2005 à 2019, le trio Jérôme Champagne-Yannick Flavien, sur le terrain, et Ahmet Schaefer, en haut de l’organigramme, a fait évoluer cet historique de Ligue 2 pour le placer en candidat crédible au niveau supérieur. « On a grandi très vite, on n’était peut-être pas destiné à jouer en Ligue 1. Le club s’est énormément structuré en seulement huit ans. Sportivement, on voulait accompagner l’évolution structurelle, le club avançait à grands pas. Quand on est monté en Ligue 1, on n’était pas prêt à s’inscrire dans la durée, mais c’était notre ambition », remet Pascal Gastien, l’entraîneur qui a permis ce changement de dimension entre 2017 et 2024.

Amitié fracassée

Lui a connu les deux présidents et a donc pu se rendre compte des différences entre l’homme d’affaires local et le fils de banquier suisse devenu ex-adjoint de Sepp Blatter à la FIFA. « Il y avait moins d’infrastructures sous l’ère Michy, le président avait repris le club dans une grosse difficulté financière, il a fait un boulot énorme avec les moyens qu’il avait. Ahmet, derrière, a mis encore plus d’argent », explique-t-il. Philippe Vaugeois, ancien responsable du recrutement clermontois, confirme que ces nouveautés n’ont pas pour autant fait oublier l’identité du club : « Ça ne changeait pas les fondamentaux. Clermont reste Clermont, ça ne sera jamais le Real Madrid. La volonté était de rester un club sain. On n’est pas passé du simple au double. Avec Michy, c’était soit des prêts soit des joueurs libres. Ensuite, les moyens étaient supplémentaires, mais loin d’être illimités. »

C’était mieux avant !
C’était mieux avant !

Sans le vouloir, Philippe Vaugeois est au cœur des tensions dans les hautes sphères du CF63. Jérôme Champagne assure qu’en avril 2022, Ahmet Schaefer et Ingo Winter lui annoncent, ainsi qu’à Yannick Flavien, leur intention de ne pas renouveler le contrat du recruteur. « Yannick et moi, on tombe sur le cul, rejoue Champagne. À ce moment-là, je m’y oppose, je suis un peu grande gueule. Je pense que Schaefer a voulu me virer parce que son ambition était de contrôler véritablement la totalité de la chaîne des valeurs sur les choix de joueurs. Mettre fin à la cellule Vaugeois comme ça, c’est honteux ! »

Je n’ai absolument pas été viré. J’étais en fin de contrat en juin 2023, j’ai décidé de ne pas aller au-delà. Les dirigeants ont été clean à tout point de vue, sinon j’aurais claqué la porte bien avant.

Philippe Vaugeois, ancien responsable du recrutement à Clermont

Les deux hommes se sont rencontrés près de quinze ans plus tôt à la FIFA, sont devenus de très proches amis, mais cette histoire signe la fin de leur collaboration professionnelle et de leur complicité. « Dans une start-up qui part entre copains, il y a un moment où ça pète. Ça pète à cause de quoi ? À cause de l’hubris, c’est-à-dire que celui qui dirige se dit, au bout d’un moment, qu’il n’a pas besoin des autres, qu’il sait mieux. […] C’est tristement banal, c’est finalement une histoire humaine. Dans toutes les start-up, il y a un moment de trahison », regrette celui qui estime s’être fait « chasser » à l’été 2022, mais qui continue de regarder chaque match du Clermont Foot – avec un t-shirt noir au logo du club, puisque son fils lui a chipé le maillot floqué « Champagne ».

Des « bruits de chiottes » menaçants

De son côté, Philippe Vaugeois veut « mettre les choses au clair, parce qu’il y a trop de choses qui se disent actuellement » : « Je n’ai absolument pas été viré. J’étais en fin de contrat en juin 2023, j’ai décidé de ne pas aller au-delà. J’ai prévenu Pascal Gastien en août 2022 et les dirigeants en décembre 2022 et ils m’ont demandé de rester deux mois de plus, jusqu’en août 2023. Donc pour quelqu’un qu’ils voulaient virer… Les dirigeants ont été clean à tout point de vue, sinon j’aurais claqué la porte bien avant. » Il souligne ses bonnes relations avec Yannick Flavien, et Pascal Gastien, avec qui il parle davantage des Marennes-Oléron que de football.

Le coach et le recruteur se disent « attristés » par la situation du club, mais n’accusent pas la direction actuelle. Récemment, « les bruits de chiottes », comme les appelle Philippe Vaugeois, se font de plus en plus forts. Une vidéo de Romain Molina a mis le feu aux poudres et des articles de La Montagne ont permis d’approfondir les accusations qui visent Ahmet Schaefer. Contre Caen, les supporters de Clermont ont décidé de cibler leur président à travers une banderole sans équivoque : « Schaefer, ton porte-monnaie dans le vert, le club aux portes de l’enfer !!! » Plus tard, face à Troyes, Schaefer et Flavien ont quitté la tribune présidentielle avant le match sous les huées, alors qu’un long communiqué des Nemetum, principal groupe ultra du club, a symbolisé le désarroi des supporters face au spectre de la relégation en troisième division.

L’argent du club a servi à remplir les poches d’Ahmet Schaefer avec les dividendes et avec les prélèvements mensuels à financer son train de vie personnel et ses acquisitions de parts dans les autres clubs.

Jérôme Champagne

Diplomate de formation et personnage respecté de la FIFA, Jérôme Champagne parle lentement et très longtemps pour évoquer chaque grief à l’encontre de son ex-associé. « L’argent du club a servi à remplir les poches d’Ahmet Schaefer avec les dividendes et avec les prélèvements mensuels à financer son train de vie personnel et ses acquisitions de parts dans les autres clubs via des prêts de joueurs, des compléments de salaires, mais sans retour réel pour le Clermont Foot », garantit-il. La société mère Core Sports Capital a gagné une vingtaine de millions d’euros aux dépens du CF63 alors que le président est rapidement rentré dans ses frais en se remboursant dès le premier mercato. En réalité, le club auvergnat verse de très importantes conventions de service, notamment distribuées à Schaefer, sa femme, Anaïs Rachel Schaefer-Häfliger, son beau-frère, Joel Häfliger, Ingo Winter ou encore Yannick Flavien, mais également à Champagne lorsqu’il était encore employé. De la même façon, une partie de l’argent de CVC a servi de dividendes sans que la LFP, les actionnaires ou le commissaire des comptes ne s’en inquiètent. Rien d’illégal, mais de quoi se poser quelques questions morales.

Après avoir refusé de rendre son action à la suite de son licenciement, Champagne se rend à chaque assemblée générale, contrairement au président, et se présente comme le seul à tenir tête à la direction. « En décembre 2024, qui approuve les comptes de la saison 2023-2024, celle où on descend, j’ai demandé : “Est-ce que vous avez à nouveau la convention de service en 2023-2024 ? Est-ce qu’elle est toujours de 300 000 par mois ?” Le commissaire aux comptes a dit qu’il n’était pas allé en Suisse vérifier, mais il a quand même dit qu’il fallait l’approuver. Yannick a dit, devant tout le monde : “Oui, c’était pour payer le salaire d’Ahmet Schaefer, sa femme. Le reste, je ne sais pas.” Plutôt que d’investir dans le capital joueur et essayer de sauver le club, plus de 9 millions d’euros ont été envoyés à la société mère », fustige avec véhémence l’ancien vice-président, qui estime avoir été « instrumentalisé » au départ du projet, n’ayant pas cerné la logique entrepreneuriale de son ami.

Une chute généralisée

C’est pourtant lui qui avait conseillé à Ahmet Schaefer de se concentrer sur une multipropriété. Et c’est ainsi que le Clermont Foot, symbole du club rafraîchissant, qui travaille bien et qui monte en Ligue 1 par la force de son jeu collectif, est devenu une énième victime du football moderne. Pourtant, là aussi, tout avait bien commencé avec des liens forts entre le club français et ses clubs satellites, l’Austria Lustenau (D2 autrichienne), le FC Biel-Bienne (D3 suisse), et le Vendsyssel FC (D2 danoise), finalement revendu.

Champagne, Vaugeois, Gastien sont partis, ils faisaient du très, très bon travail, mais c’étaient surtout les piliers du club. Clermont a toujours bien travaillé, il faut revenir à une gestion saine.

Naël Jaby, formé au Clermont Foot

« La multipropriété a été bénéfique pour les jeunes comme moi », estime Naël Jaby, formé en Auvergne et prêté en Autriche où il a disputé ses premières minutes en pro, malgré les contraintes du déracinement, de la langue et une blessure au ménisque. Les 800 kilomètres de distance n’empêchaient pas Pascal Gastien de rencontrer les entraîneurs des autres équipes du groupe pour tenter de « mettre en place un projet de jeu commun » et Philippe Vaugeois de prendre des nouvelles quotidiennes des jeunes prêtés, dont Brandon Baiye, Till Cissokho ou encore Blankson Anoff.

Car oui, l’objectif était de rester une structure saine et familiale, ce qu’avait bien réussi à faire Ahmet Schaefer lors de ses premières années de mandat. « L’idée était très intéressante, mais elle n’a pas été menée au bout. […] Le Clermont Foot était le club principal, qui aidait financièrement ces clubs-là pour faire revenir les joueurs, mais ils se sont enrichis sur ces transferts plutôt que de les renvoyer vers Clermont. C’est-à-dire qu’on a fait un système où la chaîne de valeurs qui devait revenir à Clermont n’a pas été respectée », blâme Jérôme Champagne, en prenant notamment l’exemple de Bryan Teixeira, qui n’est jamais revenu en France après son prêt concluant en Autriche.

Comme le CF63 est la locomotive de cette multipropriété, une telle année galère fait vaciller l’ensemble du groupe. Cette saison, Lustenau flirte avec la zone rouge en deuxième division, la réserve clermontoise est dernière de sa poule de National 3 et les U17 sont tombés au niveau régional, deux ans après leur finale de Gambardella. « Champagne, Vaugeois, Gastien sont partis, ils faisaient du très, très bon travail, mais c’étaient surtout les piliers du club. Clermont a toujours bien travaillé, il faut revenir à une gestion saine », remarque Jaby, « particulièrement touché » par la chute de son club formateur. Pour l’heure, Schaefer assure qu’il compte rester, mais la situation est particulièrement alarmante. Six ans après son arrivée, les ambitions sportives sont au plus bas et l’âme du Clermont Foot est plus que jamais menacée.

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Par Enzo Leanni

Tous propos recueillis par EL.

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