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Apoula Edel : « Je n’ai fait que trois boulettes au PSG »

Propos recueillis par Paul Pradier, à Mumbai
8 minutes
Apoula Edel : « Je n’ai fait que trois boulettes au PSG »

Il a pris beaucoup de coups, mais le gardien arménien d'origine camerounaise est toujours debout. De Paris à Calcutta en passant par Tel-Aviv, il nous parle de ses diverses expériences.

Comment juges-tu ton expérience indienne ?

C’est un peu compliqué au niveau du football. Les joueurs indiens n’ont pas les bases. Il y en a certains qui commencent à sortir du lot, mais dans l’ensemble, ce n’est pas trop ça. Il y a des choses très basiques, plein de petits détails qui font la différence au haut niveau et qu’ils n’assimilent pas.

Par exemple ?

Sur les coups de pied arrêtés défensifs, ils se font facilement lâcher par leur vis-à-vis. Mais ce n’est pas leur faute, il n’y a pas de centres de formation ici. C’est pour ça qu’on nous a fait venir, pour les faire progresser. Ils sont très respectueux, toujours à l’écoute. Ils mettent beaucoup de bonne volonté pour s’améliorer.

C’est l’équivalent de quelle division française, l’Indian Super League ?

On est très loin de la Ligue 1 ou de la Ligue 2. Je ne sais pas où la mettre. C’est niveau amateur, ça c’est sûr.

Étant donne le faible niveau, tu regrettes d’être venu ?

Non, pas du tout. Quand j’ai eu cette opportunité de venir en Inde, pays que je ne connaissais pas, je me suis dit « pourquoi pas ? » Ce tournoi dure seulement trois mois. Avant de signer, je revenais tout juste de blessure, je me suis dit que je pouvais venir me refaire une santé physique ici.

Ils s’y connaissent en foot, les Indiens ?

À ce niveau-là, j’ai été très agréablement surpris. Ils regardent énormément de matchs. Quand tu arrives, tu te dis que peut-être une ou deux personnes connaissent les joueurs de foot. Mais pas du tout. Les gens nous reconnaissent, savent dans quels clubs on a évolué. Ils sont bien plus informés qu’on ne le croit.

Et l’ambiance dans les stades, elle est comment ?

C’est très festif. Bien plus dans les tribunes que sur le terrain, en tout cas. Même si le niveau n’est pas très élevé, les gens s’amusent, on voit qu’ils prennent du plaisir à se retrouver ensemble.

Après quelques mois sur place, qu’est-ce qui t’a le plus marqué dans ce pays ?

Quand tu prends un taxi pour aller au centre ville, tu passes au milieu d’un marché, tu vois des mecs en train de prendre leur douche en pleine rue, comme ça, sans gêne. Et puis il y a les vaches et chèvres en pleine ville. La première fois que tu vois ça, tu te dis « oula, c’est quoi ce truc ? » Et puis il y a la saleté et l’odeur aussi. Les premiers jours, tu es choqué. Mais bon, c’est l’Inde, c’est comme ça.

Entre 2011 et 2013, tu as passé 2 saisons en Israël, à l’Hapoël Tel-Aviv. Elle t’a plu, ton expérience israélienne ?

J’ai été très positivement surpris par la vie là-bas. Tu débarques de Paris, tu te fais des soucis par rapport à ce que tu vois à la télé… Mais j’ai kiffé ! L’ambiance dans les stades est sympa. Ils sont plus fanatiques qu’en France. Par exemple, un derby entre l’Hapoël et le Maccabi, c’est un truc de fou ! Je suis fier de ce que j’ai fait en Israël. Je pense avoir laissé une bonne image auprès des supporters, j’ai même été capitaine.
À Paris, les observateurs attendaient que je me rate pour me tomber dessus

Pourquoi tu es parti alors ?

J’avais signé pour deux saisons avec le club, j’étais donc en fin de contrat au printemps 2013. J’avais le plus gros salaire, le club a commencé à avoir des problèmes financiers. Ils ont voulu que je baisse mon salaire et que je prolonge pour deux saisons. J’étais d’accord pour faire un effort, mais à ce moment-là, il y a eu des changements dans la direction, alors j’ai préféré partir.

Sept ans plus tôt, en 2006, tu débarques au PSG, comment ça s’est fait ?

J’avais déjà fait des essais au PSG en 2005, mais ça ne s’est pas fait à ce moment-là, car mon club arménien demandait trop d’argent. Donc je suis parti en Roumanie. Un an plus tard, je débarque à Paris par l’intermédiaire de Christian Mas (l’entraîneur des gardiens du PSG), qui ne m’avait pas oublié.

Au fur et à mesure, tu as grimpé dans la hiérarchie des gardiens…

Je suis arrivé comme troisième gardien, derrière Alonzo et Landreau. Je passe deuxième quand Alonzo part, et je reste doublure après le départ de Landreau et l’arrivée de Coupet. Puis Greg se blesse, alors je deviens numéro un.

Quel bilan tires-tu des quatre saisons que tu as passées au PSG ?

Je le trouve positif. Il y a des moments où j’étais moins bien, mais ça arrive dans une carrière de haut niveau. Je suis fier de ce que j’ai réalisé là-bas, parce que je sortais de nulle part et je me retrouvais à jouer au Parc des Princes…

Ton plus beau souvenir au PSG ?

C’était en 2010, après la finale de la Coupe de France remportée contre Monaco, on est parti en stage à New York. Un soir, on est sorti avec toute l’équipe, sans le staff, dans un pub. On était dans cette ville magnifique, beaucoup de joueurs étaient en fin de contrat, en pleines négociations. On ne savait pas qui allait rester. On s’est dit : « Les gars, c’est peut-être la dernière fois qu’on se retrouve tous ensemble ! Profitons ! » On a beaucoup ri ce soir-là, c’était un moment merveilleux, que je n’oublierai jamais.

Et le pire ?

C’est le jour où Gregory se blesse. J’ai été choqué, j’ai suivi toute l’action, et j’ai vu sa jambe tourner, ça m’a traumatisé. Il y a aussi les fameuses « boulettes » . Moi, j’en vois trois. Contre Monaco au Parc en 2009-2010, puis en match de préparation à l’été 2010 contre le Sporting Portugal, sur la passe en retrait de Sammy Traoré, et enfin à Lyon en 2010-2011. Mais les gens ne soulignaient jamais mes bonnes performances. Les observateurs attendaient que je me rate pour me tomber dessus. Ils oublient qu’on termine 4e en 2011. Si j’étais si mauvais que ça, vous pensez vraiment que l’on aurait terminé si bien classés ?

Les choses n’ont pas toujours été faciles à Paris, des gens ont remis en question ton âge, tu as été au tribunal. Avec le recul, comment tu analyses cela ?

Tu es un jeune Africain, tu sors de nulle part… Il y a plein de jaloux qui créent des histoires sans queue ni tête. Que je sache, je suis allé au tribunal deux fois et j’ai toujours gagné. Les gens se sont focalisés sur ces histoires sans jamais essayer de me connaître. Mais maintenant, je suis passé à autre chose.

En général, cette question de l’âge des joueurs africains dans le milieu du football, c’est difficile à vivre ?

C’est quelque chose de répugnant. Un jeune Africain qui débarque en Europe et perce au haut niveau, tout de suite il y a des questions sur son âge. C’est répétitif et je ne comprends pas pourquoi on nous fait subir ça. Malheureusement, je ne pense pas que ça changera de sitôt.

Comment s’est passé ton départ du PSG à la fin de la saison 2010-2011 ?

Au début de l’année 2011, j’ai vécu un drame personnel. Normalement, je devais prolonger mon contrat de deux saisons. On était tombés d’accord avec les dirigeants. Mais j’étais dans une période très difficile, et j’ai préféré patienter avant de resigner. J’ai ensuite eu une proposition très intéressante d’un club turc, que j’ai refusé. Je voulais à tout prix rester à Paris et montrer ma valeur.
J’en veux à Antoine Kombouaré, Robin Leproux et Alain Roche

Au final, tu n’es pas prolongé…

On joue à Brest à quelques journées de la fin du championnat. Je remplace Greg Coupet qui se blesse. On mène 1-0, je provoque un penalty, et au final, on fait 2-2. Évidemment, je me fais fusiller dans la presse le lendemain. Sous la pression médiatique, les dirigeants retardent ma prolongation de contrat à la fin de la saison. Je rencontre Antoine Kombouaré dans son bureau après la dernière journée, et là, il m’annonce que finalement, il ne me garde pas…

Comment réagis-tu à ce moment-là ?

J’étais surpris, je l’ai vécu comme un manque de respect. J’avais repoussé cette offre en Turquie, j’étais persuadé que j’allais prolonger, on me l’avait promis. Aujourd’hui encore, j’en veux à Antoine Kombouaré, Robin Leproux et Alain Roche.

Quel regard portes-tu sur le PSG aujourd’hui ?

Je suis content pour les supporters, ils méritent d’avoir une grande équipe à Paris. Néanmoins, j’ai de la peine pour les jeunes du centre de formation. Ils n’ont aucune chance de s’imposer au PSG aujourd’hui. Devenir titulaire et même capitaine comme Mammadou Sakho il y a quelques années, ça va être très dur pour eux.

Tu es toujours en contact avec certains joueurs et membres du staff du PSG ?

Je parle toujours à Papus Camara, Clément Chantôme, le docteur Rolland, l’entraîneur des gardiens Nicolas Dehon et les intendants. Parmi ceux qui sont partis, je suis toujours très pote avec Guillaume Hoarau, Stéphane Sessègnon, Peguy Luyindula, Mammadou Sakho et Jean-Eudes Maurice. Il y a aussi Claude Makelele et Grégory Coupet. Mais eux, c’est différent, ce sont mes pères spirituels, mes papas. Claude était d’ailleurs témoin à mon mariage. Greg Coupet, il ne se passe pas une semaine sans que l’on discute.

Qu’est-ce que tu vas faire après l’ISL ?

J’ai quelques contacts, mon agent bosse dessus actuellement. Mon objectif est de trouver un club en Europe.

En France ?

(Rires) Ça va être difficile. Pas parce que je n’ai pas les qualités, mais à cause de cette image qui me colle à la peau.
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Propos recueillis par Paul Pradier, à Mumbai

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