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Les Monuments Men de l’AC Ajaccio
Après sa descente vertigineuse en Régional 2, résultat d’années de gestion catastrophique, l’AC Ajaccio peut compter sur le soutien de plusieurs de ses anciens joueurs pros. Avec l’espoir de remettre le club à sa place.

L’AC Ajaccio existera-t-elle encore dans un mois ? Depuis quelques jours, le club corse vit un nouveau cauchemar avec les suites de « l’affaire Youcef Belaïli » et 380 000€ à régler, en plus d’une interdiction de recrutement. Résultat, l’ACA ne peut, pour le moment, engager son équipe première en Régionale 2. Le club a d’ailleurs été contraint au forfait le week-end dernier en Coupe de Corse. Si la situation dure et qu’Ajaccio devait enchaîner trois forfaits en championnat, il serait forfait général et relégué en Régionale 3. Avec une crainte légitime de disparition.
« L’AC Ajaccio, c’est l’amour »
En Corse et autour du club, on ne veut pas imaginer un tel scénario, pour le moment. Surtout que l’ACA, après le tremblement de terre de l’été et cette décision d’une terrible rétrogradation pour passer de la Ligue 2 au Régional 2, a su repartir de l’avant et s’entourer. Ainsi, Benjamin André (Lille), Rémy Cabella (Olympiakos), Vincent Marchetti (Paris FC), Andy Delort, Cédric Avinel ou encore Riad Nouri, tous des pros et anciens pros passés par François-Coty, se sont engagés pour aider à la reconstruction. Les trois premiers cités s’investissent dans ce nouveau projet en coulisses, tandis que les trois autres seront directement impliqués sur le terrain. « L’ACA, c’est l’amour, clame Andy Delort. Ma femme est corse. Je l’ai rencontrée ici. C’est mon premier club, j’y ai des moments inoubliables… »
Je ne suis pas surpris. Ça sentait un peu la merde depuis un moment.
Toujours sous contrat au Mouloudia d’Alger cet été, mais malheureux, sa famille étant restée en France, l’ancien attaquant de Montpellier s’est mis d’accord avec le club algérien. Et malgré des offres à l’étranger, l’appel de détresse de l’ACA a été plus fort. « Je voulais faire partie du projet dès le départ, poursuit Delort. Je trouvais l’histoire belle. J’essaie d’aider au quotidien. C’est beau ce qui se passe. » « L’amoureux du club a été touché, avoue de son côté Vincent Marchetti, qui a porté le maillot rouge et blanc entre 2010 et 2015 et entre 2020 et 2024. La sensation est horrible. Mais c’est encore pire pour les gens qui sont sur place, qui avaient encore de l’espoir… »
𝐀𝐧𝐝𝐲 𝐃𝐞𝐥𝐨𝐫𝐭, 𝐮 𝐫𝐢𝐭𝐨𝐫𝐧𝐮 ! Être là dans la difficulté, dès le début du projet pour redorer le blason de mon club. Les mots de notre attaquant portant un maillot symbolique d'Étienne Sansonnetti. Bon retour à la maison Andy #ACAjaccio #OrsuEternu pic.twitter.com/SEwVgY0ulN
— AC Ajaccio (@ACAjaccio) September 10, 2025
S’il n’imaginait pas une rétrogradation aussi dure, Marchetti n’a pas franchement été surpris : « C’est arrivé assez brutalement, honnêtement. Mais connaissant le club, avec les méthodes de fonctionnement, je savais que s’il allait y avoir un couac un jour, ça allait descendre fort. Je ne suis pas surpris. Ça sentait un peu la merde depuis un moment. C’est l’effet boule de neige. Et à un moment donné, ça ne passe plus. »
Quand les retraités rechaussent les crampons
Riad Nouri, huit ans d’expérience à l’ACA (2015-2019 et 2020-2024), n’est pas non plus tombé des nues. Même si lui imaginait plutôt une descente en National. Pas plus. « Sur les deux dernières années, c’est parti en vrille. L’ambiance n’était plus la même. On le ressentait même en dehors du terrain. C’est une grosse déconvenue. »Delà à en vouloir à l’ancienne direction ? « Oui et non. Oui, ça a été mal géré, ça, c’est sûr. Le pourquoi du comment, malheureusement, on ne sait pas tout et je ne pense pas qu’on saura tout. » À 40 ans, le Franco-Algérien passe ses diplômes d’entraîneur et serait resté au club quoi qu’il arrive pour coacher. « Mais j’ai dit pourquoi ne pas donner un coup de main à l’équipe première avec Antho ? » C’est Anthony Lippini, ex-joueur pro également, en charge des U17 jusqu’ici, qui a été nommé entraîneur en R2. « Et, de temps à autre, ce sera remettre les crampons pour aider sur quelques matchs », ajoute Riad Nouri.
Je ne pouvais pas ne pas répondre à cette proposition. Si je peux aider à mon niveau, je vais essayer de le faire de la meilleure des façons.
Retraité des terrains depuis un an et installé à Ajaccio, Cédric Avinel (39 ans, ex-Ajaccio 2017-2024) a également replongé. « Ce n’était pas le projet que j’avais, reconnaît-il. Mais je ne pouvais pas ne pas répondre à cette proposition. Si je peux aider à mon niveau, je vais essayer de le faire de la meilleure des façons. Je ne peux pas oublier tout ce que le club m’a donné. » En Ligue 1 avec le Paris FC, Vincent Marchetti a toutefois voulu s’investir à fond : « Je ne vais pas dire que l’administratif est mon domaine de prédilection. Ça va plutôt être sur la partie sportive. Ce qui est bien, c’est d’avoir des joueurs pros au cœur de l’équipe dirigeante. On sait comment fonctionne un club, on connaît un peu les rouages. Je veux vraiment aider et être là. » Depuis Paris, le milieu de terrain est représenté en permanence en Corse par une personne lors des différentes réunions. Derrière, débrief complet. « Et si j’ai des choses à transmettre, il fait le relais ou je contacte les gens sur place. Ça peut être sur tout : le sportif, la vie du club… C’est beaucoup dans l’échange. Je trouve ça bien. C’est instructif et c’est sain. Ça avance dans le bon sens. »
Le bénévolat et le combat
Marchetti compare l’élan ajaccien à celui du Nîmes Olympiques avec les Anthony Briançon, Renaud Ripart et autres Théo Valls venus à la rescousse des Crocos. « Que les anciens viennent ne me choquent pas, assure Marchetti. Ça m’a inspiré de la fierté. Je me dis que ce n’est pas partout que ça peut se passer. On a des défauts, comme tous les clubs, mais c’est un club attachant. Quand tu y es, tu sens que tu es aimé, qu’on est content que tu sois là. » C’est en ça que Riad Nouri a vu toute une ville dépitée, un engouement des vendredis ou samedis soir qu’on ne verra plus en pros avant un moment. « Les supporters ont pris un coup. Mais c’est reparti. Pour l’instant, tout le monde tire dans le même sens. Le football a une place importante ici. »
Mais l’ACA saura-t-elle reprendre rapidement cette place pour voler de ses propres ailes ? « Ça fait chaud au cœur de voir que ceux qui aiment vraiment le club participent, pose Nouri. Après, jusqu’à quand, je ne sais pas. Pour l’instant, on est tous bénévoles. Cette année, on est là, on le fait avec le cœur. On a nos familles, nos affaires… On ne pourra pas faire ça bénévolement à vie. Mais je n’ai jamais rien demandé au club et je ne demanderai jamais rien. »
On garde une structure pro. On a envie d’écrire l’histoire. Elle est belle à écrire.
D’abord surfer sur cet élan, comme si tout le monde était encore sonné, mais en étant conscient qu’il faut se retrousser les manches. « Avec l’engouement, les passionnés qui se donnent, les bénévoles, les joueurs qui reviennent : on n’a pas l’impression qu’on est à ce niveau-là, constate Andy Delort. On garde une structure pro. On a envie d’écrire l’histoire. Elle est belle à écrire. » Avec cet esprit corse toujours ancré et sur lequel beaucoup s’appuieront. Vincent Marchetti : « Ça représente beaucoup. On est quand même très fier de notre club, de nos valeurs. Ça vient nous toucher au-delà du sport. Toutes les valeurs qu’on essaie d’inculquer aux jeunes et aux mecs qui arrivent : la combativité, faire de grandes choses avec peu de moyens, cette notion de ne jamais rien lâcher. C’est ce qui se passe un peu aujourd’hui. On ne laisse pas le club mourir, et on va se battre. »
L’AC Ajaccio écrit à la FIFA pour rapporter l'escroquerie de Youcef BelaïliPar Timothé Crépin
Tous propos recueillis par TC.