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Adrien Rabiot, coupable idéal

Par Charles Alf Lafon
Adrien Rabiot, coupable idéal

Dernier milieu de terrain valide de l’effectif parisien, Adrien Rabiot ne peut pourtant plus évoluer sous les couleurs du PSG, puni pour ne pas avoir prolongé son contrat. À raison pourrait-on croire. Sauf que...

Adrien Rabiot n’est plus « tout sourire :D » comme il l’indiquait sur Instagram le 4 janvier dernier. De nouveau mis à l’écart du groupe pro et sommé de s’entraîner avec la réserve, il aurait saisi la commission juridique de la Ligue (LFP) pour demander sa réintégration. Si l’on en croit l’UNFP, il est absolument dans son bon droit. Si l’on en croit le public, celui qui juge sur les réseaux et les comptoirs, il ferait mieux de la fermer et se barrer, ce petit avorton sans reconnaissance du ventre, et d’emmener sa cupidité, sa mère et son maigre talent à Barcelone, à Tottenham, à Marseille presque, loin, n’importe où, du moment qu’il ne puisse plus mordre la main qui l’a nourri. Après s’être mis la France du football à dos, Adrien a réussi à faire l’unanimité totale (ou presque) contre lui au sein de ses propres supporters. On repense à ces sifflets entendus au Parc face à Toulouse fin novembre, ou plus tard, les banderoles, frappant comme une condamnation : « Rabiot, on n’a pas besoin de toi » .

Faites entrer l’accusé

Faites entrer l’accusé Adrien Rabiot, né le 3 avril 1995 à Saint-Maurice (Val-de-Marne), footballeur. Il vous est reproché de ne penser qu’à vous-même, et par conséquent à l’argent. Premier chef d’accusation, d’être une diva voulant dicter sa place sur le terrain. Or, si l’on s’en tient aux mots, à la parole stricto sensu, Adrien a déjà répondu, l’an dernier, au moment d’Anderlecht : « La volonté de ne pas évoluer en sentinelle, ce n’est pas ça, parce que ce n’est pas ma mentalité. Quand je suis sur le terrain, je m’adapte aux consignes et au poste auquel le coach me met. J’ai déjà eu des questions sur ça et on m’a demandé où je préférais jouer, j’ai dit que c’était relayeur, mais quand je joue sentinelle, j’essaie de faire du mieux possible. »

Emery l’y a aligné à de nombreuses reprises. Combien de sorties pour se plaindre, d’entraînements séchés ? Doit-on rappeler qu’un Cavani exilé sur le côté ne s’est jamais gêné d’agiter la possibilité d’un départ ? Cavani qui s’octroie régulièrement des vacances prolongées, mais ça va, il mouille le maillot, donc on l’aime (après l’avoir conspué pendant des mois pour ses contrôles). Un peu comme Blaise Matuidi, l’immense Blaise Matuidi, la réincarnation de Safet Sušić, indispensable à la Juve, dégagé sur demande d’Adrien. Sauf que : « J’ai demandé mon départ parce que pour moi, c’était le moment, a assuré le Turinois. Je voulais, à 30 ans, voir ce que c’était de jouer à l’étranger, et j’avais de très belles propositions. Après, je pense que cela arrangeait aussi le club, le fait de pouvoir donner un peu plus de temps de jeu à Adrien [Rabiot] qui souhaitait jouer relayeur.(…)Tout le monde y a trouvé son compte. » La thèse d’un Rabiot calculateur dictant ses conditions à Nasser a du plomb dans l’aile.

Cube, loft et Ramsey

Après avoir déglingué le monde avec Straight Outta Compton, N.W.A pouvait espérer des retombées monétaires à la hauteur de leur talent. Mais quand le manager du groupe Jerry Heller a présenté les termes du contrat à Ice Cube – qui avait en plus écrit la majorité des textes – celui-ci a estimé qu’il n’était pas reconnu à sa juste valeur. Alors il s’est barré. Dre, lui, est resté, avant de s’enfuir avec Suge Knight. Dans les deux cas, Heller apparaît dans les pages de l’histoire comme un odieux profiteur ayant abusé de la confiance de génies créatifs. Pourtant, à l’heure où les footballeurs sont plus que jamais comparés aux rappeurs, avec qui ils partagent de nombreux codes, Adrien Rabiot ne bénéficie pas de la même mansuétude. Lui qui émarge à 3 millions d’euros par an, soit deux fois moins que Verratti (dont l’hygiène de vie est toujours aussi bonne), Kimpembe et Draxler à 7,2 millions. Sinon, Marquinhos et Di María sont à 13 millions et Mbappé à 18 millions. Et pour la petite histoire, Lass Diarra est à 4 millions. Oui, dans l’absolu, c’est beaucoup d’argent. Oui, il est « grassement » payé. Mais c’est le rapport aux autres qui importe. Combien d’entre vous se sont contentés de leur premier salaire sans jamais demander d’augmentation parce que c’est déjà bien suffisant ? On est tous le pauvre de quelqu’un. L’important, c’est d’être récompensé à sa juste valeur, ou ce que l’on estime l’être. Le fait que Rabiot soit footballeur, qu’il soit payé pour « taper dans un ballon » , que ce soit sa « passion » ne change strictement rien. Avec ce même raisonnement, on paye des gens en exposition et en image et en promesses de bouche-à-oreille, ou on leur demande de traverser la rue.

Antero Henrique ne cédera pas. Il l’a dit haut et fort, le bannissant du groupe pro. Sous couvert que « le joueur et son représentant nous ont induit en erreur pendant plusieurs mois.(…)Cette situation est irrespectueuse à la fois pour le club et pour les fans. » Nous y voilà ! Le mensonge ! Le PSG, cette grande institution, n’a absolument pas répété à de multiples reprises qu’il allait recruter un 6 et ainsi permettre à Rabiot de s’épanouir en relayeur. Le PSG, ce défenseur de la parole donnée, n’a jamais envoyé lofté Dhorasoo, Luyindula ou plus récemment Ben Arfa, quitte à se faire taper sur les doigts par l’UNFP. Pendant ce temps-là à Manchester United, De Gea, Herrera et Martial, tous en fin de contrat en juin prochain eux aussi, sont titulaires. Idem pour Ramsey à Arsenal. Si quelqu’un a menti, dans les faits, c’est Henrique. Le club parisien a voulu faire de Rabiot un symbole de sa formation, le « titi » parisien, lui, le préféré de Nasser. Comme Mamadou Sakho avant lui, parti à Liverpool pour « casser ce truc-là avec Paris pour prouver et montrer qu’à partir du moment où mon travail n’était pas récompensé, j’ai préféré prendre une décision et l’assumer.(…)Parfois, dans le football, on a tendance à oublier qu’on est des hommes avant tout. On utilise les joueurs par rapport à leur image et ce qu’ils représentent au sein d’un club. » Sakho, toujours dans le cœur des supporters parisiens malgré tout, peut-être parce qu’il a rapporté de l’argent au club en partant, peut-être parce qu’il a toujours crié haut et fort son attachement au club de son cœur.

Jouer au football pour les siens

Plus que le PSG, Adrien aime le football. Il aime y jouer. Lors de sa première négociation houleuse avec le PSG, la question du temps de jeu était déjà centrale. Son dernier retard qui lui a valu une sanction avec Mbappé, c’était pour regarder le Clásico, pas pour se remettre d’une gueule de bois. Lorsqu’il décline sa place de réserviste pour le Mondial, c’est parce qu’il s’estime lésé, délaissé, parce qu’il voulait simplement jouer au football. Si défendre l’équipe de France, la patrie, tout cela, ce n’est pas rien, il y en a qui arrêtent le foot parce qu’ils n’ont pas été convoqués deux week-ends de suite avec la B de Trélissac. Ne jamais sous-estimer la frustration, la volonté de justice et de reconnaissance.

Avant l’épisode Clásico, le « Duc » a eu un autre problème d’horaire. Mai 2015, le PSG, qui s’apprête à disputer une énième finale de Coupe de France, prend la direction du Parc pour un dernier entraînement. Adrien et sa mère sont en retard de quelques minutes pour prendre le bus ; l’intendant leur indique que le bus va les attendre. Pas du goût d’Ibrahimović, qui fait partir le convoi. Sommé de rejoindre le stade seul, Rabiot refuse et rentre chez lui. Il ne jouera pas la finale. Une situation qui en rappelle une autre, quelques années plus tôt. Alors qu’il vient de signer son premier contrat pro peu de temps auparavant, il refuse de partir au stage hivernal à Doha. Sa mère n’a pas été invitée, au contraire des compagnes des joueurs. Rabiot n’a alors que 17 ans.

Indéniablement, Adrien Rabiot a besoin de Véronique. Est-ce une raison de le traiter comme un fils à maman pourri gâté pour autant ? Sait-on seulement que son père, Michel, vrai dingue de foot, a été victime il y a une dizaine d’années d’un AVC l’ayant laissé entièrement paralysé, à l’exception des yeux et des paupières ? Comment peut-on reprocher à cette famille de vouloir se mettre à l’abri ? Véronique, mère divorcée, n’a pas les codes du monde du foot, elle ne pense qu’à son fils et à son intérêt. Elle se contrefout de l’amour du maillot, de la reconnaissance du ventre et autres concepts paternalistes qui arrangent bien les multinationales que sont devenus les clubs. Le football est devenu un business comme les autres ; elle ne sait simplement pas le cacher derrière des belles paroles. Le père de Mbappé, Wilfried, est également son agent, et a tenté de négocier pour son fils une clause stipulant qu’en cas de Ballon d’or, il devienne automatiquement le joueur le mieux payé du club. Mais Wilfried, ancien joueur de niveau régional, éducateur à Bondy, est du sérail, et surtout, c’est un homme. Taper sur Véronique Rabiot parce qu’elle veut ce qu’elle estime le mieux pour son fils est au mieux de la méconnaissance, au pire de la bêtise doublée de sexisme.

Écris l’histoire

« Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui. » C’est par cette citation de Jonathan Swift que s’ouvre le roman La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole. Une épigraphe rajoutée sur le tard par l’auteur, déprimé, incapable de trouver un éditeur malgré ses multiples tentatives. Il se suicidera en 1969, à 31 ans. Grâce aux efforts inlassables de sa mère, le livre a finalement été publié en 1980, glanant dans la foulée un Pulitzer. Il y a un peu de Toole chez Rabiot, comme il y en a chez Yoann Gourcuff, autre génie incompris, parfois nonchalant, jugé fragile, taiseux, même si les raisons sont différentes – ne demandez jamais au premier d’analyser un match comme le second. On vous reproche du vent, des fantasmes, faute d’avoir écrit votre légende, de ne pas avoir assez crié votre engagement à qui veut l’entendre, pour mieux embrasser un autre écusson le lendemain. Curieux également de voir les supporters parisiens se fier autant aux bruits de couloir et autres suppositions d’un certain grand quotidien national, montré du doigt pour sa partialité dans tous les autres domaines. Délit de sale belle gueule peut-être aussi. Drôle d’idée que de couronner un joueur « Louis XIV » au pays de la Révolution.

Et maintenant quoi ? Le PSG va perdre Adrien Rabiot pour rien, et ce n’est pas en l’envoyant en réserve qu’il va changer d’avis et s’asseoir sur une grosse prime à la signature. Face à Strasbourg, Dani Alves a de nouveau été aligné au milieu, en compagnie de Julian Draxler. Un arrière droit de 35 ans et un ailier gauche dans un double pivot. Pourquoi alors ne pas profiter encore un peu d’Adrien ? Le PSG a déjà tout perdu dans le dossier, le joueur n’a, lui, plus qu’à choisir entre la Juve, Chelsea, le Bayern et Tottenham. Si la signature de Leandro Paredes règle sans doute enfin le problème du 6, autant profiter encore un peu de Rabiot. Les séparations n’ont pas toujours à être violentes. Et qui sait, on a déjà vu rejaillir le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux.

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