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Le match que vous n’avez pas regardé : Wisła Cracovie – KS Cracovia

Par Alexandre Lazar
Le match que vous n’avez pas regardé : Wisła Cracovie – KS Cracovia

Un duel d'éclopés aux accents bibliques, des requins, de la provoc', une histoire de triades, un pacte que personne ne respecte, des couteaux et des coups, une purge digne d'un mauvais péplum et des caméras (presque) dégommées par des exilés hispanophones. Tout ça, c'était l'épisode 202 de la guerre sainte de Cracovie entre le Wisła et le Cracovia et c'est le match que vous n'avez pas regardé.

Wisła Cracovie 0-0 KS Cracovia

Święta wojna. La guerre sainte. La Pologne ou l’art de poser des fondations sans demi-mesure, en y accolant des hussards ailés. Vu son pedigree footballistique, Cracovie la sudiste pourrait bien prétendre au surnom de « ville qui ne dort jamais ». Et pour cause : ses deux clubs phares du Wisła et du Cracovia s’affrontent sur tous les terrains, homologués ou non, depuis plus de 110 ans. En ce samedi soir, à quatre journées de la fin de l’exercice 2020-2021, la soupe est pourtant aussi aigre que le żurek : respectivement douzièmes et treizièmes d’Ekstraklasa, la Biała Gwiazda et les Pasy n’ont que sept et six points d’avance sur l’unique relégable, le Stal Mielec, son match en moins et ses 21 unités. Sauvé de la faillite, entre autres, par la générosité de son symbole Jakub Błaszczykowski, le Wisła et ses treize titres pataugent loin des premières places depuis deux saisons. Côté Cracovia, encore européen en août et tenant du titre en Coupe, la surprise est réelle. Si la défense demeure assez hermétique (30 buts encaissés), l’attaque tourne au ralenti. Avec 26 pions en 26 matchs, c’est même la pire. Le capitaine roumain Sergiu Hanca n’a plus le même impact, Rivaldinho n’est pas vraiment un glorieux fils de et Marcos Álvarez, habitué des ligues inférieures outre-Rhin, semble plus issu de Better Call Saúl que d’Olive et Tom.

Pas de public, pas de chocolat

Pionnière de la réouverture des arènes durant la première phase de la pandémie l’an passé, la Pologne a dû revoir ses ambitions à la baisse, jusqu’à transformer le stade national de Varsovie en hôpital de fortune, en octobre dernier. Alors forcément, cette histoire de huis clos généralisé dessert tout le monde et une affiche aussi bouillante qu’un Derby Krakowa sans pyro, sans chants belliqueux ni gestes ostentatoires n’a dès lors plus qu’un charme relatif. Il faut dire que l’inimitié ne se limite pas à un regard de travers ou à un quartier tagué, bien que les stades Henryk-Reyman (Wisła) et Józef-Piłsudski (Cracovia) ne soient distants que de 600 mètres et séparés par le seul parc Błonia. Les fidèles du Cracovia Kraków se servent de leur réputation de « club à l’identité juive », allant jusqu’à revendiquer être un Jude Gang, du nom du groupe hooligan éponyme. Tout ça pour faire monter la mayonnaise dans le camp adverse. Une provocation en miroir, un peu à l’instar de ce qu’il se fait du côté de Tottenham. Ils se font également face, à grande échelle, au sein des principales alliances de supporters organisés : d’un côté, notamment, « la Grande Triade » entre le KS Cracovia, l’Arka Gdynia et les Kolejorz du Lech Poznań ; de l’autre, « les Trois Rois des grandes villes » , composée du Wisła Cracovie, du Lechia Gdańsk et du Śląsk Wrocław. Des amitiés et jumelages toutefois capables de vite s’effriter au gré des embrouilles intestines, comme c’est le cas depuis 2016 entre le Wisła et les autres « rois » .

Les embrouilles justement. Il va y en avoir quelques-unes durant cette rencontre à couteaux tirés, à l’opposé du pacte de Poznań, complètement ignoré dans la Florence du Nord. Disons que les hooligans des deux clubs, qu’ils soient requins ou rayés de rouge et de blanc, sont les seuls à avoir sciemment refusé de signer ce code de conduite et d’honneur pour adultes consentants : traduction, à Cracovie on ne se bat pas qu’avec la sueur et les poings. On sort aussi les lames et les bistouris quand l’heure est à la chasse, polowanie en VO. Après une présentation sur-mesure de la part du Canal+ version outre-Oder, les vingt-deux acteurs vont mettre un point d’honneur à respecter une trêve de buts. Pas celle des coudes en avant, des tampons inutiles à soixante mètres des buts, des pieds hauts dans le rond central et des crocs-en-jambe grossiers. Des arrêts de jeu, en somme.

On pourrait résumer la première période ainsi : le Wisła a systématiquement fait pencher son jeu vers les ailes, le Cracovia les lui a coupées. Le coup de rein du Ghanéen Yeboah ne marche qu’une fois sur trois. Pour lui et son comparse Starzyński, passer le corps face aux axiaux des Pasy relève de l’utopie. Sur chaque centre ou passe lobée dans la zone de vérité, un pied traîne, une tête soulage. Il faut attendre la 23e minute pour avoir droit à un coup de casque timide et plein axe de Brown Forbes, la première demi-occasion de cette guerre sainte en faveur de l’étoile blanche. Peu avant l’entracte, Thiago pense obtenir un penalty après une action tout en compensation : un contrôle long, suivi d’une course rapide avant de piquer du nez lorsque Lis surgit dans ses pieds. L’arbitre Bartosz Frankowski, un temps amadoué par le coup de bluff du milieu offensif brésilien, revient sur sa décision au grand dam de Michał Probierz et de son staff. Sept sur dix pour la beauté du plongeon de haut vol, avec une pointe à huit pour le juron dans la langue de Copernic.

Des drops et des Kuba

Les plus fanatiques supporters s’étaient sans doute fait une raison sur l’issue du derby. Les plus neutres, en revanche, espéraient encore une explosion de saveurs. D’entrée, le mobile et puissant Brown Forbes (il faut bien trouver du positif quelque part) se démarque après une projection de Zhukov. Alors qu’il n’a plus qu’à ouvrir son pied pour a minima cadrer sa tentative, le Costaricien privilégie une reprise du genou qui file en sortie de but (47e). La suite des opérations n’aura pas meilleure presse, même si Cracovia équilibre les débats lorsque Álvarez manque de dégommer une caméra de surveillance, à la suite d’une mésentente entre Koné et Sadlok (57e). Les visiteurs auront leur balle de match à la suite d’une main de ce même Sadlok. Alors, capitaine plombeur ? Pas vraiment, puisque Hanca, le préposé aux penaltys, va se louper devant Lis, qui avait bien anticipé sur sa droite (67e).

Un seul événement va marquer la fin de match : l’entrée de Kuba Błaszczykowski (35 balais) côté Wisła. Un joueur attachant au parcours de vie tumultueux, pas le meilleur ami de Robert Lewandowski, mais qui n’oublie pas le club qui l’a révélé. S’il se contente aujourd’hui des miettes qu’on lui octroie et multiplie les problèmes musculaires, c’est encore un grand frère dans les vestiaires. Comme un symbole, le Wisła et le Cracovia se quittent sur un match nul et vierge, pour la première fois depuis 2008. Mathématiquement, le spectre de la relégation existe encore. Le calendrier de la Biała Gwiazda sent bon la poudre des années 2010 (Legia Varsovie, Lech Poznań, Piast Gliwice), tandis que les favoris de feu Jean-Paul II ne sont pas forcément plus tranquilles. Mais de là à voir le Stal Mielec et le Podbeskidzie enchaîner un sans-faute, attention à ne pas pousser mémé dans les orties. Il ne reste plus qu’à espérer que la prochaine guerre sainte verra une arène pleine, des combats de tifo, des gladiateurs et pas des belles endormies. Comme le laissent deviner les fresques murales quadrillant Cracovie : « Notre ville, nos règles, celui qui ne peut les respecter devient hors jeu. »


Wisła Cracovie (3-4-3) : Lis – Frydrych, Koné, Sadlok – Gruszkowski (Szota 86e), Zhukov, Savić, Burliga (Medved 79e) – Yeboah, Brown Forbes (Błaszczykowski 86e), Starzyński. Entraîneur : Peter Hyballa.

KS Cracovia (4-2-3-1) : Hroššo – Râpă, Rodin, Márquez Álvarez, Luís Rocha – Sadiković, Lusiusz – Fiolić (Kosecki 62e), Hanca (Piszczek 88e), Thiago – Marcos Álvarez (Loshaj 81e). Entraîneur : Michał Probierz.

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