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Juve est ou Juve est pas ?

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Juve est ou Juve est pas ?

Larguée dans la course au titre et à la Champions League, la Juventus souffre cette saison. Mais, plus que sportive, la crise turinoise est identitaire.

Dans le football s’opposent deux visions du jeu. D’un côté, il y a ceux qui insistent avant tout sur la construction, la manière et le jeu, soit la fameuse bataille du milieu de terrain. De l’autre, il y a ceux qui pensent que l’essentiel est de se montrer décisif dans les derniers mètres de chaque surface de réparation, et que le reste suivra. L’idée de génie de la Juve était de réconcilier ces deux principes, que tous ou presque opposent bêtement, en mettant la construction au service des meilleurs techniciens de surface. C’était la belle époque de l’axiome Buffon-Trézéguet, avec une équipe chargée tout entière de protéger le premier et de servir le second. La construction en devenait alors la plus simple possible, mais aussi la plus pure, d’autant qu’historiquement, la Juventus avait le bon goût d’embaucher, afin de contrôler la circulation, le plus intelligent des six et le plus brillant des dix.

Aujourd’hui, Buffon est convalescent, Trézéguet bronze à Alicante, Melo joue six et la Juve avec deux ailiers. Enfin non, même pas. La Juve joue avec un seul ailier, Miroslav Krasic, car de l’autre côté, c’est Claudio Marchisio qui dépanne. Son entraîneur, Gigi Del Neri, tient dur comme fer à son 442 modulable en 424 les jours de beau temps, quitte à forcer les joueurs à s’adapter à son système plutôt que l’inverse. Si Pepe, Martinez ou Marchisio ont ainsi été tour à tour essayés au poste de milieu gauche, jamais n’a été aligné un milieu à trois composé de Melo, Aquilani et Marchisio. Jamais n’a de toute façon été aligné un milieu capable de prendre le jeu à son compte. Pire encore, jamais la Juve n’a pu régner en maîtresse des surfaces. Il est bien joli, avec sa dégaine de stoner et son air à admirer le Big Lebowski, mais jamais Storari ne sera Buffon, qui ne sera plus jamais lui-même. Matri, lui, est encore plus agréable à l’oeil de ces jeunes dames, mais avant qu’il ne devienne un tueur à gages, des tubes de laque vont couler sur ses tempes. Arrivé lui aussi au mercato, ce vieux beau de Luca Toni fait tout ce qu’il peut, sa capacité de fixation/conservation rendant encore quelques services, mais s’il savait marquer des buts à la pelle, il serait hollandais et s’appellerait Ruud Van Niistelrooy. Et ne parlons même pas de Iaquinta, quand Amauri a au moins eu la décence d’aller se faire voir chez les Parmesans. Faible dans les surfaces, (donc) perdue dans la construction, la Juve n’a plus de ligne directrice sur le gazon. Pire, elle semble tout autant paumée dans les couloirs de sa direction.

Après le Calciopoli, la Juve était censée reconstruire. Aujourd’hui, on a l’impression que les travaux ont été confiés à une bande d’abrutis qui empilent des briques sur une zone inondable. Ciro Ferrara avait été choisi pour jouer avec un dix, Diego, puis viré pour manque de résultats. Après l’intérim Zaccheroni et sa défense à trois, Del Neri a été embauché pour jouer avec deux ailiers et aller chercher la LDC. Résultat : strictement le même que Ferrara. Alors stagner pour stagner, pourquoi pas, mais pourquoi alors ne pas le faire avec un ancien de la maison ? Au moins la Juve aurait pu trouver là un semblant de tenue…

Car aujourd’hui, plus que les mauvais résultats, ce qui est inquiétant, c’est bien de voir la Juve se chercher une marche à suivre, mais aussi des excuses. Sont ainsi invoqués le manque de réussite, la blessure de Quagliarella, le temps qui passe et la faute à pas de bol… Certes, ce bas-monde est peuplé de circonstances atténuantes et l’écroulement de la Vieille Dame coïncide effectivement avec la blessure de Quagliarella (ce qui est troublant, et surtout très préoccupant, car si la Juve dépendait autant que ça de lui, elle va encore plus mal qu’on ne saurait l’écrire), mais de là à se vautrer de la sorte, il y a une limite que la Vieille Dame ne pensait jamais franchir. Car contrairement à ce que beaucoup croient, son credo n’a jamais été le résultat en lui-même, mais l’effort effectué pour l’obtenir. Ce qui explique effectivement qu’elle l’ait souvent emporté, avec une pelletée de buts dans les arrêts de jeu. Le Style Juve : faire les choses à fond, même les plus sales, puis les assumer. Demandez-donc à Moggi…

« Ceux qui sont arrivés ont fini par détruire toute la Juventus au lieu de la reconstruire. Il ne fallait pas une révolution, mais seulement deux ou quatre investissements de valeur. L’équipe a été très mal assemblée, sans personnalité ni qualité, tout comme le groupe précédant. Les coupables ? Qui a permis à Marotta d’acheter quinze joueurs ? Ce serait moi, je les revendrais tous sauf Krasic. Ils ont fait de la Juve une équipe provinciale capable de vaincre les grands, quand la motivation fait d’eux des patrons puis après capables de perdre contre n’importe qui, d’une très mauvais manière, et avec un manque de classe » . S’il n’y va jamais avec le dos de la cuillère, Luciano connaît toujours aussi bien son affaire. Tout est dit : l’accumulation de joueurs moyens, les victoires au forceps contre les gros, les défaites contre les petits ; le manque de motivation, de classe et de grands joueurs. D’ailleurs, Andrea Agnelli vient de demander une augmentation de capital à hauteur de 150 millions d’euros. Évidemment, Elkann lui a répondu que 50 millions suffiront. En attendant, Del Neri a été confirmé dans ses fonctions et les joueurs priés de se sortir les doigts. Ce samedi, c’est le Milan qui sera au rendez-vous, et dans tous les cas, les joueurs de la Juve énerveront une fois de plus leurs supporters. Soit ils gagnent, et les récentes défaites contre Lecce ou Bologne n’en seront que plus incompréhensibles ; soit ils perdent, et la chute continuera. Et cette fois, la Juve ne se cherchera plus d’excuse, mais un bouc émissaire…

Pardon d’avoir douté, Rayan Cherki

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