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Didier Zanetti : « Quincy Promes aurait sa place dans n’importe quelle équipe de Ligue 1 »

Propos recueillis par Olivier Bassy
10 minutes

Être français et entraîner des stars dans un pays du Golfe quand on n’est ni Laurent Blanc ni Christophe Galtier, ce n’est déjà pas banal. Mais entraîner deux équipes professionnelles à la fois, c’est carrément du jamais-vu. C’est pourtant ce que vit Didier Zanetti du côté du Dubaï United FC.

Didier Zanetti : « Quincy Promes aurait sa place dans n’importe quelle équipe de Ligue 1 »

Parti aux Émirats arabes unis l’été dernier, Didier Zanetti s’est retrouvé à coacher non seulement l’équipe réserve du Dubaï United FC (4e division), mais aussi, au bout de quelques mois, l’équipe première (2e division) avec des anciens internationaux comme Adrien Silva (Portugal, ex-Monaco) et Quincy Promes (Pays-Bas, ex-Ajax). Une situation atypique pour un technicien de 45 ans dont le parcours l’est tout autant. Ancien directeur du centre de formation d’Istres, passé ensuite par Montpellier (U17 Nationaux) puis l’AC Ajaccio (équipe réserve en National 3), ce Marseillais de naissance, fan de Luis Enrique, n’avait encore jamais dirigé de groupe professionnel. Il aura donc pris double dose cette saison – avec une certaine réussite en outre. Et il en redemande !


Coacher deux équipes professionnelles en même temps, qui plus est aux Émirats arabes unis, ce n’est pas commun…

Oui, c’est un peu atypique. (Rires.) Ce n’était pas prévu, comme vous pouvez l’imaginer. Ce sont les circonstances qui ont fait que… J’avais été appelé en début de saison par Jean-Marc Nobilo (ex-Le Havre, Laval et Paris FC, entre autres, NDLR), qui me connaissait un peu, pour m’occuper de l’équipe réserve du Dubaï United FC, ce qu’on appelle le groupe Pro2, qui joue en 4e division. Aux Émirats, les quatre premières divisions sont professionnelles. Jean-Marc, lui, coachait l’équipe première, en 2e division. Mais, au bout de quelques semaines, il a quitté le projet pour une opportunité au Raja Casablanca. Le coach qui l’a remplacé n’obtenait pas de résultats, donc, assez vite, avant Noël, on m’a demandé de prendre les rênes. Cependant, j’ai tenu à garder la Pro2. Les deux effectifs étant liés, il y avait beaucoup de mouvements entre les groupes. J’ai préféré rester en poste sur les deux équipes pour garder la main sur l’ensemble. J’officiais comme un manager à l’anglaise, en quelque sorte, coachant deux matchs par week-end et menant des doubles séances tous les jours.

Mes principes de jeu ? Les mêmes que Luis Enrique au PSG : un football protagoniste, basé sur la possession, l’agressivité et un pressing très haut à la perte du ballon.

Didier Zanetti

Comment s’organise-t-on dans ces cas-là ?

À Dubaï, il fait 40 degrés entre 10h et 17h, donc impossible de s’entraîner à ces heures-là. On consacrait donc les matinées à la Pro2 et les fins de journée à la Pro1. La particularité, ici, c’est que les joueurs locaux ont tous un travail en parallèle. En plus de leur contrat de footballeur professionnel, ils travaillent, le plus souvent dans l’administration, la police ou les aéroports. C’est particulier, mais très avantageux pour eux. Les étrangers, eux, sont à temps plein dans le football. Les joueurs de la Pro1 arrivaient donc vers 15h pour les soins, l’échauffement, puis on pouvait faire la séance. Tout était bien orchestré.

Et le week-end ? Deux matchs à gérer, ce n’est pas trop lourd ?

Honnêtement, je pensais que ce serait plus dur. De toute façon, je ne voulais pas abandonner la Pro2. On a renforcé le staff de la Pro2 avec deux Français, ce qui me permettait de me concentrer sur l’aspect tactique et le coaching. Et mon projet de jeu était clair, appliqué à toutes les équipes, ce qui facilitait la transition des joueurs. Une fois que tout le monde a été aligné sur les principes, cela a bien fonctionné.

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C’est quoi ces principes de jeu ?

Les mêmes que Luis Enrique au PSG ! (Rires.) Un football protagoniste, basé sur la possession, l’agressivité et un pressing très haut à la perte du ballon.

Comme pour le PSG, cela a plutôt bien fonctionné…

Nous avons été champions de 4e division avec la Pro2, en étant invaincus, avec 28 victoires et 4 nuls, ainsi que la meilleure défense. Cela a été un peu plus frustrant avec la Pro1, puisque nous terminons 4es (le championnat s’est achevé fin mai, NDLR), à quelques points des 2 premières places qui nous auraient permis de rejoindre la Pro League (Division 1). J’ai repris l’équipe alors qu’elle était 11e (sur 14), on a performé très vite, battu le leader chez lui 3-0 notamment, mais ça n’a pas suffi à rattraper notre retard. On termine meilleure attaque du championnat. En revanche, notre jeunesse en défense nous a parfois coûté cher. Mais c’est aussi l’objectif de développer des jeunes. Et puis, il y a également une particularité, ici : l’obligation de faire jouer cinq joueurs locaux dans le onze, et ce, pendant 90 minutes, même en cas de remplacement. Bizarrement, ce n’est pas le cas pour la Pro2, où l’on peut avoir un onze entièrement étranger.

Quincy a eu des petits démêlés en Europe, c’est pour ça que le club a pu le récupérer. Mais, sincèrement, il aurait sa place dans presque n’importe quelle équipe de Ligue 1.

Didier Zanetti

Quel était le profil de l’effectif de Pro1 ?

On a pas mal de jeunes africains, qui viennent du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Ghana. Un attaquant argentin aussi. Et beaucoup de joueurs locaux, donc. Et puis, deux stars : Adrien Silva (36 ans), champion d’Europe 2016 avec le Portugal, passé par Monaco et Leicester notamment, et Quincy Promes (33 ans, 50 sélections en équipe nationale des Pays-Bas). Eux deux, c’est le très haut niveau. Quincy a eu des petits démêlés en Europe*, c’est pour ça que le club a pu le récupérer. Mais, sincèrement, il aurait sa place dans n’importe quelle équipe de Ligue 1.

Le niveau sportif aux Émirats est tout de même assez éloigné de celui de la Ligue 1, non ?

C’est très difficile de comparer, car avec l’obligation d’aligner des joueurs locaux, il y a une grande disparité au sein des effectifs, largement plus qu’en France. Ici, j’avais des joueurs de Ligue des champions, donc, et d’autres qui ont un niveau disons équivalent au National 2, voire National 3. On oscille entre ces niveaux, avec parfois de très gros écarts. C’est surtout sur le plan tactique que ça pêche. Mais ils apprennent très vite. Les joueurs émiratis sont très disciplinés et très bien éduqués. Ils ont tous fait de hautes études, c’est remarquable. D’ailleurs, ils ont tous un excellent niveau d’anglais, ce qui m’a facilité la tâche, même si, de mon côté, je suis arrivé avec un anglais assez scolaire… Heureusement, à force de parler, on se débrouille vite.

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Côté salaires, en revanche, le niveau doit être plus proche de la Ligue 1 ?

Là encore, c’est très disparate. Pour les locaux, c’est l’équivalent du bas de tableau de Ligue 2 ou haut de National. Pour les étrangers, on est plus proche de la Ligue 1, oui, de clubs comme Lorient, Metz, le Paris FC, Toulouse ou Saint-Étienne… Les stars, elles, peuvent toucher des bons salaires de Ligue 1 sans problème.

Et pour un entraîneur ?

Personnellement, mon salaire correspond à un bas de tableau de Ligue 2. En Pro League, c’est sûrement un peu plus. Un entraîneur comme Paulo Sousa (passé par Bordeaux en 2019-2020, notamment, NDLR), qui dirige le Shabab Al-Ahli (qui a terminé champion des Émirats) doit, lui, gagner beaucoup plus.

Ce n’est donc pas pour le salaire que vous vous êtes embarqué dans cette aventure ?

Pas du tout, en effet. C’est vraiment grâce à Jean-Marc Nobilo. Moi, j’ai eu un parcours de joueur amateur, de niveau national. J’ai commencé à entraîner dès l’âge de 19 ans à Istres, tout en jouant pour l’équipe réserve. C’est comme ça que je me suis retrouvé à diriger le centre de formation d’Istres, avec tout à construire, dans les années 2004, 2005. J’y suis resté 15 ans. Puis Francis De Taddeo (ex-Metz, notamment) m’a emmené à Montpellier. J’y ai passé quatre ans avec les U17 nationaux (2019-2023). Je suis ensuite parti coacher la réserve de l’AC Ajaccio, en National 3 (2023-2024). C’est à ce moment-là que Jean-Marc m’a proposé ce projet à Dubaï. C’était l’opportunité de tester ma méthode avec un groupe pro. Et, je suis content, car j’ai eu des réponses positives.

Ce projet de jeu que vous portez, il vient d’où ?

De mon parcours. Enfant, j’habitais à Marseille, j’ai eu l’occasion de voir beaucoup de grands matchs au Vélodrome. Et puis, ensuite, comme j’ai vite basculé dans le coaching, j’ai commencé à observer. Guardiola, Bielsa, Wenger… je me suis retrouvé dans leurs idées. Aujourd’hui, j’admire ce que fait Luis Enrique à Paris. J’aime bien aussi Nagelsmann pour son football agressif et dominant. Je m’inspire de cette école de pressing et contre-pressing, d’un jeu collectif qui contrôle le territoire. Il ne faut pas jurer que par cela, mais avoir la possession, c’est très important pour moi. Cette saison, par exemple, nous avons eu plus de 60% de possession sur chacun de nos matchs. Sauf un, car on a été rapidement réduits à 10. Mais, on est quand même resté au-dessus des 50%.

Bien sûr que l’expérience d’un grand joueur donne une légitimité, mais entraîner cela s’apprend. Or, passer par les échelons inférieurs, cela permet de construire des convictions.

Didier Zanetti

Maintenant que vous avez goûté au monde professionnel, vous avez forcément l’envie d’y rester ?

Oui, notamment pour valider mon expérience avec un diplôme UEFA Pro, idéalement le BEPF en France. Aujourd’hui, je ne pourrais pas coacher une équipe professionnelle en France ni dans la plupart des pays d’Europe. C’est la particularité de notre métier, il faut ce diplôme pour pouvoir entraîner à haut niveau, mais sans prérequis vous ne pouvez pas avoir le diplôme. Or, sans diplôme, vous ne pouvez pas non plus avoir les prérequis. C’est compliqué. Il faut demander une dérogation ou avoir la chance d’être nommé sans diplôme, un peu comme Pierre Sage à Lyon. D’ailleurs, je suis très heureux de voir qu’il signe à Lens. Pierre a ouvert une porte qui, je l’espère, va rester longtemps ouverte.

On a l’impression, justement, que de plus en plus de dirigeants français s’ouvrent à des entraîneurs passés par les échelons inférieurs. Il y a Pierre Sage, donc, mais aussi Franck Haise, Régis Le Bris ou encore Stéphane Le Mignan…

Oui, j’ai cette impression aussi. Et j’en suis ravi. Dans d’autres pays, comme l’Allemagne ou le Portugal, cela fait longtemps que l’on voit cela. Il y a aussi l’exemple d’Arrigo Sacchi, en Italie, sans doute l’un des pionniers. Il avait eu cette phrase célèbre : « Je ne savais pas qu’il fallait avoir été cheval pour être jockey. » Je la trouve très appropriée. Bien sûr que l’expérience d’un grand joueur donne une légitimité, mais entraîner cela s’apprend. Or, passer par les échelons inférieurs, cela permet de construire des convictions. Moi, j’ai commencé à 19 ans, cela a été un long chemin, mais ça m’a permis de me forger.

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Vous qui avez coaché à deux échelons simultanément cette saison, c’est si différent que cela de passer du niveau amateur/semi-pro au niveau professionnel ?

Ce qui change, c’est tout ce qu’il y a autour. Vous devez être manager, gérer le contexte – dans lequel les attentes sont plus élevées. Si vous ne le faites pas, vous ne protégez pas le cœur de votre métier : le terrain. Mais, concernant le rectangle vert, c’est la même chose, quel que ce soit le niveau. Cette saison, j’ai réussi à imposer mes méthodes de jeu aussi bien à l’équipe Pro2 qu’à l’équipe Pro1. Je dirais même que c’est plus facile avec des joueurs d’un meilleur niveau, parce qu’ils comprennent plus vite et que, si vous arrivez à les emmener dans le projet, ils vont vous aider.

Vous comptez recommencer la saison prochaine ?

J’aimerais bien rester au club, en tout cas. J’ai encore un an de contrat, j’ai eu de bons résultats, donc je pense être bien placé. Mais on ne sait jamais. Il y a beaucoup de rumeurs. Les dirigeants ont de l’ambition et on entend dire qu’ils pourraient vouloir recruter un grand nom, donc, on verra. Ils aiment bien les stars ici ! (Rires.)

Quincy Promes va enfin pouvoir jouer en D2 émiratie

Propos recueillis par Olivier Bassy

* Quincy Promes a été condamné à 18 mois de prison pour avoir poignardé son cousin, mais aussi à six ans d’emprisonnement pour trafic de cocaïne ; portrait à lire dans le numéro 215 de So Foot.

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