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Khalid Boutaib ou la théorie de l’ascenseur émotionnel

Par Aymeric Le Gall
Khalid Boutaib ou la théorie de l’ascenseur émotionnel

Le chemin qui mène au monde du foot professionnel n'est pas toujours une promenade de santé. Khalid Boutaib, tout récent promu en L1 avec le Gazélec d'Ajaccio, le sait mieux que quiconque. De son premier faux départ avec Istres en 2012 en passant par le mélodrame de l'été 2014 vécu avec Luzenac, le joueur a finalement su rebondir en Corse et va connaître pour la première fois de sa vie les joies de l'élite. Portrait d'un galérien pour qui tout finit bien.

Entre Khalid Boutaib et le football professionnel, c’est une histoire de rendez-vous manqués. Longtemps, celui-ci aura roulé sa bosse au niveau amateur, de la CFA 2 au championnat National, principalement avec le club d’Uzès-Pont-du-Gard. Mais cet attaquant longiligne n’a jamais caché son envie d’aller voir plus haut, en Ligue 2 notamment, où il a bien failli évoluer une première fois avec Istres à l’été 2012. Manque de pot, en arrivant là-bas, l’ami Boutaib a vite compris qu’il n’entrait pas dans les plans du coach. Une première claque qu’il tente de vite oublier en revenant aux sources, à Uzès, en National. Après une saison de bonne facture, le voilà qui plie bagage direction Luzenac. Là-bas, au terme d’une incroyable épopée en National, la bande de potes gagne le droit d’accéder en Ligue 2 pour la toute première fois de l’histoire du club. Ça y est, cette fois, c’est la bonne pour Khalid ! La deuxième division et son statut pro’ lui tendent une seconde fois les bras. Mais il faut croire que les astres aiment se jouer de lui, car la belle histoire du petit poucet promu chez les grands va vite tourner au mélodrame à l’été 2014. Malgré une saison extraordinaire, le club ariégeois perd sa bataille juridique contre les instances du foot et se voit interdit de monter en Ligue 2. Après autant d’efforts et de sacrifices, voilà que son rêve de jouer chez les pros lui file de nouveau sous le nez. De quoi agacer. Au bas mot. « À un moment, j’ai peut-être douté du fait que je puisse un jour y arriver, souffle-t-il en se remémorant les galères passées. On en arrive presque à se demander parfois si le sort ne s’acharne pas parce que t’arrives à Istres, tu signes pro, mais au final tu ne joues pas… Après, il y a Luzenac. Tu fais une saison incroyable, tu montes et finalement, on te refuse l’accès en L2… C’est dur. »

Le bout du tunnel, enfin

Mais son talent et sa persévérance auront finalement raison de ce foutu destin. Alors que l’avenir de Luzenac se joue dans l’ambiance feutrée et pesante des salles de tribunal, le Gazélec d’Ajaccio, tout récent promu en L2, offre une porte de sortie à notre malchanceux. Le club cherche un attaquant de son profil, et les contacts sont vite avancés avec l’agent du joueur. Au final, c’est sur les bases d’un contrat moral que les deux clubs et le joueur s’entendent : si Luzenac ne monte pas, ça sera direction la Corse pour Khalid. « C’est quelqu’un qu’on avait eu l’occasion de croiser en National, et le garçon nous avait fait bonne impression. Mais on a voulu faire les choses dans les règles, en respectant le club de Luzenac, car la volonté première de Khalid était de monter avec son club, ce qui est normal » , précise Thierry Laurey, le coach du GFCA. La suite est connue : Luzenac repart en DHR, et Boutaib doit plier bagages. Frédéric Jordan, l’attaché de presse du club à l’époque, se souvient très bien du départ du buteur, puisque c’est lui qui l’a conduit à l’aéroport de Toulouse-Blagnac : « Khalid est venu saluer une dernière fois le président, puis je l’ai conduit à Blagnac pour son départ. C’était quand même un moment d’émotion, car c’est quelqu’un de vraiment attachant. » Et s’il a eu la chance de pouvoir vite rebondir et ne pas trop cogiter, il n’en oublie pas pour autant ses potes restés sur le carreau : « Je savais que j’allais connaître la L2, mais ça m’a fait chier pour mes coéquipiers qui n’ont pas tous eu la même chance que moi, pour les supporters et les dirigeants qui ont trimé pendant des années pour en arriver là… »

Khalid est dans la place

C’est dans ce contexte que le joueur atterrit à Ajaccio, en septembre 2014, alors même que le championnat a repris ses droits depuis belle lurette. Mais après trois mois d’un merdier sans nom, entre préparation physique tronquée et stress lié aux décisions judiciaires, Khalid ne débarque pas dans des conditions idoines sur les terres de Napoléon. « C’est sûr qu’il était affecté par ce qu’il avait vécu là-bas, confirme Thierry Laurey. Je me souviens qu’il était très souvent en contact avec ses anciens coéquipiers. C’est normal vu ce qu’ils avaient traversé ensemble. Ça soude les liens. » Si la tête est encore un peu en Ariège, les jambes, elles, sont bien avec le GFCA. Quand on lui demande si ses débuts ont été difficiles à gérer, l’intéressé est très clair : « Au contraire ! Quand je suis arrivé en Corse, j’avais les crocs, car ça faisait près de trois mois que je n’avais pas vraiment joué. » Une dalle de ballons qui sera vite rassasiée grâce à des débuts tonitruants sous ses nouvelles couleurs. Il ne lui aura fallu que deux matchs pour trouver le chemin des filets et délivrer sa première passe dé’. C’était contre le leader dijonnais, lors de la 7e journée de championnat. « Ce but m’a donné énormément de confiance en moi, rembobine-t-il. Après, je suis quelqu’un qui ne se prend pas la tête, qui ne se met pas de pression inutile. Quand je rentre sur un terrain, que ce soit en CFA, en National ou en Ligue 2, il y a onze mecs en face et ça ne sert à rien de trop calculer. Je me donne tout le temps à fond, histoire de ne rien regretter. »

Rien ne sert de courir

Au terme d’une saison incroyable, le promu gagne finalement le droit d’aller pointer le bout de son nez dans l’élite la saison suivante, et Khalid Boutaib n’est pas étranger à ce joyeux dénouement. Pour une première en L2, ses statistiques sont loin d’être vilaines : 28 matchs joués – dont 24 en tant que titulaire – pour 6 buts et 2 passes décisives. À l’heure du bilan, Thierry Laurey est satisfait des premiers pas du joueur chez les pros. Mais il n’en oublie pas pour autant les progrès que son poulain va encore devoir faire cette saison : « C’est un garçon qui sort du milieu amateur pur et dur. Et même s’il a franchi un palier avec nous, ce n’est pas encore tout à fait un joueur professionnel dans l’esprit. Après deux bons tiers de saison, ça a été un peu plus compliqué sur la fin. À lui maintenant de passer un nouveau cap. » S’il connaît ses faiblesses, il ne doute pas de sa capacité d’adaptation : « Je ne suis pas passé par un centre de formation, donc j’ai forcément des petits manques que d’autres n’ont pas. En plus, il faut toujours que je m’adapte, car à chaque fois que j’arrive dans un club, par chance, on monte rapidement, donc j’ai toujours face à moi un nouveau tremplin à passer. » Le voilà donc fin prêt, à 28 ans, à entrer dans la cour des grands. Et à l’heure de regarder dans le rétro, Khalid ne peut cacher la joie qui est la sienne aujourd’hui : « Je mesure clairement la chance que j’ai. Je me souviens encore que quand j’étais à Uzès, en CFA 2, je travaillais à côté du foot. J’ai fait plein de petits boulots en intérim. De la mise en rayon dans les centres commerciaux, paysagiste, vendeur de beignets, etc. » À un mois de la reprise, tout cela n’est plus qu’un lointain souvenir. « Aujourd’hui, c’est foot, repos, foot, repos. »

Par Aymeric Le Gall

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