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La Boussole : « La France n’est pas sûre d’aller au Mondial »

Propos recueillis par Eric Carpentier
La Boussole : « La France n’est pas sûre d’aller au Mondial »

La Boussole est le collectif responsable de l'équipe de France des sans-abris. Après Paris en 2011 ou Santiago en 2014, rien n'assure que nos Bleus pourront faire le déplacement à Amsterdam en 2015. Eléonore explique le sens et la complexité de leur démarche.

Qu’est ce que La Boussole ?

On est un collectif de travailleurs sociaux de Montpellier. On est de diverses structures dans la ville, on s’est mis ensemble en voyant le manque de possibilités de monter des grands projets de manière isolée, dans nos foyers d’hébergements pour personnes sans-abris. Ca nous a permis de mutualiser nos moyens, idées, matériaux, bénéficiaires… pour nous permettre d’avancer. On a monté différents projets : théâtre, radio, sorties, et donc la Homeless World Cup (structure écossaise fondée en 2001 qui organise chaque année la Coupe du monde des sans-abris, ndlr).

Comment en êtes-vous venus à travailler avec la Homeless World Cup ?

Un collègue du collectif, Patrick Mbongue, était très engagé avec Remise en Jeu, et quand Remise en Jeu est tombé à l’eau, il a repris le projet et l’a amené au sein de La Boussole. On a l’agrément avec la Homeless World Cup et on est mandaté pour monter l’équipe nationale de foot, masculine à l’origine, et cette année féminine. Ce sera la première année. Il y en a eu une en 2011, quand l’équipe était gérée par Remise en Jeu, parce que la Coupe du Monde était organisée à Paris. Par souci de représentation, ils avaient montée une équipe féminine, mais ce n’étaient que des Parisiennes.
Les joueurs ont connu la rue, les squats, la précarité…

Comment se passe la sélection des joueurs ?

On s’organise avec les travailleurs sociaux des autres villes avec lesquels on a constitué comme un réseau, et on les invite à venir sur notre tournoi, le Tournoi de la Solidarité. Pendant ce tournoi, on sélectionne ceux qui vont représenter la France. Ça, ce n’est que pour les garçons. Pour les filles, on n’a pas trouvé d’équipes complètes, du coup on a fait marcher notre réseau, on a appelé des structures en France pour savoir si elles n’avaient pas une ou deux joueuses, et on a monté une équipe de France.

Quel est le profil des joueurs ?

Les joueurs ont nécessairement un parcours atypique. Même s’ils ont un toit, qu’ils sont logés par des structures d’hébergement, ou qu’ils vont peut-être trouver un appartement, ce sont des personnes qui ont connues la rue, les squats, la précarité, qui sont souvent issus des foyers de l’enfance… Il y a quand même beaucoup de difficultés sur leur profil. Ça ne peut pas être quelqu’un qui aime bien le foot, qui n’a pas trop de sous mais qui n’a pas d’accompagnement social. C’est nécessairement quelqu’un qui est dans le besoin d’avoir un trampoline pour rebondir dans sa propre vie, dans son parcours d’insertion. C’est beaucoup autour de l’insertion professionnelle, parfois simplement dans le comportement dans la société.
Travailler sur soir, reprendre confiance pour avancer

Que représente la Homeless World Cup pour les participants ?

Il y a de tout. Il y en a pour qui c’est juste un bon moment, une belle aventure. Il y en a d’autres qui vont travailler sur leur image, reprendre confiance en eux. On a d’autres exemples plus concrets. L’entraîneur de l’équipe de France est un ancien joueur de 2010 qui, par le biais de la Homeless, a pu passer son brevet d’Etat d’entraîneur. Sur l’équipe féminine, pareil, c’est une joueuse de 2011. Tous nos entraîneurs sont issus d’une équipe. Mais l’image, c’est la base. Chacun se sert de l’aventure comme il le peut, pour aller de l’avant. Ça arrive qu’elle soit trop dure, trop violente. On les contraint pas mal, parce qu’on est dans un cadre sportif, même si on est dans l’insertion. Il leur faut un certificat médical, faire des efforts : ne pas fumer au bord du terrain, éviter de boire… Ils signent une charte et il faut qu’ils y adhèrent. S’ils ne le font pas, qu’ils tirent l’équipe vers le bas, ça veut dire qu’ils ne sont pas prêts à avancer dans leur parcours. On est cadrants sans être cassants. On a des personnes qui peuvent être dans des profils addictifs, l’idée n’est pas de faire un sevrage sauvage pendant la Coupe du Monde, mais qu’ils soient dans la capacité d’accepter de boire et fumer différemment, voire se droguer différemment. On est au-delà de l’idée de gagner les matchs, on est dans l’idée de travailler sur soi et avancer, après tant mieux si on gagne les matchs.

Quel est le budget d’un tel projet ?

Les déplacements nous coûtent le plus cher. Tout au long de l’année, on fait des regroupements sportifs. Cette année pour les filles, à Toulouse, à Montpellier, et à Lille avant le départ. Trois regroupements aussi pour les garçons. À chaque fois, tout est pris en charge par le collectif. Après, il faut aller jusqu’à Amsterdam. Sur place, tout est pris en charge par l’organisation de la Homeless World Cup pour les garçons. Pour les filles, on est sur les matchs amicaux car il y a une liste d’attente. Mais on doit jouer ces matchs si on veut un jour être en haut de la liste et participer à la compétition ! Donc les filles chiffrent à hauteur de 1 000 euros chacune, sur place. Ca nous fait entre 40 000 et 45 000 euros pour les deux équipes sur le projet Amsterdam. Aujourd’hui on a 30 000 euros. La Fondation Abbé-Pierre nous finance pour 15 000 euros, le Crédit Agricole pour 15 000 autres, plus Nike pour l’équipement.
L’AS Monaco nous avait permis d’aller en Pologne. Grands seigneurs.

Comment espérez-vous boucler le budget ?

On a sollicité pas mal de mécénats, pour beaucoup de réponses négatives. La FFF nous a reçu par téléphone pour nous dire qu’on aurait rien, non plus de parrainage par un joueur de l’équipe de France, actuelle ou passée, parce qu’ils sont trop sollicités. On a eu Emmanuel Petit, qui a été hyper présent, mais ça tourne et aujourd’hui il n’y a personne. On voit avec la SNCF si on peut faire quelque chose pour nos joueurs de moins de 25 ans… Mais là ça se rapproche vraiment. Une année, l’AS Monaco nous avait financé suite à un article de presse. Sans eux, on ne partait plus. C’était pour la Pologne en 2013. Ils nous ont versé 15 000 euros, grands seigneurs, parce qu’ils nous ont appelé après avoir vu l’article, et ils nous ont versé l’argent sans aucune demande en retour, compte-rendu, rien. C’est normal hein, d’envoyer son rapport d’activité ! Mais c’était entendu avec eux que c’était pour cette année-là et qu’ils ne pourraient pas continuer après.

Quel est l’agenda d’ici à la Homeless World Cup ?

Aujourd’hui tout est calé, les filles sont prêtes, il y a le dernier regroupement masculin à Petit Quevilly, puis du 9 au 12 on fait un dernier regroupement commun à Lile avant de partir à Amsterdam. On y sera du 12 au 19 septembre. On partira coûte que coûte, quitte à se mettre en danger financièrement. On a la chance d’être portée par notre structure au niveau des comptes : notre comptable peut nous ouvrir une ligne, au risque de se mettre dans le rouge de leur côté. Evidemment, si ça ne passe pas de notre côté, ils ne nous soutiendront plus, c’est logique. Et ce sera l’existence même projet qui sera en danger.
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