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Jimmy Johnstone, Lord of the Wing

Par Florian Lefèvre
5 minutes
Jimmy Johnstone, Lord of the Wing

Du haut de son mètre 55, il a dribblé, dribblé, dribblé, régalé Celtic Park pendant treize saisons (1962-75) et œuvré au sacre suprême des Bhoys en Coupe des clubs champions. Lui, c'est Jimmy Johnstone. Portrait d'un working class hero.

Aller voir un match à Celtic Park, c’est visiter un temple. Où l’arrivée commune des fidèles vert et blanc sous les lumières d’une large voie piétonne, nommée The Celtic Way, fait figure de procession. Des bannières à la gloire des plus grands joueurs de l’histoire du club flottent tout autour de l’enceinte majestueuse. Devant la tribune principale, trône une statue de Jock Stein, avec une citation de ce dernier : « football is nothing without the fans » – « le football n’est rien sans les supporters » . Et Jimmy Johnstone est précisément celui qui a été élu « plus grand joueur de l’histoire du Celtic » par les fans du club, en 2002.

Un petit rouquin qui slalome entre des bouteilles de lait

James Connolly « Jimmy » Johnstone a grandi à Viewpark, dans la banlieue Sud-Est de Glasgow. Son père est mineur, sa mère vendeuse. « On était juste une famille ordinaire de la classe moyenne » , explique t-il dans Lord of the Wing, un documentaire que lui a consacré la BBC, il y a quelques années. Quand arrive le jour de sa rentrée à l’école primaire, à la fin des années 40, le dernier rejeton de la famille Johnstone s’adresse pour la première fois à la maîtresse en ces termes : « Quand est-ce que je pourrais jouer dans l’équipe ? » . L’équipe, c’est évidemment l’équipe de football de l’école. Et il ne mettra pas longtemps à en faire partie. À la maison, le petit rouquin a pris l’habitude de piquer les pompes de son père pour améliorer sa conduite de balle en slalomant entre des bouteilles de lait en verre. Son dribble court attire l’attention d’un scout de Manchester United. La meilleure équipe du Royaume ? Jinky préfère le Celtic.

À dix-sept ans, Jimmy Johnstone est repéré par son club de cœur. « On se demandait entre nous :« Mais, c’est qui, ce gars ? », lâche son coéquipier Tommy Gemmell, dans le documentaire de la BBC. Je suis sérieux, vous ne pouviez pas prendre la balle à Jinky. Et avant même de pouvoir se connaître, on était alignés ensemble à Celtic Park. » Son premier maillot vert blanc, le petit gars qui travaillait en tant que soudeur en parallèle du foot, l’endosse en mars 1963, au cours d’une raclée reçue à Kilmarnock (défaite 6-0). Mais il faut attendre la saison 65-66 pour le voir éclore au plus haut niveau. L’ailier droit virevoltant attire l’œil de Jock Stein, qui l’a repéré par hasard en allant voir un match de la réserve. Un coach avec lequel l’espoir au caractère bien trempé va construire une relation fusionnelle. « Le coach l’aimait comme un fils. Dans le vestiaire, c’était le seul joueur qu’il considérait presque comme un membre de sa famille » , assure Archie Macpherson, auteur de la biographie Undefeated : The Life and Times of Jimmy Johnstone.

Jinky a une peur bleue de l’avion. Alors voilà ce que son coach lui propose, quand les deux se retrouvent à se soulager côte à côte dans les toilettes de Celtic Park, à la mi-temps d’un match contre l’Étoile rouge de Belgrade : « Si tu es bon en seconde période, tu n’auras pas à prendre l’avion pour le match retour à Belgrade. » Deux minutes après le coup d’envoi, le numéro sept fait trembler les filets. Mieux, il martyrise les visiteurs et inscrit un deuxième but en fin de match : victoire 5-1. Jinky a gagné son pari. Le match retour ? « Le coach m’a dit :« Viens montrer aux gens de Belgrade qui est Jimmy Johnson ! »J’ai dit :« Pas moyen, tu m’as promis » » , se marre celui qui restera donc à la maison pour le match retour.

Jimmy Punchline

Pas un hasard si, en 1965-66, lors de la première saison pleine de « Tout petit Jimmy » – son autre surnom -, le Celtic retrouve le goût du titre national pour la première fois depuis plus d’une décennie. Champions d’Écosse, les Bhoys sont qualifiés en Coupe des clubs champions. La suite, c’est une épopée jusqu’en finale avec Jinky en fer de lance – les Nantais les moins jeunes s’en souviennent encore -, et une dernière marche face à la Grande Inter d’Helenio Herrera. « Dans le couloir, les joueurs de l’Inter étaient beaux, bronzés, les cheveux gominés et peignés en arrière, le sourireColgate. Nous, on n’avait pas de dents ! Quand ils nous ont souri, on leur a souri aussi, raconte Jimmy Johnstone. Ils ont dû croire qu’on sortait d’un cirque. » Mais ce sont bien les clowns, d’abord menés au score, qui vont chercher la victoire avec panache. En finale, Jinky est loin de son meilleur niveau ; qu’importe, il restera à jamais associer à la légende des Lisbon Lions : les premiers Britanniques vainqueurs de la C1, qui avaient tous la particularité d’être nés dans un rayon de moins de 50 kilomètres autour de Glasgow.

S’il fallait retenir une anecdote de la carrière titanesque de Jimmy Johnstone au Celtic (treize saisons en pro, 513 matchs, 135 buts), alors ce serait sûrement celle du 7 juin 1967. C’est le jubilé d’Alfredo Di Stéfano, à Santiago Bernabéu. Pour rendre hommage à l’un des plus grands de son époque, une rencontre est organisée entre le Real Madrid et le Celtic – invité en sa qualité de champion d’Europe. Ce match de gala devait saluer le futur Ballon d’or des Ballons d’or, mais le public madrilène n’aura d’yeux que pour cette mobylette sur patte venue d’Écosse. Et les « Olé ! Olé ! Olé ! » descendront des gradins en l’honneur de Jinky.

Jimmy Johnstone s’est éteint le 13 mars 2006, à l’âge de soixante et un ans. Si un penchant prononcé pour la bouteille avait mis un coup à sa santé à la fin de carrière, c’est une saloperie de maladie neurodégénérative qui l’a emporté à petit feu. « Malgré une grave maladie, le courage, la force et l’appétit pour la vie exprimée par Jimmy furent une inspiration pour tous ceux qui l’ont rencontré » , rend alors hommage son club de toujours. À la sortie de l’église, les écharpes vertes et blanches volent vers le corbillard. Aujourd’hui, Jinky a repris sa place de gardien du temple. Il est statufié au bout de The Celtic Way, aux côtés de son mentor Jock Stein.

Vidéo
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William Saliba défend la « Farmers League »
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Par Florian Lefèvre

Propos tirés du documentaire Jimmy Johnstone : Lord of the Wing

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