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Le jour où le Bayern Munich a humilié Johan Cruyff pour son jubilé

Par Ali Farhat et Côme Tessier, avec Émilien Hofman.
Le jour où le Bayern Munich a humilié Johan Cruyff pour son jubilé

Quand Johan Cruyff décide de partir une première fois, en novembre 1978, il invite le Bayern Munich à participer à la fête. Mais ce qui devait être un amical bon enfant vire au pugilat. Score final : 8-0. Pour les Allemands, bien entendu.

« Cela devait être un grand moment, un match agréable avec un score de 4-4, 5-5 ou même 6-5 avec un but à la dernière minute de Johan Cruyff ! » Pour Ruud Kaiser, à l’époque jeune joueur de l’Ajax, un jubilé, c’est simple : on invite des gens à la hauteur de l’événement, on se prend dans les bras au moment des retrouvailles, on se marre dans le vestiaire avant le match, on régale les spectateurs avec des buts agrémentés de quelques pirouettes et on finit sur une réalisation victorieuse de la vedette de la soirée. Puis tout le monde s’embrasse et boit des verres pour conclure cette belle journée. Mais ce 7 novembre 1978, jour où le roi Johan chausse – en théorie – une dernière fois les crampons, rien ne se passe comme prévu.

« Porcs de nazis »

Tout commence, il faut bien le dire, sur un malentendu. Le jour du match, les joueurs du FC Bayern atterrissent à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol où… il n’y a personne pour les accueillir. Quant à leur hôtel, où doit se dérouler la réception d’après-match, il n’est pas à la hauteur de leurs espérances. Les Allemands se sentent insultés par l’accueil néerlandais. Kurt Niedermayer, jeune sociétaire du Bayern, déclare avoir l’impression d’être là « juste pour faire le nombre ». Un sens relatif de l’hospitalité que le légendaire gardien Sepp Maier goûte peu : « Normalement, quand on est invité, on s’occupe de vous. Là, on était comme des étrangers. C’était une situation inconfortable. » C’était même bien pire que ça selon l’orgueilleux Paul Breitner :« Les Néerlandais se sont comportés comme si on était la dernière des choses sur Terre. Est-ce qu’on n’a pas été trois fois champions d’Europe ? »

La situation n’en finit pas de s’envenimer à l’approche du match. « Juste avant le coup d’envoi, les photographes sont tous venus se placer derrière le but de Sepp, comme s’il allait prendre plein de buts. Et ça, on n’a pas aimé », fulmine Breitner le lendemain dans les journaux. Autre chose que les Bavarois n’apprécient pas, mais alors pas du tout : les « Porcs de nazis » qui descendent des tribunes durant leur échauffement. La goutte d’eau qui fait déborder le vase. Celle qui conduit les leaders de l’équipe, Breitner, Maier, mais aussi Gerd Müller et Branko Oblak, à réunir les troupes juste avant le match afin de les motiver à jouer le match à fond.

Un doublé et deux triplés

Sous la pluie, les Bavarois jouent vite et mettent le pied, surprenant des Ajacides laxistes. Une volée de Müller dès la 2e minute, un tir croisé de Rummenigge, et voilà le Bayern qui mène 2-0 à la mi-temps. L’arbitre de la rencontre, Charles Corver, l’admet sans détour : « Ce n’était pas un vrai match amical, les joueurs du Bayern étaient vraiment très engagés, bien plus que prévu pour un match d’adieu. » Rien n’est fait à la mi-temps pour arranger les choses, les Hollandais pensant pouvoir inverser la tendance par eux-mêmes. C’est en tout cas le ressenti de Breitner après la rencontre. « Nous attendions au moins qu’à la mi-temps, Cruyff ou son manager vienne nous voir et nous dise : « Les gars, soyez plus cool. Ou au moins laissez Cruyff marquer un but. » Mais personne n’est venu. Ils pensaient pouvoir nous en mettre trois ou quatre. Nous voulions leur montrer qu’on était le Bayern Munich, pas une équipe de marionnettes. » Et les Ajacides ont vu. Le rouleau compresseur bavarois est inarrêtable. Müller (triplé), Rummenigge (triplé) et Breitner (doublé) font du Stadion de Meer leur chose. Score final : 0-8. Et encore, Mr Corver a limité la casse : « J’ai injustement annulé deux ou trois buts parce que je ne voulais pas que le score soit trop honteux pour Cruyff et qu’il perde 10 ou 11-0. »

J’ai injustement annulé deux ou trois buts parce que je ne voulais pas que le score soit trop honteux pour Cruyff et qu’il perde 10 ou 11-0.

Dans le fond, Cruyff aurait pu s’y attendre. Avant même l’arrivée des Allemands sur le sol néerlandais, cette rencontre n’avait rien d’un match amical comme les autres. De vieilles rancœurs subsistent entre les deux clubs qui ont régné à tour de rôle sur l’Europe des années 1970. En 1973, le Bayern s’incline 4-0 face à l’Ajax en demi-finales de Coupe des clubs champions. Pire, un an plus tôt, lors d’un match amical, les Ajacides infligent un cinglant 5-0 aux Munichois. Ce jubilé fait office de revanche. À la fin du match, les Bavarois exultent. « Fini avec cette honte de 1973 ! » déclare Maier. Breitner jubile : « Nous sommes de nouveau le Bayern. Fini avec 1973 ! » Sur le banc du Bayern, le Néerlandais Martin Jol est en pleurs… La famille de Cruyff est courroucée par le sans-gêne des invités : Danny fait la moue, le « cœur fendu » d’après le beau-père Cor Coster, qui décide d’annuler expressément la petite sauterie qui doit avoir lieu à l’hôtel. « Pour lui, c’était une honte qu’on ait battu son gendre 8-0 pour son jubilé, donc je comprends tout à fait qu’on ait été décommandés pour ce banquet, reconnaît Sepp Maier, qui refuse toutefois de s’en sentir coupable. Ça m’a fait de la peine pour Cruyff, mais c’était de leur faute, à l’Ajax. »

« Dans les douches, l’ambiance était pesante »

Et Johan Cruyff dans tout ça ? Le héros présumé quitte le terrain avant la fin du match. « Je ne veux pas être la victime d’un sacrifice », aurait déclaré le héros déchu du jour. « Dans les vestiaires, on s’est assis et on s’est demandé ce qui venait de se passer, témoigne Simon Tahamata, jeune coéquipier du grand Johan. Après un petit moment, on a finalement bu quelques petites bières ensemble. Mais de vraie fête, il n’y en a pas eu. » Ruud Kaiser en a le même souvenir : « Dans les douches, l’ambiance était pesante, tout comme pendant le speech d’après-match auquel les joueurs du Bayern n’ont pas assisté. Tout le monde était fâché finalement. » Sans doute déçu d’avoir raté sa sortie, et enquiquiné par quelques lourds soucis financiers, Johan Cruyff remet le pied à l’étrier quelques mois plus tard, aux États-Unis. Les Los Angeles Aztecs, puis les Washington Diplomats feront office de terre d’asile, avant un retour en Espagne, à Levante. Enfin, Cruyff revient au pays, à Amsterdam, puis Rotterdam. Le 13 mai 1984, il joue un dernier match avec le Feyenoord. Et depuis ce jour-là, Johan Cruyff n’a plus jamais organisé de jubilé.

Article paru initialement dans le SO FOOT 100% Cruyff de l’été 2015.

Le jour où Johan Cruyff a enregistré une chanson

Par Ali Farhat et Côme Tessier, avec Émilien Hofman.

Tous propos recueillis par AF, CT et EH, sauf ceux Breitner tirés de Bild et ceux de Tahamata tirés de 11Freunde

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