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« Antonio Conte me disait de ne pas trop faire l’amour avec ma femme »

Propos recueillis par Ugo Bocchi
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Antonio Conte me disait de ne pas trop faire l’amour avec ma femme<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Franco-Congolais, Pedro Kamata a eu l’opportunité d’être choisi et dirigé par Antonio Conte quand il a commencé à entraîner. D’abord à Bari, et puis ensuite à Sienne, il raconte ses souvenirs avec un homme intrusif, parfois excessif, mais génétiquement programmé pour gagner.

Tu l’as eu à Bari, une première fois en tant qu’entraîneur, c’est ça ?

Oui, il est venu en remplacement. Et il avait juste eu une expérience à Arezzo, juste avant Bari. C’était sa première vraie expérience. Bari, c’est quand même un gros club. On était en Serie B à l’époque, mais les structures, la ferveur du public, c’est un peu l’Olympique de Marseille de l’Italie. Un gros club du Sud, avec une ferveur incroyable.

C’est un truc qu’il apprécie, ça ? Les grosses ambiances ? La pression ?

Ah oui, c’est un sanguin, lui. Et puis, c’était courageux, ce qu’il avait fait. Parce que lui, il vient de Lecce. Et la rivalité entre Lecce et Bari, c’est un peu celle qu’on avait en France entre l’OM et le PSG. Deux clubs qui se détestent. Il a pris Bari sans souci, il a gagné le championnat dès sa deuxième saison. Même moins que ça. En fait, il est arrivé en décembre 2007, il a fait les six derniers mois et puis une saison complète où il gagne le championnat.

T’as tout de suite senti la différence avec Conte ?

Moi, je suis arrivé en même temps que lui, mais tu sens que c’est un génie. Quand il a pris Bari, le club n’était pas loin de la relégation. Et ce qu’il a réussi à faire en un an et demi, c’est fou. Je peux vous dire qu’on n’a pas perdu beaucoup de matchs. Quand il est arrivé, il n’a pas changé grand-chose, il a juste maintenu le club. Mais l’année d’après, surtout à l’intersaison, il a fait de nous des gagneurs. Les dirigeants ont créé une équipe pour faire une bonne saison. Lui, dans sa tête, il a fait une équipe pour gagner. Et il avait raison. On a massacré tout le monde et on a gagné le championnat. On avait beaucoup de similitudes avec l’Italie d’aujourd’hui. C’est-à-dire qu’il y avait de bons joueurs, pas de top player, mais une fois sur le terrain, on était des animaux. On courait plus vite, plus longtemps que les autres. On était mieux préparés. Aujourd’hui, il a gardé la même ligne de conduite. Moi à l’époque, il est venu me chercher nulle part. Et quand je vois les joueurs qu’il a en Italie, leur CV, c’est beau d’avoir pris ces mecs-là.

Toi, tu sais pourquoi il t’a choisi ?

Non, faudrait lui demander. Mais bon, j’étais comme un dingue. Quand on m’a appelé pour jouer sous les ordres d’un mec qui a côtoyé Del Piero… C’est une de mes idoles. Et puis, quand on m’a dit que j’allais aussi jouer là où l’OM avait perdu sa finale de 91, j’étais dingue.
Je me rappelle que quand on gagne le championnat avec Bari, il nous invite en boîte de nuit. Il nous a rincés, des bouteilles de partout. Il nous a bien récompensés. Mais voilà, pendant l’année, c’est pas vraiment la fête.

C’est quoi sa recette magique ?

C’est un mélange de beaucoup de choses. Déjà, il a toujours un staff très compétent. Il ne laisse jamais rien au hasard. Et puis, il a appris des meilleurs, Lippi, Capello, Ancelotti, ça aide. Lui, on sentait qu’il avait un peu de tout ça. Moi, en quelque sorte, je peux dire que j’ai été entraîné par Lippi, Capello et Ancelotti… Par procuration.

Ça fait quoi d’avoir un hyperactif sur son banc ?

Ça te transcende. On pourrait croire que ça perturbe, mais non. Et puis, pendant le match, ce n’est que la partie visible de l’iceberg. En conférence, en causerie, il était déjà en transe. Le lundi, en début de semaine même, il était déjà en transe. Avec lui, tu ne peux jamais te relâcher. Quand c’est le travail, c’est le travail. Il disait tout le temps : « Il y a un temps pour tout. » Et puis, en fin de saison, à l’inverse, il te laisse tranquille. C’est même lui qui te pousse à être tranquille. Je me rappelle que quand on gagne le championnat avec Bari, il nous invite en boîte de nuit. Il nous a rincés, des bouteilles de partout. Il nous a bien récompensés. Mais voilà, pendant l’année, c’est pas vraiment la fête. C’est fatiguant.

Et comment il vous met en transe ?

C’est des mots. Des attitudes. Et puis, il y a un respect naturel envers lui. Il a été à la Juve, il a joué avec des grands champions, avec Zidane, Deschamps, Del Piero. Il avait l’habitude de dire qu’un champion, il pouvait allumer et éteindre la lumière, qu’il faisait ce qu’il voulait. Mais pas les joueurs normaux. Il estimait que nous, on était des joueurs normaux. Alors il nous demandait d’être toujours à 100%. C’est ce genre de discours qui m’ont marqué. Moi, j’estime que c’est quand je suis arrivé en Italie que je suis devenu un joueur de foot. Quand j’étais en France, j’étais aussi un joueur de foot, j’ai fait mon parcours, Châteauroux, tout ça… Mais quand je suis arrivé en Italie, j’ai compris ce qu’était le football.
À Bari, son préparateur physique, quand on entrait sur le terrain, il nous passait la bande son du début de Rambo, un moment où t’entends plein de bruits d’hélicoptère, avec des bruits de bombe, tout ça…

Il a des méthodes particulières aussi, non ?

Ouais, il fait des trucs peu ordinaires. À Bari, son préparateur physique, quand on entrait sur le terrain, il nous passait la bande son du début de Rambo, un moment où t’entends plein de bruits d’hélicoptère, avec des bruits de bombe, tout ça… Et en gros, ça voulait dire : « Aujourd’hui, ça va être la guerre ! » Ça, c’était avant qu’on entre sur le terrain en match. C’est complètement fou. Et il a plein d’autres petits trucs comme ça. Et puis, ses discours ont vraiment quelque chose de motivant. Beaucoup de paroles, beaucoup de vidéos aussi, on connaissait par cœur l’adversaire.

Il pousse des gueulantes parfois ?

On va dire qu’il n’hésite pas à bousculer les choses. Même si t’as fait une bonne semaine à l’entraînement, si t’es pas concentré avant le match, il peut te sortir cinq minutes avant le coup d’envoi. Il s’en fout. Le matin, si t’arrives à la collation, et s’il voit dans tes yeux, qu’aujourd’hui tu ne vas pas rendre une bonne copie, il te sort. Ça ne le dérange pas.

C’est déjà arrivé, ça ?

Oui, plusieurs fois. Il te regarde dans les yeux et il décide.

Il est très attaché au régime aussi, non ?

Ouais, il nous éduque. Il y avait d’autres étrangers dans l’équipe, mais moi je venais de la France, c’était un peu particulier. Et je venais aussi de troisième division, donc il me parlait beaucoup. Quand ma femme venait me rendre visite, il le savait toujours. Et il me donnait toujours des conseils : « Je sais que ta femme est là, mais ne lui fais pas trop l’amour. Bon et si tu fais l’amour, n’utilise que certaines positions, parce que faut pas que tu travailles trop tes quadriceps, tout ça… » Il m’a éduqué sur pleins de choses.
C’est fou ce qu’il arrive à faire avec ses joueurs.

C’est un fou, en fait. Il veut gérer tous les détails de la vie des joueurs en gros ?

Exactement. Il te dit que t’auras le temps, après, de faire la fête. Donc, lui c’est son truc. Le foot, c’est toute sa vie.

À Sienne, où tu l’as retrouvé, c’était la même chose ?

Ouais, là-bas, on a encore gagné. C’est fou ce qu’il arrive à faire avec ses joueurs. Bon on est juste remontés, hein. À Sienne, c’était encore un autre défi. On lui avait donné les joueurs qu’il voulait pour remonter et il avait carte blanche. Et moi, je trouve que c’est encore plus dur. T’as beaucoup plus de pression et il ne faut pas se rater. Mais pas pour lui.

Il y a eu une évolution entre le Conte de Bari et le Conte de Sienne ?

Non, pas vraiment. Je pense qu’il a des convictions, des méthodes, une manière dont il aime pratiquer le foot. Et ça, ça n’a pas changé. Même aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est le même. Après, il y avait toujours plus de travail, hein. Il avait rajouté des variantes, mais grosso modo, c’était le même.

Les joueurs se plient toujours à son autorité ?

Il y a toujours quelques clashs, mais rien de bien fou. C’est normal. Tous les gens qui l’ont eu seront unanimes, ils te diront que tout ce qu’il a obtenu, il ne l’a pas usurpé. C’est un grand, quoi. Rien à dire.

Il y a eu des gros clashs en particulier ?

Même pas. Parce qu’il protège beaucoup ses joueurs. Il est beaucoup dans le relationnel. Quand il a un problème avec un joueur, il ne l’affiche pas devant tout le monde. Il va parler, crever l’abcès pour reprendre le travail au plus vite. Et il protège vraiment ses joueurs. En Italie, surtout à Bari, la presse est violente avec les joueurs. Comparé à ce qu’on voit en France, où moi je trouve qu’on a l’une des presses les plus douces d’Europe, c’est un autre monde. Les Italiens peuvent être très durs avec leurs joueurs.
Je ne lui trouve pas de défauts.

Et dans les vestiaires, ça gueulait au moins quand vous perdiez, non ?

Avec Bari, on jouait contre Ancona en Serie B. On avait fait une première mi-temps parfaite. Et puis, en deuxième mi-temps, on chie dans la colle, on joue mal. On a failli se faire égaliser. Il rentre aux vestiaires, on avait l’impression d’avoir perdu 3-0. Il était fou, hystérique, c’était un truc de fou, quoi. Avec Sienne, pareil. On joue, on gagne 1-0, on prend un but dans les dernières minutes contre je ne sais plus qui. Et en fait, si on gagnait ce match, on montait. On a fait match nul, il est rentré dans le vestiaire, il était en pleurs, triste, dépité. Il nous a répété je ne sais pas combien de fois : « Le foot, c’est la tête. La tête, la tête, la tête, la tête, la tête… Le cœur, les jambes, c’est bien. Mais la tête ! Il faut être intelligent. » Ça m’avait marqué ça. C’est vrai que si t’arrives pas être intelligent, à contrôler un match, t’as beau être le meilleur joueur du monde, ça sera toujours compliqué pour toi. C’est là où il fait la différence. Il sait comment tenir un résultat et rester toujours concentré. Là, on ne jouait rien, ce match nul ne remettait rien en cause, le résultat ne changeait rien, mais voilà, il voulait qu’on soit professionnels. Tout le temps.

Il a des défauts, quand même, Antonio Conte ?

Moi, je ne lui en vois pas. Les deux années pendant lesquels j’ai travaillées avec lui, j’ai pratiquement que des victoires. À Bari, c’est un Dieu. Même à Sienne, où c’est le basket qui règne, il a fait le job et il est respecté.

Il n’est même pas un peu antijeu parfois, comme contre l’Espagne ?

Non, c’est juste qu’il vit le match à fond. Je ne crois pas que c’était calculé. Je ne suis pas étonné quand je le vois faire ça. Il a dû être tellement fatigué par tout ce qu’on disait sur l’Espagne, que l’Italie allait être éliminée, et cetera, qu’il ne devait plus vraiment être lui-même.

Il est comme ça aussi à l’entraînement, en match amical, par exemple ?

Ah oui, il ne rigole pas, lui. Pour lui, ça n’existe pas les matchs amicaux, les entraînements. Il joue pour gagner. Tout le temps, encore une fois.
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