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La décadence de l’empire
Le bilan européen de l'Italie en dit beaucoup sur le déclassement d'une nation, autrefois modèle de réussite sur le Vieux Continent. La Botte paye son incapacité à se réformer, à s'adapter à la nouvelle donne et chaque année semble creuser son écart de compétitivité avec son contre-modèle anglais. Un déclin inéluctable ?
En voie de paupérisation. Voici ce que conclurait un expert de l’OCDE s’il avait à ausculter la santé économique de la Serie A. Bien sûr, il reste encore quelque joyaux au fond de la Botte, mais la tendance est nette, certifiée par les piètres résultats continentaux de ses représentants. En Coupe d’Europe, les cruels et réalistes Italiens, ces maîtres tacticiens longtemps bourreaux des illusions adverses, subissent une sévère décote. Et se font désormais plier comme le premier Grec venu par leurs concurrents allemands, français, et surtout, par des Anglais à la supériorité simplement écrasante.
Un riche l’héritage avait aidé les PME italiennes à résister à la montée en puissance des multinationales anglaises. Et de continuer à placer un représentant dans le dernier carré de la C1. Le matelas est épuisé, et l’Italie doit se frotter à la dureté du sol. Milan en prend quatre à Manchester. La Juve se montre incapable de tenir un avantage de deux buts face au 10e de la Premier League. Les Italiens ne savent plus défendre, et leur supériorité tactique appartient au passé. Devant cette tendance lourde, déjà en cours depuis plusieurs années, le contre-exemple fourni par l’Inter Milan ne peut invalider la thèse du déclin.
La domination nationale de l’Inter constitue même l’un des symptômes de la chute de compétitivité de la Serie A. Un championnat dont la physionomie ressemble à s’y méprendre à celle de la Ligue 1 sous le règne lyonnais. Avec au sommet, une équipe qui accumule les titres et les richesses, mais se montre incapable de faire fructifier sa réussite nationale à l’échelon européen (l’Inter restait sur trois éliminations en huitièmes). Aussi, une concurrence trop tendre, qui semble avoir tellement acté la supériorité nerazzurra qu’elle semble comme paralysée quand une baisse de régime du leader lui offre l’opportunité de commettre un crime de lèse-majesté. Cf le match nul du Milan AC ce week-end…
En réalité, la Serie A ressemble surtout à un pays qui a manqué le tournant de la mondialisation, dénué de groupes puissants, incapable de batailler à l’export, et à la demande intérieure trop faible pour se replier sur son marché interne. Un pays admiré pour son passé, ses vieux monuments, ou le raffinement de ses arts et de sa culture. Dans le désordre, ça donne : Alessandro del Piero, le Colisée, Francesco Totti, La Chapelle Sixtine, Alessandro Nesta, Giorgio Armani…
Des monuments parfois délabrés, comme ses stades. Car si l’Italie vit ce déclassement, c’est qu’elle n’a tout simplement pas de projet commun. Pour la Premier League, la FA avait une ambition, une stratégie : ses clubs, même endettés, sont devenus des machines à dégager du chiffre d’affaires à moult zéros, les sources de revenus ont été diversifiées autant qu’étoffées (merchandising, stades confortables et rentables, développement global, de l’Asie à l’Amérique du Sud). En Italie, tout juste si les enceintes sont entretenues, et la violence qui règne autour et en leur sein freine plus d’un tifoso à l’heure d’aller payer son billet.
La Serie A bricole, mastique, rafistole, sur des fondations délabrées. Au vrai, elle n’a plus vraiment le choix. Pas de moyens, tout simplement. Alors, le Milan AC pense à Mario Yepes, et la Juve à la recherche de fluoriclasse doit s’incliner face à la puissance financière des Chelsea, Real, Manchester (U et City), Arsenal, et Barça … Ce que Walter Mazzari, l’entraîneur du Napoli, a exprimé ainsi : « Le Calcio est gouverné par des gens ultracentenaires et sourds. L’Italie et l’Europe sont vieilles comme Mathusalem, dépassées. Vous ne voulez pas le comprendre » .
C’est pourtant bien par l’Europe que l’Italie pourrait trouver une porte de sortie. L’obtention de l’Euro 2016 lui donnerait l’occasion de faire le ménage dans ses stades, et d’en faire des leviers de compétitivité, en langue néo-libérale. Dans l’hypothèse inverse, la Serie A conservera toujours son charme, d’ailleurs recyclé, avec les séduisantes Fiorentina, Roma, ou Genoa. Des clubs profondément ancrés dans leur cité, adossés à des propriétaires locaux passionnés. C’est aussi les cas des grands Inter et AC. Sans doute la garantie d’une certaine pérennité, même dans un climat hostile. C’est toujours ça que les Anglais n’auront pas.
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