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Akropolis, voyage au bout de l’enfer

Par Matthieu Darbas
5 minutes
Akropolis, voyage au bout de l’enfer

Au bord du gouffre, l'Akropolis IF a été giflé 28-0 pour le compte du premier match de la saison en quatrième division suédoise. Ancien pensionnaire de la Superettan (D2), l'écurie gréco-suédoise a quitté le monde professionnel en seulement quelques mois, pour des raisons financières. Entre bénévolat et corruption, le club fondé il y a 54 ans traverse la période la plus difficile de son histoire, pour ne pas dire mortelle.

« Si nous ne trouvons pas les fonds suffisants pour sauver le club, Akropolis n’existera plus dans quelques semaines. » Ça a le mérite d’être clair. Interrogé par le média sportif scandinave Fotbollskanalen, l’ancien agent et nouveau président de l’Akropolis IF Glenn Bovin n’y est pas allé par quatre chemins au moment de présenter les ambitions de l’écurie suédoise pour cette saison. Et pour cause, le club créé en 1968 s’approche doucement, mais sûrement d’une liquidation inévitable. Relégué en décembre dernier en troisième division, l’AIF a été rétrogradée dans la foulée un échelon plus bas par le conseil d’administration de la Fédération suédoise de football, en plus de voir sa participation à la coupe nationale annulée. La raison : le club a été dans l’incapacité de présenter des ressources suffisantes pour assumer une saison en Ettan Norra, D3 et plus haute division du football amateur suédois. Résultat : voilà le club bleu et blanc en quatrième division. Et le cauchemar semble bien décidé à s’éterniser, puisque le premier match de la saison s’est soldé par une défaite sanglante 28-0.

Une défaite loin d’être surprenante

28 à rien. 13-0 à la pause. Un but toutes les trois minutes. En se déplaçant dans le nord de Stockholm samedi dernier, les joueurs du Stocksunds Idrottsförening ne s’attendaient sûrement pas à coller une telle gifle. Mais si ce résultat est surprenant sur le papier, tout devient parfaitement logique une fois le gros nœud démêlé. « Akropolis a eu beaucoup de mal à payer les salaires des joueurs en 2021, si bien que lorsque l’équipe a été reléguée, tous les joueurs et entraîneurs ont quitté le club », assure Tobias Hellgren, journaliste suédois pour la chaîne TV4 et Fotbollskanalen. Deux ans plus tôt, l’AIF, club fondé par le président Theofilos Tsappos et historiquement connu pour avoir rassemblé de nombreux migrants grecs, a réalisé le plus grand exploit de son histoire en accédant à la Superettan (deuxième division suédoise, NDLR). Le club fait même plus fort en terminant cinquième de la saison et donc tout proche de goûter à l’élite nationale. Ambitieux et déterminés à rapidement toucher au Graal, les dirigeants gréco-suédois de l’Akropolis décident alors d’investir. Énormément. « Des sommes que le club ne pouvait pas du tout se permettre », ajoute Tobias.

S’ensuivent des emprunts mirobolants et l’achat de joueurs expérimentés comme Daniel Larsson et Astrit Ajdarević, anciens internationaux suédois et albanais. Problème : il n’y aura pas et il n’y aura sûrement jamais de retour sur l’investissement. En terminant à la treizième marche du championnat et donc dans la zone rouge, l’AIF est contrainte de disputer un match de barrage face au deuxième de la quatrième division. Le club perd 3-0 face au Skövde AIK sur l’ensemble des deux rencontres et transforme alors tous les mirages en mauvais rêves. « C’est unique et inédit de voir un club passer aussi rapidement de la deuxième division à la quatrième en une année », note Tobias avant d’en revenir au départ de tous les membres du club : « En perdant la licence d’élite(ou licence de club professionnel, NDLR), Akropolis a vu ses dettes s’accumuler. Les salaires ont enfin tous été payés, mais le club se bat maintenant avec des dettes très élevées. » Les médias suédois s’accordent à dire qu’elles avoisineraient au total les 150 000 euros.

Quel avenir ?

Bien que le club ait réussi à trouver une belle astuce pour former une équipe à moindre coût, les résultats devraient mettre du temps à devenir positifs. « Les dirigeants ont offert aux joueurs libres la possibilité de jouer gratuitement au club jusqu’à l’été. En contrepartie, ces joueurs ont la possibilité de montrer leurs qualités et éventuellement de relancer leur carrière dans un autre club au prochain mercato », confie le journaliste suédois. Samedi dernier, Akropolis ne comptait alors que deux joueurs ayant joué en quatrième division, ou plus haut. Tout le reste, ce sont des bénévoles, des amateurs, des supporters du club… autant dire que la différence de niveau se fait ressentir et que la gifle n’a rien d’étonnant. « Nous prenons en charge seulement les frais de transport avec l’aide de petits sponsors », lançait Glenn Bovin il y a plusieurs semaines. Sans aucun joueur et entraîneur sous contrat, le club compte sur ses jeunes pour sortir la tête de l’eau. « Leur salut passera par leurs académies de jeunes qui se développent petit à petit », explique Nino, rédacteur pour Nordisk Football et grand admirateur du cuir suédois.

Du point de vue financier, l’avenir ne présage rien de bon. Épaulé par l’ancien président Gojko Drinić, Bovin annonçait avoir trouvé des sponsors intéressants souhaitant sauver le navire. Toutefois, les négociations avec une société grecque spécialisée dans la production d’huile d’olive et une boîte de technologie médicale ont vite été rompues. La raison en est racontée par le président lui-même : « Avant d’intervenir et de nous aider, elles voulaient s’assurer qu’il n’y avait rien de bizarre dans nos comptes. Nous avons lancé une enquête interne sur la responsabilité des anciens membres du conseil d’administration. Ce que nous pouvons constater, c’est qu’ils ont été dépensiers en signant des contrats coûteux avec des joueurs et des entraîneurs. Nous enquêtons sur l’utilisation abusive des ressources et nous n’hésiterons pas à déposer une plainte si nous constatons que des erreurs ont été commises. » Difficile d’attirer des investisseurs si les fonds ne sont pas propres. « Les rumeurs vont vite en Suède sur les questions de corruption quand les clubs ont un succès un peu étonnant, pointe Nino. Comme pour d’autres clubs qui ont eu une présidence plus que douteuse, nul doute que des questions se sont déjà posées autour d’Akropolis. Jusqu’ici, rien n’a été prouvé. Impossible donc de les accuser, même si certains comportements et actions au sein du club sont en effet mystérieux. » Et au regard du silence et de la frilosité d’anciens joueurs et dirigeants que nous avons contactés, l’avenir de l’Akropolis IF devrait plus se tenir en justice que dans un championnat professionnel.

Un derby, deux grands corps malades

Par Matthieu Darbas

Tous propos recueillis par MD, sauf mentions.
Photos : Facebook de l'Akropolis IF.

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