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Et si les meilleurs clubs d’outre-mer jouaient en métropole ?

Par Simon Butel
Et si les meilleurs clubs d’outre-mer jouaient en métropole ?

Trop loin, trop cher. Si des équipes ultramarines comme la Jeunesse sportive Saint-Pierroise n'ont pas grand-chose à envier sportivement à certaines formations de National 2 ou 3, leur plafond de verre reste inlassablement ce Régional 1 dans lequel ils sont confinés. Comment le briser ? Tentatives de réponse, à la vieille d'un seizième de finale de Coupe de France à Épinal potentiellement historique pour le club réunionnais, véritable institution locale.

Jura Sud, National 2. Thaon, National 3. Et enfin Niort, Ligue 2. Autant de scalps cloués au tableau de chasse de la Jeunesse sportive Saint-Pierroise cette saison. Autant d’exploits qui font dire à Elliot Grandin, son plus illustre licencié actuel, que le club réunionnais n’a pas grand-chose à faire en Régional 1, un championnat dont il a remporté les cinq dernières éditions et qu’il n’a jamais quitté depuis sa création en 1950. « De ce que j’ai vu cette année, la JS Saint-Pierroise possède le niveau pour jouer en National, nous confiait ainsi l’ancien Marseillais au sortir de la qualification de la JSSP sur la pelouse des Chamois niortais (1-2), le 4 janvier. Quand tu observes les échelons du football français, ce club n’est pas à sa juste place, car c’est une réelle institution à La Réunion. » Un statut qu’il a assez peu de chances d’étendre au-delà des frontières de l’île. Car à la façon d’une Miss Camping dont les parents refuseraient qu’elle truste des écharpes plus prestigieuses, les clubs réunionnais et ultramarins sont condamnés, au mieux, à végéter en R1. En DH, pour les intimes.

Le syndrome de Miss Camping

La principale raison à ce cantonnement est sans doute la même qu’invoquent les parents en question : la distance, avec tout ce qu’elle implique en matière d’organisation. « S’aligner avec les championnats français, ce serait trop compliqué en pratique, car il faudrait faire dix heures de vol pour chaque déplacement, récite Grandin. Mais dans le même temps, tu te dis que si la Saint-Pierroise était basée en France métropolitaine, elle ne serait pas en R1. » Où serait-elle, alors ? « Au niveau national facile » , avance Jonathan D’Export, le président de l’AS Ultra Marine, qui n’est ni un groupuscule d’extrême droite, ni une section de supporters des Girondins de Bordeaux, mais, à quelques joueurs près, l’unique club d’outre-mer basé dans la métropole, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) très exactement. « À La Réunion, il y a trois ou quatre équipes qui se démarquent vraiment en ce moment : la Saint-Pierroise, qui a le niveau N2, et l’AS Excelsior, la Jeanne d’Arc et l’US Sainte-Marienne, qui ont le niveau N3, liste le fondateur du club francilien, dont l’effectif seniors est à 80% composé de joueurs réunionnais. Je ne sais pas comment la Fédé voit ça, mais c’est sûr que des clubs d’ici (sic) peuvent jouer sur le territoire. »

La Fédé voit d’abord la chose avec les yeux de celle qui tient les cordons de la bourse. Et l’heure semble davantage aux économies qu’aux signatures de chèques du côté de la FFF, si l’on en croit le souhait de l’instance de ne réunir les clubs ultramarins et métropolitains qu’à partir du 8e tour de la Coupe de France à l’avenir, le 7e tour servant alors à filtrer des formations d’outre-mer opposées les unes aux autres dans une espèce de remake de la défunte Coupe des clubs champions de l’Outre-Mer (1997-2007). De l’argent, la Fédération en a, pourtant. Témoin, ce forfait de 6000 euros par déplacement alloué aux clubs corses évoluant – à leur demande – dans une poule éloignée géographiquement de l’Île de Beauté, ainsi qu’à chacun de leurs adversaires, dès lors qu’ils doivent traverser la France et la Méditerranée. C’est le cas cette saison du Sporting Club de Bastia, deuxième d’un groupe A de National 2 dominé pour l’heure par Sedan, et où figurent également Croix, club de la métropole lilloise, et les réserves du LOSC et de Lens.

La parenthèse africaine

Le trajet entre la Corse et les Hauts-de-France est dix fois inférieur à une liaison Réunion-France métropolitaine (1300 contre 13 000 kilomètres), certes. Mais sa distance reste comparable à celle séparant la Guyane de la Guadeloupe (un peu moins de 1700 bornes), deux autres DROM (départements et régions d’outre-mer) situés eux de l’autre côté de l’Atlantique, et de part et d’autre d’un troisième, la Guadeloupe. Une ligue réunissant les meilleures formations guyanaises, martiniquaises et guadeloupéennes pourrait-elle constituer une alternative crédible à une intégration, trop coûteuse, de ces équipes dans les championnats fédéraux disputés en métropole ? A priori non, l’argument financier ayant déjà eu raison en 2014 de la Coupe de l’Outre-Mer, née en 2008 sur les cendres de la Coupe des clubs champions de l’Outre-Mer. Organisée tous les deux ans en Île-de-France, la compétition opposant les sélections des meilleurs joueurs des ligues d’outre-mer était jugée trop coûteuse par la Fédé.

À défaut, c’est vers les confédérations voisines que La Réunion, la Martinique et la Guadeloupe, qui ont squatté le podium lors des trois éditions (2008, 2010, 2012) de l’épreuve, doivent se tourner. Adhérente de la Confédération africaine de football (CAF) au titre de membre associé depuis 1992, la Ligue réunionnaise de football est ainsi parvenue dès 1994 à placer ses meilleurs représentants dans les compétitions de clubs africaines. Si le CS Saint-Denis et la SS Saint-Louisienne se sont respectivement hissés en 1994 et 1997 en demi-finales de la Coupe de la CAF et de la Coupe des vainqueurs de coupe (fusionnées depuis pour former la Coupe de la confédération, l’équivalent africain de la Ligue Europa), les présences réunionnaises se sont raréfiées à partir de 2012. La dernière datant de 2017, année où la Saint-Louisienne s’est fait sortir dès le tour préliminaire de la Ligue des champions par les Sud-Africains du BidVest Wits FC. Deux explications à ces défections répétées : les déplacements sur le continent ne sont plus assez safe, et surtout trop chers.

L’exemple franciscain

Membres fondatrices – avec l’aval de la FFF – de l’Union caribéenne de football en 1978, et membres associées de la CONCACAF (Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes) depuis 1983, deux statuts partagés par la Guyane, les ligues de Martinique et de Guadeloupe voient, elles, depuis peu leur champion rallier le tableau amateur du championnat des clubs caribéens de la CONCACAF, dont le vainqueur affronte le quatrième du championnat professionnel pour une place en Ligue de la CONCACAF. Parmi les participants à la première édition de cette compétition qualificative pour la Ligue des champions nord-américaine, en 2018, on retrouvait ainsi le Club Franciscain. Une présence que la formation martiniquaise basée au François, la troisième plus grande commune de l’île, devait à son titre de champion amateur des Caraïbes et sa victoire en barrage face aux Trinidadiens du Central Football Club. S’il s’est arrêté dès leur entrée en lice en huitièmes de finale, le parcours des Franciscains en Ligue de la CONCACAF a de quoi inspirer la Saint-Pierroise, premier club réunionnais à avoir participé à la Ligue des champions d’Afrique (en 1994).

« Pour que le football réunionnais, nous y compris, progresse, il faut absolument s’ouvrir vers l’extérieur, sur le plan national et surtout le plan africain, affirmait ainsi récemment à l’AFP Christian Dafreville, entraîneur historique de la JSSP. La Coupe d’Afrique, ça compte beaucoup. Malheureusement, il faut beaucoup de moyens et nous ne les avons pas. » « C’est dommage, rebondit Jonathan D’Export. Quand vous voyez l’effectif de la Saint-Pierroise… Ils pouvaient faire un truc dans la compétition. » Et sur le plan national ? Aujourd’hui en Départemental 2, l’AS Ultra Marine rêve à terme de « R1 voire de N3 » . Un niveau qui, à défaut de pouvoir en faire un équivalent français de l’Athletic Bilbao, sous peine d’être taxé de discrimination, permettrait au club vitriot, actuel tremplin privilégié des Réunionnais de la métropole vers les clubs phares de l’île, d’offrir à ses meilleurs éléments une exposition nationale. En attendant, la Coupe de France reste le meilleur moyen pour les joueurs réunionnais de se montrer. Et pour la Saint-Pierroise, qui peut devenir samedi à Épinal la première équipe ultramarine à rallier les huitièmes de finale de la compétition, d’étendre à tout l’outre-mer et à la métropole son statut d’institution.

Par Simon Butel

Propos de JD recueillis par SB

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