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Fouad Brixi, la mauvaise blague belge

Par Adel Bentaha et Alexis Rey-Millet
6 minutes

C’est l’histoire d’un joueur algérien, formé en Belgique, et qui était censé signer à l’Espanyol. Son nom : Fouad Brixi. Problème : il n’existe pas.

Fouad Brixi, la mauvaise blague belge

Fouad Brixi est un ailier de 21 ans, passé par les jeunes de Charleroi, du FC Brugeoise et du RSC Tilffois dans les basses divisions belges. Il est « d’origine algéro-irakienne » plutôt technique, et très suivi sur les réseaux sociaux pour un parfait inconnu : son compte Instagram, FB11, a pété la barre des 100 000 followers. Début août, une compilation à son nom est publiée par AV Sports Management, une agence de joueurs. On peut y voir Brixi en match ou à l’entraînement faisant l’étalage de ses fulgurances techniques ou encore différents liens vers ses clubs respectifs. Cela tombe bien, car le premier momentum de la carrière de ce crack en puissance est en passe de se produire : la signature de son premier contrat pro à l’Espanyol, en Liga. La communauté algérienne – qui voit la presse spécialisée sur le football algérien lui emboîter le pas –, s’empresse de relayer et commenter l’émergence d’une nouvelle étoile. Le seul problème, c’est que Fouad Brixi n’existe pas.

Faux club et joueur de Milwall

Très vite d’ailleurs, plusieurs incohérences commencent à apparaître par ses années de formation. Comme le rapportent nos confrères belges de La DH, l’entraîneur ainsi que plusieurs joueurs de l’époque au RSC Tilffois ont expliqué n’avoir jamais croisé de leur vie ni à l’entraînement ni en match ce fameux Fouad Brixi. L’enquête pousse alors les suiveurs du phénomène à décortiquer chacune de ses publications. Première douille : les photos illustrant Brixi sont en réalité celles de Mihailo Ivanović, attaquant serbe de Milwall. Pour la compilation vidéo ? Idem. Il s’agit de dribbles et buts signés Ivanović, lorsqu’il évoluait à Vojvodina, chez lui, en Serbie. Sur ce coup, Brixi s’était d’ailleurs débrouillé pour ne publier que des extraits où le joueur est filmé de loin ou dos à la caméra, histoire d’éviter de révéler trop rapidement au monde qu’il n’était qu’un mythomane. Concernant l’identité de Fouad Brixi, là aussi, c’est le bordel. Certaines vidéos laissent à penser qu’il est né le 17 avril 2004, quand d’autres indiquent que c’est le 22 mai 2004, tandis que le site du supposé FC Brugeoise affiche le 17 mai 2005… ou simplement 2003. Question nationalité, même combat puisque Brixi est algéro-irakien, germano-irakien ou turc. Enfin, au niveau du patronyme, plusieurs options s’offrent également à nous sur le site de la Brugeoise : Fouad Brixi donc (le plus utilisé), Fouad Emirhan Brixi Kişeçüklü (pour son homonyme turc) et Kai Fouad Brixius (pour les fans de Gladiator certainement). Des incohérences grossières qui ont fini par lever le voile sur toutes les incertitudes concernant ce profil d’imposteur nouvelle génération.

Car Fouad Brixi ne s’est pas contenté de gratter un CV fake à souhait. Il a poussé le délire un peu plus loin. Comme évoqué, le FC Brugeoise est, du moins en apparence, un club de football amateur comme les autres. Il a un stade, une histoire, un effectif et même un groupe de supporters. La page d’accueil de son site internet est solidement construite, avec des rubriques habituelles, allant de la boutique à la billetterie. Le site propose également un petit fil info d’actualités, avec par exemple en janvier dernier cette annonce pour guider les supporters voulant se garer en amont d’un match. Il était conseillé aux fans de laisser leur voiture « Rue de la jeunesse » avant de prendre « le chemin du camping » pour se rendre à la Bael Arena. Des rues qui n’existent évidemment pas, d’autant qu’à Bruges, on parle néerlandais. La Bael Arena ? La photo présente sur le site est en réalité celle du stade de Riazor, domicile du Deportivo La Corogne (Espagne). La suite est encore plus savoureuse : le FC Brugeoise aurait été fondé en 1994 par huit élèves du lycée Ampère (inexistant à Bruges), il serait « le troisième plus vieux club de Belgique », mais également le troisième plus gros de Belgique « en matière de licenciés, avec plus de 1 400 adhérents », un délire alimenté et illustré par des clichés piqués aux Allemands de Mayence et du SpVgg Bayreuth (pensionnaire de D4), mais également aux Suédois d’Elfsborg. Cerise sur le gâteau, il existe carrément un compte de fans du FC Brugeoise, intitulé « Squad Brugie », postant régulièrement depuis novembre 2024. Les photos de tribunes en fusion proviennent cette fois-ci des supporters du SR Delémont, club de quatrième division suisse, à l’exception d’un cliché : l’un des rares où n’apparaît presque personne, et où l’on distingue un affreux montage censé représenter un tifo portant l’inscription : « Fouad l’ambition, merci ». Un hommage incompréhensible à notre crack. Concernant le RSC Tilffois, un faux site a également été fomenté – sur le même modèle que la Brugeoise. Si le club de Tilff existe vraiment, il ne dispose pas de site internet, mais d’une simple page Facebook.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Squad brugie (@ultras.brugie)

Mais pourquoi ce canular ?

Se pose alors la question du « pourquoi ? » Pourquoi les instigateurs de ce vaste canular auraient-ils pris la peine de créer un site web, un collectif de supporters et des annonces en pagaille depuis 2022 ? De potentiels soupçons pèsent sur la prétendue agence AV Sports Management, suspectée d’arnaquer des footballeurs amateurs – d’origine algérienne pour la plupart – ainsi que de jouer sur la « popularité » de Fouad Brixi pour réaliser des bénéfices avec la vente de faux produits dérivés via une boutique numérique présente sur le site du FC Brugeoise. Depuis la révélation de cette imposture, les différents liens et autres médias liés à Brixi ont été supprimés, à l’exception des sites web du FC Brugeoise et du faux RSC Tilffois, qui ne sont guère plus alimentés.

De leur côté, plusieurs médias algériens ont fait leur mea-culpa et ont activement participé à la révélation de ce pot aux roses, afin d’éviter qu’il ne prenne des proportions plus importantes. À notre connaissance, jusqu’ici, cette arnaque s’est en effet limitée à un simple délire de réseaux sociaux. Aucune poursuite n’a ainsi été lancée pour le moment contre d’éventuels suspects. De quoi rappeler les précédents «  joueurs fake » Carlos Kaiser, Aly Dia, Grégoire Akcelrod, Dionisio Farid ou Moussa Mekki. En 2015, Mekki s’était fait passer pour un jeune Algérien évoluant à Wimbledon, en D4 anglaise. Il avait failli obtenir un vrai contrat au Mouloudia Club d’Alger, avant de se faire prendre. Notre Fouad Brixi, lui, court donc toujours. Dans le vide.

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