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J moins 101 : vive le bordel brésilien !

Par David Robert, à Rio, São Paulo, Cuiabá et Brasilia.
J moins 101 : vive le bordel brésilien !

Oubliez le cancre qui termine sa copie devant la porte, les miettes sous le tapis quand les invités arrivent et l’écriteau peinture fraîche qui fait désordre le soir du vernissage. L’organisation de la Coupe du monde au Brésil a dépassé ces clichés depuis belle lurette. So Foot vous propose le détail des travaux ville par ville, histoire de savoir où vous mettez les pieds en juin, et pourquoi les pauvres qui n’ont ni grands-parents ni livret A ont raison d’économiser pour les JO de 2016.

Autant passer tout de suite à la conclusion, on sait à quoi ça va ressembler :des files d’attente partout, à l’aéroport, aux bus, aux stades, quelques avions en retard pour les matchs, et des supporters qui râlent parce qu’ils ont raté un match payé un bras. Voilà la gueule du mois de juin. Des tas de petits problèmes soigneusement minorés par la FIFA et le COL, mais rien qui bouleverse fondamentalement l’événement ni vos vacances. Surtout si vous êtes à la Grande Motte. Concrètement, aucune ville-siège n’a la capacité de livrer le trio [stade + aéroport + transport urbain] dans les délais. Aucun aéroport n’est terminé à J-101, les appels d’offre de privatisation n’ayant été lancés qu’après l’élection de 2010… Quant aux transports urbains, on ne modernise pas un pays en 6 mois, surtout pas le Brésil. On entend par transports urbains les moyens basiques prévus pour accéder aux lieux touristiques et aux stades : routes praticables, couloirs de bus, métro, tram, etc. Et donc vos pieds, qui feront le plus gros du boulot.

Comment en est-on arrivé là ?

En juin dernier, les manifestations monstres réclamaient plus d’investissement dans les transports, et s’indignaient des efforts budgétaires réalisés pour des stades. Le Brésil, avec une mauvaise foi remarquable, met depuis lors ses dépenses somptuaires sur le dos de la FIFA et ses « standards » obligatoires pour les stades. La FIFA, de son côté, est prisonnière d’un Brésil qu’elle gronde chaque semaine depuis un an comme on crierait sur un gamin, avec le vague sentiment de s’y prendre trop tard. Blatter râle parce que « personne n’a eu autant de temps que le Brésil pour se préparer » , et il a raison. Là où il a eu tort, c’est en 2007, au moment d’imposer des standards FIFA à un pays qui en était beaucoup trop loin et qui, surtout, ne sait culturellement pas dire « non » . Mais qui sait dire, en revanche, quand c’est trop tard : « Désolé, mais on va devoir s’arranger autrement. » Bref, c’est l’histoire d’un patron de la FIFA qui n’avait jamais foutu les pieds au Brésil en dehors du Copacabana Palace. Alors on assiste aujourd’hui à une telenovela plutôt croquignole. Sepp Blatter et Dilma Roussef, c’est un peu comme Marcel Cerdan et Edith Piaf, l’amour en moins : y en a un qui cogne tout le temps ( « le Brésil devrait se bouger les fesses » ), mais l’autre chante la vie en rose ( « ce sera la Coupe des coupes (sic) » ).

Entre Jérôme Valcke et le comité organisateur local (COL) de José Maria Marin, c’est plutôt le mariage de raison, mais la presse internationale jette des pierres en guise de riz, témoin le pamphlet du Guardian daté du 16 février dernier. Pour chauffer encore l’ambiance, la FIFA a été élue « entreprise de la honte au Brésil » récemment par les internautes. Cerise sur la pièce montée, tous les grands anciens de la Seleção se lâchent peu à peu : Zico et Tostão critiquent les retards et disent comprendre les manifestants. Le sélectionneur Scolari la joue sympathique avec le peuple, Romario s’enflamme toutes les semaines (ça c’est normal), et même les ambassadeurs FIFA (Cafu, Ronaldo) avouent à demi-mot que tout n’est pas rose. Adriano, lui, le retard, ça l’arrange. Il voudrait plus de temps pour maigrir et draguer Scolari dans la presse. Ugly Betty, le retour. Et tout le monde de conclure que ce sera une belle fête, et ce sera évidemment le cas, mais l’addition va être insupportablement salée. Pour plus de détails sur la situation politique et sociale du Brésil, rendez-vous demain avec notre spécial J-sang (demain, on a dit).

Les villes où ça devrait le faire

Belo Horizonte :Stade : Avant-hier, deux morceaux de toit sont tombés sur les gradins (vides), à cause du vent. Des plaques de métal de 2m de long, 2h avant le match. Mais bon, ils ont dit que ce n’était pas grave et qu’ils répareraient rapidement… – L’aéroport : Seule la moitié des travaux prévus sera terminée. L’agrandissement des zones d’embarquement et débarquement sera livré en avril, mais le reste (salons, restaurants, systèmes de sons, sièges supplémentaires) ne sera installé qu’après la CM. – Routes & transports urbains : Avec plus de 3 Md de BRL (900 M d’€) d’investissement dans les routes, BH fait vivre un enfer de travaux à ses habitants, mais la majorité des viaducs, routes et BRT (systèmes de bus à couloirs privatifs) devrait être terminée en mai-juin. – Budget total des travaux : 5 Md de BRL (1,55 Md d’€), 50% public NB : ce qui est financé par l’initiative privée peut parfois faire l’objet de déductions fiscales, donc redevenir finalement un coût pour le contribuable.

FortalezaStade : ok. – L’aéroport, officiellement, sera prêt (mai). – Routes, couloirs de bus et nouveau port sont censées être livrés entre fin mai et début juin. Autant dire que s’il pleut trois jours de suite en avril, c’est foutu. Heureusement, le Ceara est l’état le plus sec du Brésil. – Budget total des travaux : 3 Md de BRL (933 M d’€), 50% public.

Porto-AlegreStade : Le stade livré présente quelques petits problèmes (écrans géants hors-service, accès, connexion internet, etc), vraisemblablement résolus pour l’inauguration officielle du 8 avril. La pomme de discorde sur les structures temporaires a été mangée le 21 février par le gouvernement fédéral, qui va aligner les 30 M de BRL (9 M d’€) manquants. Le coup de bluff du président du club de l’Internacional Porto Alegre a donc marché. Restent les routes d’accès au stade, encore en terre battue – pardon, en boue. Parce que juin à Porto-Alegre, c’est Bordeaux en novembre. Y a des bonnes surprises, mais c’est pas la norme. – L’aéroport : Les – petits – travaux prévus sont en retard. – Routes & mobilité urbaine : Peu d’investissements prévus, Porto Alegre ayant des infrastructures meilleures que la moyenne. Les rares travaux sont en retard et seront à moitié finis pour la CM. – Budget total des travaux : Près de 850 M de BRL (264 M d’€), 90% public.

BrasíliaStade : Le Mané Garrincha a coûté près de 2,8 Md de BRL à lui seul pour une capitale qui n’a pas d’équipe en 1re division. Mais il est prêt. Enfin presque, deux-trois détails, parce que la FIFA pinaille. – L’aéroport : Les travaux prévus sont en retard de 27 mois, mais devraient être finis pour la CM, triplant la capacité actuelle (de 14 à 41 millions de passagers). – Routes & mobilité urbaine : Le seul investissement prévu (un tram) a été reporté à une date postérieure à la CM. Mais comme le stade est en plein centre ville, et que tout le monde sera content de voir la seule ville du XXe siècle classée patrimoine mondial par l’UNESCO, prenez des bons souliers et ça ira. – Budget total des travaux : 4,2 Md de BRL (1,3 M d’€), 85% public.

Les villes dans lesquelles ce sera forcément le bordel

NatalStade : Inauguré fin janvier. – L’aéroport : 1er hub entièrement privatisé du Brésil, il est prévu pour être le plus grand d’Amérique latine. La deadline reste avril. – Routes et transports urbains : Le gouverneur a annoncé que l’artère principale de la ville ne serait pas prête. Idem pour les alentours de l’aéroport. Prévoir des bottes pour la boue. On déconne, c’est la saison sèche à Natal. – Budget total des travaux : 3 Md de BRL (933 M d’€), 85% public.

Rio de Janeiro Stade : Le Maracanã est livré, oui, après le feuilleton le plus délirant de toute la préparation : entièrement refait en 2007 pour un demi-milliard à l’occasion des jeux panaméricains, le stade le plus célèbre du monde n’a pas été rénové selon les standards FIFA. Alors 5 ans après, c’est 1 gros milliard supplémentaire. Et on ne parle pas des expulsions, des indiens, de la fermeture d’une école publique réputée… – Les aéroports : L’aéroport international de Rio est indigne d’une capitale touristique. Bâtiments vétustes, pistes en saturation à chaque pic touristique et paralysées à chaque pluie importante, il promet de bonnes tranches de rigolade. Des travaux sont en cours partout (parking, pistes, halls), dont une partie sera peut-être finie d’ici juin. L’aéroport local (Santos Dumont) est saturé un jour par semaine et à chaque jour de brouillard. Mais c’est sûr qu’un décollage face au pain de sucre fait oublier les misères, à condition d’être côté hublot. Et de décoller. – Routes & mobilité urbaine : Pour Rio, autant être honnête, l’objectif, c’est 2016. Avec le gigantesque projet de réhabilitation du centre ville prévu pour les JO (démolition du périph en hauteur qui contourne le centre le long de la baie), le centre de Rio sera splendide en 2016 (ou 2018). Mais pour l’heure, c’est un enfer (une file de bus ininterrompue) pour qui s’y risque… À la CM, il faudra compter sur la seule ligne de métro, déjà saturée en temps normal, qui dessert le centre. Solution trouvée par le maire : jour férié tous les jours de match, de façon que les travailleurs désertent le centre au maximum pour désengorger la ville. Prends ça, le PIB brésilien. – Budget total des travaux : 6,8 Md de BRL (2,1 Md d’€), 85% public. RecifeStade : Ok. – L’aéroport : Tout est à peu près fini, sauf… la tour de contrôle. Mais on se débrouillera, sans stress. – Routes & mobilité urbaine : Routes, aéroport, stade, trop facile. Recife a décidé de réhabiliter aussi le port à l’occasion de la CM. Trop ambitieux, du coup tout est en retard. – Budget total des travaux : 1,45 Md de BRL (500 M d’€), 100% public.

São PauloStade : Les deux morts après l’effondrement d’une grue ont jeté un léger froid sur l’ambiance et un gros doute sur les délais. Mais, foi de Valcke, ce sera livré le 15 mai. – Les aéroports : Le plus gros hub du pays est en pleins travaux pour s’agrandir encore, et être partiellement privatisé. Ce ne sera pas de tout confort d’y atterrir ou d’en décoller, mais ça ira. Après la Coupe du monde, ce devrait être très bien en revanche. Mais peu vous chaut, certes. – Routes & mobilité urbaine : São Paulo en temps normal, c’est une cousine de Mexico et une sœur du Caire, niveau bordel à perte de vue et enfer automobile. Du coup, si l’on considère que les seuls travaux prévus sur les routes sont en retard, on prend peur. Mais le stade est accessible par le métro, fiable, donc on parie que ça ira. – Budget total des travaux : 4,6 Md de BRL (1,4 Md d’€), 40% public (le nouvel aéroport, à 3 Md de BRL, est privatisé à 85%).

SalvadorStade : Ok. – L’ aéroport : Les travaux ne seront terminés qu’après la CM. Bousculades et retards à prévoir, mais on atterrira. – Routes & mobilité urbaine : Aaah, Salvador aux heures de pointes… Comme le stade est en plein centre, ce sera pénible, mais ça passera. Mais ce sera pénible. – Budget total des travaux : 862 M de BRL (268 M d’€), 100% public.

Les villes dans lesquelles on verra peut-être un match, mais à la télé de préférence

ManausStade : S’il n’est pas mangé par la forêt d’ici là, le stade sera prêt, tout juste. Inauguration repoussée trois fois, les cœurs avec les doigts de Dilma n’ont pas fait avancer les travaux plus vite. Valcke est « optimiste » , big up. – L’aéroport : Pas fini, mais pas loin. – Routes & mobilité urbaine : Ils ont tout repoussé à l’après-CM. C’était stressant ces délais, mais là ça va mieux, on respire. Ça va, vous ? – Budget total des travaux : 2,4 Md de BRL (700 M d’€) dont 50% public.

CuiabáStade : Le stade est presque terminé. En revanche, l’incendie de décembre, annoncé sans conséquence, se révèle plus problématique que prévu. Un audit a eu lieu fin février pour vérifier l’intégrité de la structure de béton. On attend toujours le résultat. Valcke est optimiste, à n’en pas douter. – L’aéroport : C’est un champ de boue qui vous accueille en ce moment à Cuiabá. Mais c’est la saison sèche, en juin. L’aéroport fait la taille d’une cuisine, mais il y a un joli perroquet peint sur le mur. Aucune nation majeure ne jouera à Cuiabá, du coup tout le monde s’en fout (Russie, Corée, Chili, Australie, Nigeria, Bosnie, Japon & Colombie). Et après on nous dit que le tirage est le fruit du hasard. – Routes & mobilité urbaine : Le tram est annoncé pour juin. Qui parie qu’il ne sera pas livré ? Tout est en retard, la ville est un nid de poule géant, les déviations feraient passer le labyrinthe de Thésée pour une version démo de Pacman. Heureusement qu’il n’y pas de Ferrari à louer à Cuiabá, sinon la route serait un cimetière de bas de caisse. – Budget total des travaux : 4,8 Md de BRL (1,5 Md d’€), 99% public.

CuritibaStade : C’est la grosse cote du pré-mondial ; finira, finira pas ? À chaque nouvel ultimatum de la FIFA, les ouvriers redoublent d’effort. Valcke est « optimiste » , les hôteliers de Porto Alegre aussi. – L’aéroport : Pas fini, mais pas loin. Concentrons-nous sur le stade, merci. – Routes & mobilité urbaine : Pas fini, mais pas loin. Mais concentrons-nous sur le stade, voulez-vous ? – Budget total des travaux : 950 M de BRL (295 M d’€), 85% public.

Total des travaux estampillés « Coupe du monde » sur les 12 villes : 38 milliards de reais brésiliens, soit près de 12 milliards d’euros, dont une petite moitié pour les stades. Ça reste légèrement moins que le PIB de l’Islande (chiffres 2012).

Sources : – Chiffres et délais : Portail officiel du gouvernement brésilien pour la Coupe du monde – Sur l’avancement des travaux, reportages exclusifs à Cuiabá, Rio, São Paulo et Brasília et site associatif. – Sur les autres villes et les autres points, presse nationale et internationale : O Globo, A Folha de São Paulo, O Estadão, UOL, Em, The Guardian, Le Monde, etc. – Autres sites associatifs et institutionnels d’information sur la CM, le site de la FIFA, le portail de suivi des travaux et un deuxième.

Par David Robert, à Rio, São Paulo, Cuiabá et Brasilia.

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