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Qui a dit que la victoire du PSG allait profiter à l’ensemble du foot français ?
Paris est champion d’Europe. Oui, enfin. La Ligue des champions. Celle que l’OM a soulevée en 1993 et que ses supporters nous rappellent depuis 32 ans. Celle que le football français, hors PSG, regarde depuis toujours avec les yeux d’un amoureux resté à la porte du bal. Cette fois, les Parisiens l’ont fait. Mais alors quoi ? Champagne pour tout le monde ? Pas si vite.

Dès le lendemain du sacre, les grandes phrases ont fusé : « C’est une victoire pour tout le football français », « un nouveau départ pour la Ligue 1 », « une locomotive pour les clubs pros ». Alors oui, on peut se réjouir parce que des joueurs formés en France comme Bradley Barcola, Ousmane Dembélé ou Désiré Doué ont brillé, parce qu’un club français a enfin remporté la C1 mais concrètement, qu’est-ce que ça change pour Laval ? Pour Angers ? Pour Reims, relégué après huit années dans l’élite ? Des villes où on a pu fêter la victoire de la bande d’Ousmane Dembélé, sans que la nuit dorée de Munich n’arrange pour autant les affaires locales. Car le PSG a gagné, oui. Mais le football français et ses déboires, eux, sont restés toujours là. Penser l’inverse reviendrait à affirmer qu’une soirée d’ivresse effacerait tous les soucis du quotidien…
Christophe Bouchet, ancien président de l’OM et fin observateur de l’économie du football, dresse le tableau : « Qu’un club né en France remporte la Ligue des champions, c’est toujours un signal fort pour notre football. Est-ce que le PSG est représentatif du foot français ? Pas vraiment. Mais cette victoire attire l’attention sur notre pays, notre capitale, et sur le football hexagonal, même si ni Paris ni le PSG n’avaient particulièrement besoin de ce coup de projecteur. » Une attention mondiale, certes, mais pour quel impact réel ? On aimerait nous faire croire à un effet d’entraînement (ou de ruissellement pour reprendre le lexique macronien), celui d’un PSG modèle pour la Ligue 1. Soyons clairs : Paris est une fusée, et cette fusée a mis 13 ans pour être prête, bénéficiant des moyens démesurés d’un état étranger pour décoller. Pendant ce temps, les autres clubs restent englués dans leurs galères, notamment budgétaires.
Des disparités financières qui risquent de s’accroître
Le premier symptôme, ce sont les droits TV. « La gestion calamiteuse des droits télé par la LFP ne sera pas effacée par une victoire en Ligue des champions », déplore Christophe Bouchet, auteur de Main basse sur l’argent du foot français (Robert Laffont, 2023), se penchant sur l’accord passé entre la LFP et le fonds d’investissement CVC. Jacques Piriou, président de l’US Concarneau, n’imagine pas non plus un bouleversement à ce niveau-là : « Soyons honnêtes, ça ne changera pas la donne pour un Concarneau-Rodez ou un Lorient-Toulouse : les diffuseurs ne paieront pas plus pour ces affiches. En revanche, le football français a besoin de locomotives, et aujourd’hui, c’est clairement le PSG. » Parce que le PSG était déjà la principale tête d’affiche, la victoire parisienne ne transformera pas nos matchs de Ligue 1 ou Ligue 2 en événement. Elle ne réglera ni l’effondrement des droits télé, ni l’échec chronique de la gouvernance de la LFP.
Cette victoire profite plus au Qatar qu’à la France. Elle améliore leur image, poursuit leur stratégie de soft power, comme on l’a vu avec la Coupe du monde. Et chacun ferme les yeux sur leur rôle géopolitique.
D’autant que la répartition des revenus n’aide en aucun cas les clubs non européens selon Bouchet. « Il n’y a pas que l’effondrement historique des droits TV qui posent problème, il y a aussi la nouvelle règle qui réserve les droits internationaux aux seuls clubs qualifiés en Europe. Ces clubs bénéficient déjà de primes et d’une part des revenus versés à l’UEFA. Cette situation creuse un écart financier important entre les clubs européens, qui restent bien financés, et les autres, qui voient leur survie menacée. Et ce n’est pas la victoire du PSG qui va changer quoi que ce soit à cette fracture, qui risque d’affaiblir durablement le football français. » Un cadeau empoisonné en somme, notamment pour les plus petites écuries.

Et puis, il y a le fond géopolitique, rarement évoqué dans les bilans positifs. « Il est aussi temps de se demander quel est le rôle réel de ces actionnaires étrangers dans notre football, s’interroge l’ancien maire de Tours. L’Arabie saoudite offre un avion à Trump, le Qatar offre une Ligue des champions à la France… On est devenu aveugles aux contreparties. Cette victoire profite plus au Qatar qu’à la France. Elle améliore leur image, poursuit leur stratégie de soft power, comme on l’a vu avec la Coupe du monde. Et chacun ferme les yeux sur leur rôle géopolitique. On oublie les méthodes, on ne retient que le résultat, mais il faudrait aussi analyser les victoires, pas seulement les défaites. » Jacques Piriou, lui, refuse de se perdre dans les procès d’intention : « Quand on regarde ce qu’il se passe dans d’autres pays, on voit bien qu’on est dans une logique de football-business, que ce soit avec le Qatar ou d’autres investisseurs. On peut débattre, chercher des polémiques, mais il faut reconnaître qu’ils ont investi et qu’ils ont réussi. C’est la réalité du football moderne. »
Le rêve d’un autre Paris
Finalement, le seul vrai motif d’espoir ne se trouve peut-être pas dans ce trophée, aussi prestigieux soit-il. Mais dans un événement passé plus inaperçu depuis une semaine. « La seule véritable et vraie bonne nouvelle cette saison pour le football français s’est aussi passée à Paris, mais ce n’est pas le sacre du PSG : c’est l’arrivée du groupe Arnault au capital du PFC, insiste Bouchet. C’est inespéré : un acteur économique français majeur qui s’intéresse à un club ancré dans la capitale. Cela vient confirmer une réalité économique et démographique évidente : tout se joue à Paris. Et contrairement à d’autres grands pays de football comme l’Angleterre ou l’Argentine, la France n’avait qu’un seul club d’importance dans sa capitale. » Pour Piriou, cette victoire saint-germano-parisienne ne changera pas la donne du jour au lendemain, mais elle peut raviver la flamme. « Ce n’est pas cette victoire qui va tout changer à elle seule évidemment, mais elle confirme que la locomotive est là et qu’elle fonctionne. » Alors oui, Paris a gagné. Et c’est beau. Mais ne nous racontons pas d’histoires. Ce n’est pas notre victoire. C’est la sienne. Et c’est déjà pas mal.
De quel champion d’Europe doit s’inspirer le PSG pour son mercato ?Par Evan Glomot
Tous propos recueillis par EG.