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Le football comme remède à la peste

Par Thibaud Leplat
Le football comme remède à la peste

La Peste de Camus - et peut-être aussi le coronavirus - nous révèle le sens du football. Central dans les conversations d’un Oran en quarantaine chez Camus, il permet de continuer à faire société au moment où la cité plonge dans le silence. Comment s’y prend-il ? Lisons un peu.

Sans vouloir inquiéter personne, le meilleur moyen de se figurer ces prochaines semaines sans football, c’est encore de lire La Peste. Car il y a des pages assez étonnantes dans ce chef-d’œuvre qui méritent que l’amateur profite des heures sans match ou sans public (ce qui revient au même) pour y prendre quelques leçons tactiques. Dans le Oran de Camus, mis en quarantaine à cause du bacille, les hommes se trouvent tout à coup pris dans une sorte d’exil immobile. Condamnés à vivre enfermés en eux-mêmes dans une ville sans espoir, les hommes souffrent alors « de vivre avec une mémoire qui ne sert à rien » .

Au resto espagnol où Rambert, le héros, retrouve un contact pour s’échapper de l’état de siège, l’atmosphère est lourde. Les hommes se taisent en digérant des mauvaises nouvelles qui tombent inexorablement à la radio. Rambert hésite à prendre la parole. Et pour parler de quoi en plus ? De bubons, de germes, de bactéries ? Mieux vaut éviter de braquer son éventuel passeur en philosophant sur l’absurdité de cette épidémie. Ce n’est pas avec ce genre de conversation qu’on se fait des amis. Mais tout à coup, Rambert devine quelque chose. Sans doute à cause de ses jambes et de son étrange allure, le journaliste remarque que Gonzalez, son contact, « (est) joueur de football » . Le silence se rompt tout à coup et s’ensuit alors une conversation à bâtons rompus. « On parla donc du championnat de France, de la valeur des équipes professionnelles anglaises et de la tactique du W. »

Chapman et le demi-centre

Rappelons que parler des bienfaits du W à ce moment précis, c’est se plonger dans une controverse tactique d’avant-peste : fallait-il oui ou non renoncer au W au profit du WM ? C’est-à-dire faire descendre un demi en défense centrale (comme l’Arsenal de Chapman dans les années 1930) ou bien laisser le demi-centre organiser le jeu vers l’avant (comme les européens). En somme, fallait-il succomber au football scientifique prôné par les Anglais et abandonner par conséquent l’idéal continental d’un football offensif ? En réalité, les hommes, quand ils sont enfermés dans une peste, n’hésitent pas longtemps : « À la fin du déjeuner, le cheval (le surnom de Gonzalez, N.D.L.A.) s’était tout à fait animé et il tutoyait Rambert pour le persuader qu’il n’y avait pas plus belle place dans une équipe que celle de demi-centre.« Tu comprends, disait-il,le demi-centre, c’est celui qui distribue le jeu. Et distribuer le jeu, c’est ça le football. » » À la fin de cette conversation, une poignée de mains est échangée. Le marché est conclu.

Qu’est-ce que parler football ?

La Peste, entre autres choses, nous révèle donc le sens du football. Central dans les conversations des Oranais, il permet ainsi de continuer à faire société au moment où la cité plonge dans le silence. La peste, en fait, c’est le moment où, dans les pires circonstances de la vie, les mots manquent et les silences deviennent lourds. Comment le football s’y prend-il pour nous redonner vie ? Après tout, il n’est qu’un jeu, et un jeu n’est pas un vaccin, n’est-ce pas ? Le football ressuscite la joie réduite au silence par le virus meurtrier. Le football, c’est le nom que donne Camus à cette nostalgie bienfaisante d’avant l’épidémie. Celle qui donne envie d’attraper son voisin par le bras et de se mettre à parler.

Parler, pas « bavarder » . Parler pour survivre. Parler pour vivre, tout court. Se rappeler que notre cœur fonctionne encore et que notre existence a un jour été normale. Et, qui sait, qu’elle reviendra peut-être. Parler football, voilà une manière de ne pas mourir tout à fait comme des bêtes, d’entretenir l’espoir. Si le football a une seule vertu, c’est donc de donner aux hommes empestés un sujet de joie commune. C’est donc précisément parce que l’existence est absurde que le football a un sens. Sur ce point, et beaucoup d’autres, Camus a raison : « La seule façon de mettre les gens ensemble, c’est encore de leur envoyer la peste. » L’occasion rêvée, pour nous, de parler football tranquilles.

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