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Bruno Soriano, amiral oranger du sous-marin jaune

Par Robin Delorme, en Espagne
Bruno Soriano, amiral oranger du sous-marin jaune

Fidèle parmi les fidèles de Villarreal, Bruno Soriano en est également le capitaine. Un statut qu’il doit à sa décennie en équipe première, mais également à ses racines régionales. Car, un temps ouvrier du BTP et cueilleur d’oranges, il n’a jamais oublié son Castellon natal et rural.

Brassard autour du biceps, Bruno Soriano troque son fanion de Villarreal contre celui du Real Madrid. Un échange d’avant-match habituel pour le capitaine du Submarino Amarillo qui, pourtant, tire la gueule. Normal, en ce 17 août 2012, l’adversaire madridista répond au nom de Castilla, et la division renvoie à la Liga Adelante. Descendu par surprise avec son club de toujours, le natif d’Artana joue, lui, la carte de la fidélité : « À cette époque, les coéquipiers qui avaient reçu des offres sont partis. L’équipe était dépeuplée. Moi, ce que je voulais, c’était qu’elle soit compétitive pour remonter en un an. J’avais 28 ans, je ne pouvais pas perdre trop d’années en Segunda. » Ce calvaire prend fin dès la fin de l’exercice, et « une explosion de joie lors du coup de sifflet final à Almería » . Déjà international espagnol et référence sportive du Madrigal, il devient alors un demi-dieu aux yeux d’une aficion qui le lui rend bien. Pour son entraîneur, il s’agit tout bonnement « de l’un des tout meilleurs au monde » : « Je ne crois pas qu’Arsenal, City, Madrid ou Barcelone aient des joueurs de ce niveau. Un, peut-être, deux, sûrement pas. »

Orangers, BTP et chaussures de Riquelme

Loin des mégalopoles anglaises et espagnoles, Bruno Soriano grandit à Artana. Petite bourgade de la province de Castellon, « elle est entourée de montagnes et peuplée par toute la faune et la végétation de la Sierra de Espadan » , définit-il dans les colonnes du Pais. Un panorama dont il ne veut jamais se défaire, pas même quand le grand club de la région toque à la porte. Après deux saisons au centre de formation de Villarreal, il décide, contre toute attente, de revenir dans son village natal : « Le club voulait que je reste habiter à la résidence sportive. Lorsque j’avais 16 ans, le football n’était pour moi qu’un divertissement. Pour moi, le plus important était d’être avec la famille et mes amis, de sortir et de profiter de la vie. » Un choix de vie qui, en marge de ses matchs dominicaux au niveau régional, s’accompagne d’un job ancestral dans le Castellon. Ouvrier agricole dans une plantation d’oranges, il passe également du temps à aider son père, artisan dans le BTP. Son retour à l’anonymat n’empêche pas le sous-marin jaune de garder un œil sur lui. Tant et si bien qu’à l’année de sa majorité, il intègre l’équipe C de Villarreal.

Loin de changer de vie ou de personnalité, Bruno Soriano enchaîne les allers et retours avec Artana. Entre deux repas avec les amis et la famille, il se retrouve rapidement propulsé dans les entraînements de l’équipe première. Un changement de statut qui ne lui fait pas tourner la tête. Aux côtés de Riquelme, Senna et consorts, il apprend. Et se pare de quelques cadeaux : « Riquelme et moi, nous avions la même pointure. Je n’avais pas de marque qui me sponsorisait et les chaussures coûtaient extrêmement cher. Je lui ai proposé de lui en racheter à moitié prix, mais lui m’a dit que je pouvais prendre celles que je voulais. » Habillé par les soins de sa majesté du Madrigal, il en devient même un acolyte, puisque l’entraîneur d’alors, Manuel Pellegrini, voit en lui un milieu de contencion (milieu piston, relayeur). Une surprise, puisque, considéré comme chétif par ses formateurs, il évoluait auparavant aux postes d’ailier ou d’attaquant : « Mon corps n’était pas tout à fait développé, justifie aujourd’hui la sentinelle de Villarreal. J’étais encore un enfant et j’avais du mal à tenir le choc. Jusqu’au jour où j’ai décidé de changer. »

« En août, c’est la fête communale, un événement génial »

Du tout au tout, le Chilien transforme ce poids plume offensif en chien de garde défensif. Une mutation à laquelle il se plie sans broncher : « J’ai le même poids depuis des années : 73 kilos (pour 1m84, ndlr). Il y a des joueurs beaucoup plus lourds à ce poste et qui sont de très bons récupérateurs. Ce n’est qu’une question mentale. Si tu t’appliques et que tu penses que tu peux le faire, tu y arrives » Une recette miracle, à défaut d’être novatrice, qui lui permet de gagner une place de choix dans le onze de Pellegrini. Les saisons allant, il devient même un indiscutable et presse Vicente del Bosque, aux lendemains du Mondial sud-africain, de faire appel à lui. Un statut d’international qu’il retrouve cette saison en doublure de l’inamovible Busquets, avec qui il partage plus qu’un poste. « Je suis un joueur d’un seul club, et cela plaît beaucoup, concède-t-il presque gêné. Mais ce qui me plaît beaucoup, c’est de revenir dans mon village quand j’ai du temps libre. En août, c’est la fête communale, un événement génial. »

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