- Français de l'Etranger
«Jouer en Biélorussie, il faut oser !»
Pas retenu par le Stade Rennais après sa formation, Aurélien Montaroup, 24 ans, s'est exilé au Dinamo Minsk, chez les orthodoxes. Et ça marche puisque les recruteurs français et russes viennent observer la bête. Rencontre avec un type un peu fada. Ou visionnaire.
Vas-y Aurélien, essaie de nous vendre le foot biélorusse.
Branche-toi sur YouTube, tape « arbitre + Biélorussie » et tu vas tomber sur la vidéo d’un arbitre complètement bourré en plein match. Voilà, c’était ici, un an avant que j’arrive.
Ça t’a bien fait marrer, ok, mais partir jouer là-bas quand même…
J’avais un peu d’appréhension. Faut voir Minsk, c’est encore le communisme. Il n’y a pas grand-chose à faire : pas de magasins, policiers et militaires dans toutes les rues… A part eux, je ne croise presque pas de Biélorusses. Avec mon amie, on reste au chaud dans notre 85 m2 situé à dix minutes du centre d’entraînement, en pleine forêt. La plupart des joueurs vivent dans cette résidence qui appartient au président du club, l’homme le plus riche du pays.
Et le foot, ça vaut tripette ?
J’ai été désigné « Meilleur défenseur de Biélorussie » ! Le club veut prolonger mon contrat de deux ans. Des clubs français ont contacté mon agent mais je pense faire une autre saison ici. Y a aussi des recruteurs allemands et russes qui sont venus. J’ai fait une bonne saison mais je n’ai pas envie de rentrer trop tôt en France si c’est pour ne pas jouer. Ici, j’ai fait l’Europa League en Macédoine puis en Norvège. Et les deux premières divisions sont pro.
Vu les températures, ça joue sur synthétique ?
Pas besoin en début de championnat, il fait 18-20°C en avril. L’été, ça monte jusqu’à 26°C. Par contre en hiver, c’est du béton ! Une fois, tous les joueurs portaient des chaussures synthétiques, j’étais le seul en crampons. Bah j’ai vite compris : je rentrais dans le sol, un truc impressionnant tellement ça craquait sous mes pieds. Parfois, on dirait du water-polo. J’ai récupéré la vidéo d’un match, j’ai bien rigolé. Mais ces conditions rudes forgent un peu le caractère. Jouer en Biélorussie, il faut oser !
Y a du monde dans les stades ?
Comme ils sont petits, entre 6000 et 10 000 places, c’est souvent plein. L’ambiance est bonne, les supporters chantent jusqu’au bout, à l’anglaise, ça doit être la vodka. D’ailleurs, quand tu arrives à l’entrée des stades, il y a toujours un tas de bouteilles de bière vides. Ça les réchauffe assez pour qu’ils se foutent torse nu tandis que moi, je porte un collant sous le short.
Vous jouez même en hiver ?
C’est la trêve le 8 janvier et le championnat reprend début avril. En attendant, mes partenaires biélorusses jouent au futsal dans l’équipe du Dinamo puisque le club est omnisports. Ils se défendent aussi en hockey-sur-glace mais c’est un peu compliqué, une sorte de ligue avec les équipes d’ex-URSS…
Le niveau de jeu, c’est une blague ?
Bof, il y a seulement BATE Borisov qui aurait sa place dans le championnat de France. Les matches sont physiques, niveau Ligue 2. A Minsk, il y a quatre clubs mais le big match c’est contre Borisov. On a paumé chez eux devant 15 000 personnes, c’était bon. A Minsk, il y a quatre clubs mais ça va. Un soir après le match, je suis allé au resto en tenue du Dinamo. J’ai croisé des supporters d’une équipe rivale, ils m’ont regardé un peu de travers mais ils n’ont pas bougé. Ils sont costauds hein mais je n’ai pas eu peur.
Par contre, ça vaut sûrement le coup pour la thune ?
Je gagne plus qu’un joueur moyen de Ligue 2. Du coup, je refuse que ma copine travaille, ce n’est pas la peine avec le salaire moyen à 250 euros… En attendant, elle continue son Master en marketing via Internet.
Les clichés sur les salaires de footeux en Europe de l’Est, ça ne manque pas. Explique.
On le reçoit en liquide, de la main à la main. A la banque, il faut déposer les coupures en dollars, roubles, euros sur un compte biélorusse puis transférer vers la France, pffff. La première fois, c’était marrant, j’y ai passé deux heures et je ne comprenais rien. Depuis, j’y vais avec une traductrice.
Parce que le cyrillique, y a pas moyen ?
Je prends des cours pour comprendre un peu mais bon… Quand tu vois « РЕСТОРАН » comme enseigne, tu devines que c’est un resto ? Bah j’apprends à déchiffrer. La préparatrice physique du club parle bien français, elle vient souvent à la maison.
Tu as appris quoi sur la Biélorussie ?
Qu’ils sont très attachés à l’héritage de la guerre. Tu vois les gars fiers d’avoir gagné, ils sont heureux de te montrer les vestiges de l’époque. Sinon, les riches ont des datchas où ils se réunissent en famille. Et surtout, ils boivent beaucoup de bière. Ce sont de bons alcooliques. Leur vodka est bonne, j’ai ramené plein de bouteilles pour faire des cadeaux à Noël. Mes proches ont déjà goûté, ils ont adoré. Mais quand t’en bois un coup, ça t’arrache l’estomac.
T’as vu du racisme ?
Il y a pas mal de Serbes, Ukrainiens et Brésiliens et ça joue plus dur sur les étrangers, tu sens qu’ils ne les aiment pas trop. A Minsk, il n’y a presque pas de noirs. J’avais un coéquipier gabonais mais il est parti signer un gros contrat à Sivasspor. Eh ben mon Gabonais (sic), les adversaires appuyaient un peu plus sur lui hein ! Les joueurs locaux sont durs, sans pitié.
Par