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Alexandre Pasquini : « Un analyste vidéo doit être froid »

Propos recueillis par Matthias Ribeiro et Maxime Brigand
Pasquini (RC Lens) : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Un analyste vidéo doit être froid<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Au RC Lens depuis l'été 2019, Alexandre Pasquini raconte l'évolution d'un poste qui ne cesse de grossir : celui d'analyste vidéo.

Comment le foot est arrivé dans ta vie ?

J’ai commencé très tôt, à l’âge de 4 ans. Du côté maternel, ma famille est très foot. Mon oncle adore le foot et a beaucoup joué, mon grand-père aussi. Du côté paternel, pas du tout. Mon père n’aimait pas le foot. Bon, aujourd’hui, il est supporter du RC Lens. (Rires.) Ça ne m’a pas empêché d’avoir très vite un ballon dans les pieds. J’ai eu ma première licence au Grand-Quevilly, puis j’ai ensuite joué au FC Rouen. J’ai alterné entre les deux clubs, mais je n’ai pas arrêté jusqu’à ce que je devienne analyste vidéo.

Tu as basculé quand tu étais ado vers l’analyse. Parce que tu n’avais pas le niveau ou par volonté d’exploiter d’autres qualités analytiques ?

C’est quelque chose qui est venu assez naturellement en fait. Quand j’avais 20 ans, je continuais à jouer, mais, surtout, je ne me voyais pas travailler ailleurs que dans le foot, donc j’avançais tout en commençant d’ailleurs à entraîner. J’ai fait joueur et entraîneur pendant trois ou quatre ans jusqu’au moment où j’ai dû prendre une décision, mais comme je n’aurais pas été pro, aucun regret.

Je pense que ça a été un problème quand j’étais joueur parce que j’avais tendance à réfléchir à tout, à tout vouloir comprendre, à parfois même avoir tendance à donner des conseils à mes coéquipiers… Ce n’était pas toujours nécessaire.

Quand tu étais joueur, tu avais déjà un côté très analytique ?

Oui, clairement, et je pense que ça a d’ailleurs été un problème parce que j’avais tendance à réfléchir à tout, à tout vouloir comprendre, à parfois même avoir tendance à donner des conseils à mes coéquipiers… Ce n’était pas toujours nécessaire. En fait, je voyais que j’avais parfois plus tendance à réfléchir qu’à jouer. Jouer m’a quand même aidé. Ça reste essentiel de comprendre ce qu’il se passe, ce qui est notre sport, comment fonctionne le collectif, les rapports de force… Ça, certains peuvent le développer en jouant, d’autres en regardant beaucoup de matchs. On entend parfois le débat : « Ils n’ont pas été pros, ils ne peuvent pas comprendre… » Mais il y a tellement d’éléments différents dans le fait de devenir pro, des éléments qui sont parfois mentaux ou techniques, que parfois, ça me paraît souvent un peu abstrait comme débat. 

Comment et pourquoi es-tu devenu analyste vidéo ?

À force de regarder des matchs pendant mes cours de STAPS et d’être poussé par des copains, je me suis d’abord lancé sur YouTube, où j’ai créé la chaîne La Gazette tactique. En janvier 2017, j’ai investi dans un Mac pour faire des montages avec iMovie, et en quelques mois, tout est allé très vite. Je n’ai pas tout de suite eu de retour sur mon travail de la part de clubs professionnels, mais plus tard, quand j’ai rencontré certaines personnes, j’ai vu qu’elles connaissaient mon travail sur YouTube. Ça m’a servi de CV en quelque sorte. 

Et comment ça s’est enchaîné ensuite ?

En STAPS, je devais faire un stage d’une semaine dans une structure pro. Mon prof de foot de l’époque, Michel Hamel, qui était recruteur en Normandie pour le centre de formation du FC Lorient, m’a aidé et j’ai eu l’opportunité de le faire avec la réserve de Régis Le Bris et Erwann Le Poste. J’ai aussi passé du temps avec Jérémie Colson, l’analyste des pros, qui après le stage, a transmis mon nom lorsque Quevilly-Rouen recherchait un analyste. J’ai passé les entretiens en faisant plusieurs analyses de l’équipe et c’était parti. En juin 2017, j’ai signé avec eux, en Ligue 2. C’est allé très vite.

Comment t’es-tu retrouvé au RC Lens ?

Au début, le centre de formation recherchait un analyste vidéo. Un agent a parlé de moi à Sylvain Matrisciano, alors directeur du centre du RC Lens, qui connaissait mon travail. Il m’a donc contacté pour me rencontrer au début de l’année 2019. Quand je suis venu à la Gaillette, j’ai aussi pu rencontrer Franck Haise. J’en ai profité pour le remercier parce que sans le savoir, c’est lui qui avait fait le lien entre Michel Hamel et Régis Le Bris pour mon stage à Lorient. On a donc échangé et, comme on vient de Rouen tous les deux, on a pas mal discuté de la région. Je suis ensuite revenu quelques jours au club pour un éventuel recrutement et pour « préparer » la saison suivante. Il y a finalement eu du mouvement au sein de la direction, donc j’ai patienté, et Florent Ghisolfi, qui venait d’arriver comme directeur sportif, m’a contacté fin mai. Il cherchait un analyste pouvant travailler sur le recrutement et servir au staff pro sur l’analyse de l’adversaire. Je l’ai rencontré, et mon aventure avec le club a démarré.

Quel était concrètement ton boulot ?

La première année, je faisais un montage sur l’adversaire que je présentais à Philippe Montanier et Mickael Debève en début de semaine. Le reste du temps, j’étais impliqué sur le recrutement. Je ne faisais pas les déplacements avec l’équipe première, donc le week-end, j’étais souvent dans les stades pour scouter

Comment ta mission a-t-elle ensuite évolué ?

Quand Franck Haise a repris l’équipe, il m’a proposé d’intégrer le staff, donc j’ai quitté les bureaux du recrutement et j’ai basculé complètement chez les pros. Aujourd’hui, on est deux analystes dédiés à temps plein au staff et à l’équipe pro. Pierre Capitaine est chargé de l’analyse des coups de pied arrêtés et des individualités adverses, ainsi que du développement de nos propres données sur nos matchs. On travaille aussi avec Baptiste Favier, qui est data analyst au sein de la cellule de recrutement. Il nous fournit des rapports statistiques sur nos futurs adversaires. Pour un club dimensionné comme Lens, être deux, avec de l’aide autour, c’est très bien. Après, si on veut continuer à avancer dans les prochaines années, qu’on continue à se structurer et que nos résultats suivent, ça sera important d’avoir une troisième personne à temps plein, soit sur un rôle 100% data, soit sur la vidéo avec des missions sur la data. Ensuite, il y a d’autres domaines sur le suivi et le développement que j’aimerais encore approfondir. Cela nécessiterait sûrement une quatrième personne dédiée aux pros sur le département analyse, mais aujourd’hui, ce n’est pas d’actualité. Je pense que c’est important de se développer, mais c’est aussi important de procéder par étape et de bien identifier le contexte et les besoins du club sur le moment pour avancer sur ces points.

L’échange avec Franck Haise et le staff est constant. Je le connais par cœur, je sais exactement ce qu’il veut, ce dont il a besoin.

Est-ce que tu trouves que le regard du staff a évolué sur toi ? On entend souvent les doutes de certains pros au sujet de personnes n’ayant pas de passé dans le circuit, quelques préjugés sur les analystes…

Je n’ai pas forcément pu constater d’évolution dans le regard du staff, car j’ai toujours été très bien accueilli et intégré depuis que je suis arrivé au club. À vrai dire, je ne fais pas forcément attention à ça. Je me concentre sur mes missions et j’essaie d’apporter le maximum pour me rendre utile pour la performance. Aujourd’hui, malgré le fait que je sois davantage dans un bureau et moins sur le terrain, l’échange avec Franck Haise et le staff est constant. Je le connais par cœur, je sais exactement ce qu’il veut, ce dont il a besoin. Avec les joueurs, l’échange est aussi quotidien. Je ne sens pas forcément de distance particulière selon les générations. Les jeunes, comme les plus anciens, sont portés par le résultat : ils veulent progresser. 

Comment se développe la relation avec les joueurs ?

Avec les voyages, souvent, ou avec le temps. On discute souvent en live, au club, ou via WhatsApp. L’autre jour, par exemple, je discutais d’un type d’appel précis qu’on voulait travailler avec l’un de nos attaquants et en regardant Juventus-Nantes, je lui en ai envoyé un de Vlahović.

Comment gères-tu le cas des joueurs qui travaillent, en parallèle, avec leur propre analyste vidéo ?

Je sais que c’est le cas de certains joueurs du groupe, mais ça s’est toujours fait avec intelligence, transparence, et collaboration. Chaque joueur se gère différemment, avec un ton différent. Il faut également toujours faire attention à ce qu’on montre à un joueur pour ne pas le perdre. Tous les footeux ont de l’égo, et leur montrer des séquences d’un joueur potentiellement supérieur sur une situation donnée peut être plus ou moins bien reçu. Cheick Doucouré par exemple adorait regarder ce que pouvaient faire les milieux de très haut niveau, mais cette façon d’utiliser la vidéo n’est pas forcément efficace pour tous les joueurs.

On a aussi le sentiment que l’important pour un analyste est de ne pas avoir de grandes émotions.

Oui, il faut être froid, assez imperméable. Quand on voit la charge émotionnelle qu’il peut y avoir sur le terrain ou sur un banc, il faut garder une forme de rationalité dans notre travail pour être le plus efficace. C’est aussi ce qu’on nous demande, pour que notre regard soit le plus précis, ancré dans l’instant, et qu’on puisse proposer des choses au staff, notamment dans le vestiaire à la mi-temps des matchs.

Toi qui as commencé sur les réseaux sociaux, comment vois-tu l’évolution de l’intérêt pour l’objet tactique ?

Je continue de suivre ce qui peut se faire, en anglais ou en français. Ça nous inspire même, parfois. C’est une bonne chose et ça ne gêne pas notre travail, car c’est souvent des analyses pour constater alors que notre travail va être plus d’anticiper la suite afin de proposer des solutions pour notre collectif et nos individualités. On va revenir sur le match d’avant uniquement pour une analyse et des corrections basées sur notre projet de jeu. Le match n’est finalement qu’une excuse pour faire une introspection de notre équipe et chercher des axes d’amélioration.

J’ai connu Jonathan à Quevilly-Rouen. En 2017-2018, il a quand même sorti une saison à huit passes décisives dans la défense à quatre d’une équipe qui a été reléguée en National 1, donc je savais qu’il avait du talent.

Est-ce que tu es encore en capacité de regarder du foot pour le plaisir ou est-ce devenu impossible ?

Je suis fou de foot, donc le soir, en rentrant à la maison, je regarde et j’écoute encore du foot. À part lors des semaines à trois matchs, où à la fin, ça commence à être dur. Contrairement au reste, le travail d’analyste vidéo est cumulable. Plus on a de matchs, plus on a de travail et le tout pour le même temps donné, mais on cherche toujours à se nourrir. C’est essentiel je pense, même si on garde du temps pour se vider la tête, notamment en juin, avant de revenir au club et revisionner le travail de la saison écoulée pour aider le staff à travailler sur notre modèle de jeu.

Depuis le début de ta carrière en tant qu’analyste, tu as connu plusieurs belles histoires, dont une très marquante avec Jonathan Clauss. Comment ça a commencé ?

J’ai connu Jonathan à Quevilly-Rouen. En 2017-2018, il a quand même sorti une saison à huit passes décisives dans la défense à quatre d’une équipe qui a été reléguée en National 1, donc je savais qu’il avait du talent. L’été d’après, il a cherché un club et je l’ai aidé à faire une vidéo de sa saison pour lui et son agent. Quelques années plus tard, quand le RC Lens a cherché un joueur à son poste, j’ai pensé à lui, j’en ai parlé au club, je suis retourné le superviser à Bielefeld. Son profil a été validé et le jour où il est arrivé, on s’est retrouvé par hasard dans le bâtiment administratif de la Gaillette. Ça a été un moment assez fort pour nous deux.

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Plus globalement, tu te vois encore faire ce travail longtemps ?

Je suis analyste depuis six ans, c’est très prenant, et la seule certitude est que je resterai dans le foot toute ma vie. Du moins, c’est ce que je souhaite. (Rires.) Je me vois bien à la retraite, dans mon village, entraîner des jeunes… En revanche, je ne me vois pas faire ce que je fais 40 ans. À terme, j’aimerais bien retrouver le recrutement, mais j’ai le temps pour ça. C’est un boulot dans lequel tu t’enrichis au quotidien et on n’est qu’au début d’une époque. Certains clubs anglais travaillent avec six, sept, voire huit analystes. Il y a encore beaucoup de choses à faire pour structurer et accompagner la performance. C’est un beau challenge.

Propos recueillis par Matthias Ribeiro et Maxime Brigand

Crédit photo : RC Lens

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