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Ball-Trap

Par Grégory Sokol
6 minutes
Ball-Trap

Thomas Ball, joueur d'Aston Villa, est devenu le premier - et à ce jour, le seul - joueur assassiné de la D1 anglaise. Pour une histoire de voisinage, à l'époque où Julien Courbet ne sévissait pas. C'était un 11 novembre 1923.

Une banale après-midi d’automne dans la grisaille et le froid des Midlands. En ce 10 novembre 1923, les joueurs d’Aston Villa reviennent d’un déplacement à Meadow Lane où ils sont allés s’imposer face à Notts County. Les Villans grimpent à la troisième place, et les fans du club ne le savent pas encore, mais ils ont d’ores et déjà connu la période la plus glorieuse d’un club qui a déjà remporté six des sept titres de champion de son histoire, ainsi que six de ses sept FA Cup. Ils ne savent pas non plus encore que ce fut le dernier match de la carrière de leur très prometteur défenseur, un jeune homme de 23 ans originaire de Newcastle et avec un nom prédestiné à jouer au football. Si Tommy Ball a gagné le droit de signer dans un club professionnel quelques années auparavant, il ne le doit qu’à de convaincantes performances au sein d’équipe de mineurs, chose fréquente à cette époque et permettant aux travailleurs de se distraire un peu avant de retourner au charbon. Un passage en amateur quasi obligatoire pour espérer être repéré. Mais le plus dur reste à faire, et ce n’est que « lorsque le capitaine Frank Barson part à Man United que Ball devient un titulaire indiscutable. Son jeu s’améliore considérablement, et il est vu par le club comme un défenseur aux capacités exceptionnelles » , rapporte alors le Mirror.

£7 par semaine et des poulets

Le lendemain de la victoire de Villa face au club dont le maillot inspirera celui de la Juventus, Tommy se prélasse au pub avec sa femme Béatrice. Le couple prend ensuite le chemin du retour, Tommy lesté de 4 pintes de bières, retrouver ses querelles de voisinage. Il faut dire que George Stagg, vétéran de l’armée ainsi que propriétaire des lieux, n’est pas le plus conciliant des voisins. Après avoir pris part aux conflits en Égypte, au Soudan, avec un bref passage dans la police, puis à la Première Guerre mondiale, le voisin a surtout une aversion pour les animaux domestiques. Sauf que Ball possède un chien et des poulets ayant la fâcheuse manie d’aimer se balader dans le jardin de Stagg, où l’herbe semble être plus verte que chez le joueur au salaire de £7 par semaine.

Une fois le couple rentré à son domicile, à quelques encablures de Villa Park, Tommy fait un tour de jardin afin de retrouver son chien. Stagg est également là pour pimenter la soirée et les habituelles joutes verbales débutent, lorsque l’épouse du joueur entend comme une détonation. Apeurée, elle court voir ce qu’il se passe et ne peut que se désoler de découvrir son mari ensanglanté, les mains sur la poitrine rendant son dernier souffle, allongé sur une dalle de béton. Seules deux personnes savent ce qu’il s’est réellement passé et l’une d’elle vient de mourir. La partie de Cluedo peut débuter quant au déroulement des événements.

Mentalement déstabilisé, il échappe à la corde

Lors du procès, le coupable appuie la thèse de l’accident. Le journal The Scotsman relate les dires de Stagg qui soutient mordicus que « Mr Ball était sous l’influence de l’alcool. Il a dit à ma femme qu’il allait venir lui exploser la tête avant d’essayer de grimper par-dessus le portail. J’avais déjà le pistolet en main et suis allé voir ce qu’il se passait. J’ai dit à Ball de descendre du portail et ai tiré en l’air pour l’effrayer, avant de le repousser avec le canon de l’arme qu’il a ensuite tenté de m’arracher des mains. J’ai glissé en essayant de l’en empêcher et le coup est parti tout seul. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour le sauver, et quand je l’ai porté avec madame Ball jusqu’au canapé, cette dernière m’a dit : « Mr Stagg, je sais que c’est un accident, mais il n’aurait jamais frappé votre femme, même s’il me battait moi. » »

Mrs Ball et Alfred Miles, l’entraîneur d’Aston Villa, démentent farouchement tout penchant pour la bibine, ainsi que toute violence conjugale du défunt. Le portail de Stagg est dévissé puis trimbalé au tribunal afin que la reconstitution des faits soit des plus réalistes. Le juge va jusqu’à se saisir d’un revolver afin de rejouer la scène et tenter d’analyser comment est parti le coup. La seule question reste de savoir si l’homicide est volontaire ou non. Une heure quarante minutes de délibéré suffisent au jury pour trancher, et Stagg est condamné à la peine de mort par pendaison. Certaines rumeurs font bel et bien état d’une exécution par la corde de l’ex-policier, mais il semblerait que la réalité soit tout autre. Son statut l’aurait plus vraisemblablement aidé à voir sa mise à mort reconsidérée. Si le parti du First Labour pense d’ores et déjà à abolir la peine de mort, la vindicte populaire, elle, n’est pas encore prête à l’application d’une telle mesure et cette idée sera rangée au placard jusqu’en 1965. Stagg est au final condamné à la prison à vie et purge trois ans de sa peine avant d’être déclaré mentalement déstabilisé, puis envoyé en hôpital psychiatrique où il meurt en 1966.

Entre 50 et 100 fans viennent visiter la tombe chaque année

La mort de Thomas Ball aura sans aucun doute perturbé des Villans qui terminent la saison à la sixième place et s’inclinent en finale de la FA Cup face à Newcastle. Sans famille ni descendance, Tommy tombe dans l’oubli, à tel point que le caveau se détériore considérablement, où l’on peine désormais à distinguer l’emblème d’Aston Villa, le ballon en pierre, le terrain de football constitué de mousse et chrysanthèmes et l’épitaphe « À Tommy Ball, en gage de notre estime, de la part de ses amis et joueurs d’Aston Villa » . Un local nommé Jeff Hilliar demande en 1997 la permission de restaurer le lieu de sépulture. « Il avait contacté le club d’Aston Villa afin de percevoir une aide, mais ils ont refusé et il a donc utilisé son argent personnel pour remettre la tombe à neuf. Il racontait la dramatique histoire aux gens qui venaient visiter le cimetière » , explique Brian Jeeves, qui a pu rencontrer le vieil homme avant que celui-ci ne décède à son tour. « Depuis le décès d’Hilliar, les membres de l’église prennent soin du caveau et l’endroit attire annuellement entre 50 et 100 personnes » , rapporte le père Brian Scott, pasteur de l’église St John’s Parish où repose le joueur. Thomas Ball, tué par balles, demeure à ce jour le seul joueur professionnel anglais à avoir été assassiné. Par un ex-policier excédé par des poulets…

Aston Villa : Noël est déjà là

Par Grégory Sokol

Tous propos recueillis par Grégory Sokol sauf mentions.

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