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Dean Wells, hooligan repenti

En 2010, Dean Wells, alors défenseur central d'un club amateur anglais, participe à une baston générale entre supporters. Condamné à un an de prison, il a retrouvé le chemin des terrains après avoir purgé sa peine. Récit d'une rédemption, entre alcoolisme, hypnose et interdiction de stade.
« On est allés à Londres pour boire, et la bière nous est vite montée à la tête. Un pote a vu quelque chose sur Facebook, et en deux secondes, c’était organisé. Quelqu’un a eu la brillante idée de les rencontrer à Liverpool Street Station et ça a vite dégénéré. » Les explications sont celles d’un footballeur à part. Dean Wells, la trentaine et une dégaine à faire pâlir tout les hipsters d’outre-Manche, a arpenté les terrains et les bars anglais. Le défenseur tente aujourd’hui de se défaire de son furtif passé de hooligan. En mai 2010, il participe à un fight organisé entre les supporters de Brentford et Leyton Orient. À l’époque capitaine de l’équipe amateur de Hampton and Richmond Borough, Wells est condamné à un an de prison et à une longue interdiction de stade suite à cette baston générale. Depuis, il poursuit sa réhabilitation et a même retrouvé les terrains, à Stevenage, sous les ordres d’un certain Teddy Sheringham.
Interdit de stade pendant sept ans
L’histoire d’amour entre Brentford et Wells débute très tôt. En octobre 2003, Dean Wells fait sa première et dernière apparition pour son club formateur. Libéré par le club qu’il supporte, le défenseur central rejoint Hampton and Richmond Borough en 2004. Loin des terrains professionnels, Wells dispute l’Isthmian League, championnat régional qui regroupe des équipes amatrices de Londres, de l’Est et du Sud-Est du royaume. Avec le club de la banlieue d’Hampton, Wells remporte un titre lors de la saison 2007-2008 et connaîtra les joies de la montée en Conference South. Jusqu’ici, une carrière faite de terrains boueux et de troisièmes mi-temps, pour celui qui est devenu capitaine des « Beavers » lors de la saison du titre. Mais une soirée arrosée va changer la trajectoire du natif d’Isleworth. Ce 8 mai 2010, il n’y a pas grand-chose à fêter. C’est la dernière journée du championnat pour Brentford, club de ses premières amours. Son équipe actuelle d’Hampton vient de perdre en finale de play-off face à Hayes & Yeading United. Wells part donc en week-end à Londres avec quelques amis. Brentford affronte Hartlepool. Non loin de là, Leyton Orient joue à la maison face à Colchester. Le moment choisi par certains supporters pour organiser une baston dans les rues de Londres. Le rendez-vous est donné sur Facebook. Parmi les hooligans de Brentford se trouve le puissant défenseur Dean Wells. Environ quarante supporters participent à ce fight à coups de bouteilles et de barres de fer. « Je suis un amoureux du football, et tout ceux qui me connaissent savent que j’ai une passion démesurée pour Brentford. C’est mon club de cœur depuis mes quatre ans. Mais un jour, c’est allé trop loin » , affirmait Wells dans les colonnes du Non-League Paper. L’embrouille est filmée, et en 2011, Wells est condamné à un an de prison et se voit infliger une interdiction de stade de sept ans.
« Ma tante cuisine mieux que ma femme »
Ce qui ressemble à une triste et prématurée fin de carrière va pourtant lui servir de rédemption. Après six mois en taule, Wells est libéré. Son interdiction de stade est réduite à deux ans. Le défenseur rechausse les crampons et rejoint le club de Staines Town. Quatre petits matchs et un mois plus tard, le club de Braintree Town vient à la rescousse de Wells. Le président du club, Lee Harding, expliquait ce recrutement pour la BBC Essex : « Sa condamnation, c’est du passé. On regarde vers l’avenir et on lui donne une nouvelle chance. Il a payé pour les crimes qu’il a commis. » Alan Devonshire, alors entraîneur de Braintree, connaît l’homme par cœur. C’est même lui qui l’a recruté alors qu’il dirigeait Hampton and Richmond Borough. Problème, le défenseur est toujours interdit d’approcher d’un stade s’il ne joue pas : « On a fait appel de l’interdiction de stade et le fait que je sois semi-pro m’a sauvé. Je pouvais aller au stade seulement si je jouais. Si je ne participais pas au match, je devais rester chez moi » , racontait le défenseur central anglais au Non-League Paper. Et d’ajouter : « Cette interdiction de stade m’a tué. Je ne pouvais pas aller voir Brentford ! Je regardais tout à la télévision. Je n’ai pas pu aller à Wembley pour la finale des play-offs de League One en mai. Ça m’a vraiment fait mal. » En même temps, Wells reprend son travail de concierge dans une école.
Au sein du club, il occupe aussi une place particulière en devenant le chauffeur de l’entraîneur : « Dev est plus qu’un entraîneur. C’est un ami qui a fait des choses incroyables pour m’aider cette année. Il m’a sorti de ma sale période. Je le lui rends en quelque sorte en étant son chauffeur » , expliquait Wells pour le journal qui couvre le football amateur anglais. En avril 2014, le père de deux enfants raconte sa nouvelle vie à la BBC Essex, après une victoire écrasante face à Southport : « Normalement, j’ai un jour de repos après un match à l’extérieur. Cette fois-ci, je n’en ai pas eu. J’ai travaillé de sept heures à midi. J’ai quitté l’école dix minutes avant pour récupérer mon déjeuner chez ma tante, qui cuisine mieux que ma femme. Ensuite, je dois aller chercher le coach à 12h15. Après cette superbe victoire, j’étais fatigué mais heureux. Sur le chemin du retour, le coach a conduit, mais je n’ai pas pu dormir, certainement à cause des boissons énergétiques que j’ingurgite. »
Hypnose contre addiction aux jeux d’argent
Un ancien hooligan qui ne sait pas se faire à manger donc. Et qui travaille pour soigner son problème d’alcoolisme : « J’étais égaré pendant une bonne partie de ma vie. Je buvais trop et je voulais abandonner le football. Mais j’ai guéri, et je suis au mieux » , confessait-il au Non-League Paper. Les problèmes de boisson mis de côté, Wells s’attaque à cette fâcheuse manie de parier. « Un ami m’a conseillé l’hypnose. Je savais que je n’avais rien à perdre, donc j’ai tenté. J’étais sceptique, mais depuis, je n’ai pas parié une seule fois. J’avais même peur au début, mais je le recommande à tous ceux qui voudraient se défaire d’une mauvaise habitude » , explique Wells dans le journal anglais. Aussi, le joueur doit son retour sur les terrains au travail effectué en prison : « Grâce à la prison, j’ai perdu quinze kilos. C’est pour cela que je peut jouer à ce niveau-là (en Conference Premier, ndlr). Je peux bouger plus facilement. Cela me rend heureux qu’on ne me traite plus de gros porc dans les tribunes » , ironise le défenseur central.
De retour de l’enfer, Dean Wells a rejoint le club de Stevenage (en 2014, pour un transfert d’environ 30 000 euros). Le club entraîné par le légendaire Teddy Sheringham évolue en League Two. Un retour au professionnalisme pour Wells après sa brève expérience en début de carrière : « J’ai commencé à Brentford, et j’ai stupidement tout gâché. Je suis plus vieux et plus sage, je sais que j’ai beaucoup à donner » , déclarait-il après sa signature. Un changement noté par le président du club, Phil Wallace, sur le site officiel du club : « Dean commence sa carrière professionnelle sur le tard. Mais il a impressionné notre cellule de recrutement et notre entraîneur Graham Westley. Il est enthousiaste et déterminé. C’est ce que l’on cherche. » De son côté, Wells revient sur le triste épisode qui aurait pu briser sa carrière : « Bizarrement, aller en prison est la meilleure chose qui a pu m’arriver. Je ne glorifie pas ce que j’ai fait, mais cela a été la parfaite piqûre de rappel. J’avais besoin d’une grosse claque dans la gueule. Les six mois en taule m’ont remis la tête en place » , affirme-t-il pour le Non-League Paper. Depuis, Wells a même eu l’occasion d’affronter Leyton Orient (sur le terrain cette fois-ci). Résultat, trois à zéro pour Leyton.
@doreruss haha just, just hope the crowd are polite to me😬
— Dean wells (@Wellsey19) 17 Août 2015
Aujourd’hui, Stevenage et son ancien taulard occupent la dix-septième place du championnat. Son fils Joe a lui intégré les rangs de la Brentford Academy. « Tel père, tel fils » ?
Comment jouer contre une équipe traumatisée ?Par Ruben Curiel