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Tactique : le hors-jeu, piège à double tranchant du FC Nantes

Par Jérémie Baron, à Nantes
7 minutes

Arrivé cet été sur le banc des Canaris, le singulier Luís Castro impose peu à peu sa patte et ses préceptes en Loire-Atlantique. Et il y a notamment ramené sa science – voire son obsession – du hors-jeu, symbole d’un FCN en pleine métamorphose. Même si, d’une semaine à l’autre, cette nouvelle arme défensive semble autant dangereuse pour les adversaires que pour les Nantais eux-mêmes.

Anthony LOPES and Luis CASTRO head coach of Nantes celebrates the victory after the Ligue 1 McDonald's match between Paris and Nantes at Stade Jean Bouin on October 24, 2025 in Paris, France. (Photo by Baptiste Fernandez/Icon Sport)   - Photo by Icon Sport
Anthony LOPES and Luis CASTRO head coach of Nantes celebrates the victory after the Ligue 1 McDonald's match between Paris and Nantes at Stade Jean Bouin on October 24, 2025 in Paris, France. (Photo by Baptiste Fernandez/Icon Sport) - Photo by Icon Sport

La victoire du FC Nantes à Jean-Bouin (1-2) il y a une semaine n’était pas seulement exceptionnelle par sa rareté – c’était la première depuis août, et la deuxième seulement de la saison –, ce but oscarisable de Matthis Abline ou les présences simultanées sur la pelouse de cinq jeunes formés au club. Non, ce soir-là face au Paris FC, les Canaris ont aussi pondu une stat assez épatante, mettant neuf fois en position de hors-jeu Jean-Philippe Krasso et ses coéquipiers : du jamais-vu depuis décembre 2017 et les dix coups de sifflet essuyés par Strasbourg lors d’une réception de Toulouse. Le point commun entre ces deux matchs ? La présence dans la défense de l’ex-pitchoune Kelvin Amian. Cependant la « performance » des Nantais n’est évidemment pas le fruit du hasard : même avant de débarquer sur le banc nantais cet été, Luís Castro avait fait de cette discipline sa spécialité, à tel point que son USL Dunkerque, l’année passée, était la référence ultime en la matière dans les premières et deuxièmes divisions du Big Five européen (6,1 hors-jeu provoqués par rencontre).

On ne joue pas pour provoquer des hors-jeu mais pour avoir un bloc compact. Si tu as un bloc compact, il va y avoir beaucoup de hors-jeu.

Luis Castro

En 2025-2026, son équipe est encore la meilleure de l’élite : les Jaune et vert tenaient une moyenne de 3,6 par match avant la 10e journée, les sorties face à Auxerre (6) ou Nice (8) ayant elles aussi été prolifiques. « On le travaille collectivement, mais aussi avec la ligne (défensive) seule, pour donner des consignes sur des petits détails, dévoilait Castro trois jours après le récital dans la capitale. On ne joue pas pour provoquer des hors-jeu mais pour avoir un bloc compact. Si tu as un bloc compact, il va y avoir beaucoup de hors-jeu. On joue aussi pour être une équipe collective. » La traduction concrète d’une approche globale – relances réfléchies, positionnement haut, jeu ouvert – qui casse avec l’image disgracieuse qu’offrait ce club ces dernières années.

Alignement désastre

Forcément, ce qui avait très bien fonctionné sur la pelouse du promu francilien n’a pas été aussi simple contre une équipe de Ligue des champions comme Monaco – même un Monaco à la relance, avec un nouveau coach –, ce mercredi à la Beaujoire. Une spectaculaire défaite nantaise (3-5) durant laquelle le football audacieux de Castro a affiché, dans toute sa splendeur, les défauts de ses qualités.

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Les prises de risque nantaises avec mais aussi sans ballon ont ainsi permis aux Monégasques de se créer bon nombre d’occasions, notamment lorsque les locaux sont tombés dans le piège du hors-jeu qu’ils avaient eux-mêmes tendu, face à un Maghnes Akliouche en état de grâce et un Folarin Balogun prêt à s’engouffrer dans chaque brèche – ce n’est pas un hasard si l’Américain, attaquant de rupture, avait été préféré au moins mobile Mika Biereth.


(1/3) Première situation, à la 14e. Voyant Kassoum Ouattara repiquer vers le milieu de terrain, Akliouche se démarque dans le rond central…

(2/3) Pendant que dans l’axe, Awaziem et Tati anticipent l’appel de Balogun et se préparent pour le mettre hors-jeu, le latéral gauche Louis Leroux a les yeux rivés sur Minamino et ne prend pas l’information…

(3/3) Akliouche a été servi et lance, sur un pas, Balogun. L’avant-centre semble devant Awaziem et Tati… Mais Leroux n’a pas avancé avec ses coéquipiers et couvre son adversaire, qui manquera totalement sa frappe, seul face à Anthony Lopes.


Très à l’aise dans cet art la saison passée au sein de la charnière de Dunkerque, Vincent Sasso et Opa Sanganté ont été remplacés dans les schémas de Castro par le Nigérian Chidozie Awaziem, de retour à Nantes sept ans après, et le piou-piou Tylel Tati, 17 ans et attraction de ce nouvel exercice malgré un football encore largement perfectible. Lors de la réception de l’ASM, la défense amovible composée par le Portugais – le numéro six Kwon Hyeok-kyu est régulièrement descendu former une ligne de cinq lorsque le FCN n’avait pas le ballon – a manqué d’automatisme et d’attention, à moins que le coach n’en demande tout simplement trop à ses joueurs. C’est ainsi que le Sud-Coréen, arrivé en juillet en provenance du Celtic, a coûté le but du 2-1 à son équipe.


(1/2) Servi côté droit, Krépin Diatta remet en une touche vers Mamadou Coulibaly dans l’axe. Tati a coulissé et décide de monter pour presser Coulibaly, se désintéressant de Balogun situé entre Awaziem et lui.

(2/2) Coulibaly a eu le temps de contrôler et d’analyser, et peut servir dans la profondeur son numéro neuf, qui a très bien temporisé. Encore une fois, Awaziem a fait le pas en avant et pense mettre l’attaquant hors-jeu… mais Kwon, qui a réagi trop tard, permet à Balogun de passer le cut et s’en aller glisser le cuir sous le ventre de Lopes.


(1/2) Ici, les courses inversées de Balogun (vers l’arrière) et Ouattara (vers l’avant) côté gauche perturbent Awaziem et Amian, au moment où Akliouche est servi dos au jeu…

(2/2) En deux touches, l’international français se met dans le sens du but et lance Ouattara, qui peut s’échapper puisque Tati n’est pas aligné avec ses partenaires sur la ligne médiane. Au bout, le gaucher se montre trop gourmand dans la surface et ne sanctionne pas les Canaris.


(1/3) Un exemple d’alignement réussi par les locaux (enfin), en seconde période. Diatta hérite du ballon le long de la ligne de touche et Balogun (caché sur l’image) est dans les starting-blocks, au contact avec Awaziem.

(2/3) Mais le temps que Diatta enclenche, Awaziem a piégé Balogun en passant devant lui…

(3/3) L’attaquant est lancé à contretemps et l’arbitre assistant agitera son drapeau à la fin de l’action. Le latéral droit nantais Kelvin Amian, ici dans le rond central, a très bien géré son alignement.


(1/3) Dernière phase de jeu qui traduit les défaillances nantaises dans la gestion des appels adverses. Avantage laissé par Jérôme Brisard, ce qui permet à Coulibaly de récupérer la gonfle à la ligne médiane et de fixer l’arrière-garde en avançant. Entré en jeu cinq minutes plus tôt, Biereth bombarde plein axe…

(2/3) Initialement à la hauteur de Biereth, le nonchalant Junior Mwanga trottine et laisse le Danois s’échapper. Sorti du banc à l’heure de jeu, Cozza couvre pourtant totalement l’attaquant…

(3/3) Lancé dans un boulevard, Biereth signe un contrôle de boulanger et rate la balle du 5-2.


Une chose est sûre : l’AS Monaco savait où elle mettait les pieds. « Chaque match est différent, à chaque match on essaie de s’adapter à l’adversaire, analysait après la douche Mamadou Coulibaly, grand bonhomme de ce succès des visiteurs. C’est pour ça qu’aujourd’hui on était sur un jeu un peu plus ouvert, et moins défensif qu’à Toulouse. Le dispositif (un 3-1-4-2, ou 3-4-2-1) a fait que je me suis plus lâché, j’ai eu plus le droit de monter, faire la navette. […] On ne l’a pas beaucoup analysée (la tactique nantaise sur les hors-jeu) parce qu’on n’a eu très peu de jours pour ça. Mais on savait que c’était une équipe qui jouait le hors-jeu, on l’a travaillé et ça nous a réussi. » Il y a un mois lors du déplacement nantais à Toulouse (2-2), Yann Gboho avait lui aussi évité la souricière pour partir seul au but ajuster Lopes.

On évite plus de buts qu’on en encaisse grâce à ça.

Louis Leroux

Mis en confiance par son match à Paris, le FCN n’a mis hors-jeu les Asémistes que deux fois, mercredi. « Quand le ballon recule dans le camp adverse, il faut penser à bien avancer et se regarder les uns les autres pour être tout le temps aligné, racontait Louis Leroux quelques jours avant cet affrontement. Il faut bien suivre les appels dans notre dos et, si l’adversaire part tout seul, normalement, il est hors jeu lorsqu’il reçoit le ballon. Ça demande de l’adaptation, mais je pense qu’on évite plus de buts qu’on en encaisse grâce à ça. » La venue des hommes de Sébastien Pocognoli aura permis de rappeler à José Costa – l’adjoint de Castro en charge du secteur défensif – que l’apprentissage n’était pas terminé.

Nantes n’a pas perdu la rencontre uniquement là-dessus – un seul but a réellement été concédé sur un mauvais alignement, le reste ayant surtout été causé par des pertes de balle suicidaires – mais on peut déceler, par ce prisme, ce que l’octuple champion de France est en train de devenir sous les ordres de l’ambitieux Castro : une équipe toujours moyenne, certes, mais une équipe qui, désormais, perdra avec panache ou ne perdra pas.

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Par Jérémie Baron, à Nantes

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