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Yzeure, un petit poucet pour l’histoire

Par Harrel Mbadinga-Obame et Tom Binet
6 minutes
Yzeure, un petit poucet pour l’histoire

Qualifiées pour la finale de la Coupe de France, les filles d’Yzeure s’apprêtent à défier le PSG ce dimanche à Gaston-Gérard pour le plus grand défi de leur carrière. Surtout, si la coupe a pris l’habitude de faire la part belle aux clubs amateurs chez les garçons, ce n’est que la deuxième fois qu’une équipe de D2 parvient à se hisser jusqu’à la dernière marche du côté des féminines. Avec l’ambition d’écrire une histoire hors du commun.

Le 5 juin 2009 en lever de rideau d’un France-Turquie, c’est à un moment d’histoire du football féminin français qu’assiste le public du stade de Gerland. La finale de ce qui s’appelle encore le Challenge de France – devenu Coupe de France féminine deux ans plus tard – oppose alors l’armada montpelliéraine au Mans, club de deuxième division. Battues par les vice-championnes de France, les Sarthoises sont alors loin d’imaginer qu’il faudra treize ans pour voir à nouveau une écurie de deuxième division arriver jusque-là. C’est désormais chose faite. L’heureux élu ? Le Football féminin Yzeure Allier Auvergne (FFYAA).

L’heure d’Yzeure

Au fin fond de l’Allier, là où beaucoup d’agriculteurs ont fait le choix du 100% bio, le club de la commune d’Yzeure a fait le choix du 100% féminin. Non professionnelles, les demoiselles occupent une honorable troisième place dans la poule B de D2. « Les joueuses sont obligées de travailler à côté, donc elles ont leurs journées de travail toute la semaine et le soir on se retrouve sur les 18h30/19h sur le terrain pour les séances d’entraînement », décrit l’entraîneur, Ophélie Meilleroux. Avec le plus petit budget de leur championnat (275 000 euros), 28 fois inférieur aux Parisiennes. Les Yzeuriennes sont contraintes à une gestion des finances façon Guy Roux, ce qui aboutit à un décalage abyssal en matière de qualité dans l’appréhension des rencontres : « Quand on compare les deux préparations c’est complètement différent. On n’a pas de salle de muscu, on n’a pas de salle de soin, le kiné vient dans un petit local de trois mètres carré pour faire quelques soins aux joueuses avant l’entraînement. Ce sont des conditions spartiates », déplore la coach, également vice-présidente et responsable technique jeunes.

Ce qui maintient en vie ce club, c’est l’amour, celui de ses bénévoles et de son public, meilleure affluence de la division. Du cœur, les joueuses en ont aussi beaucoup, gravissant les échelons face à des sections féminines de club masculins professionnels comme Nantes, Toulouse et Lille. Même si les pensionnaires du stade de Bellevue ont eu un peu de réussite dans leur parcours, ne croisant aucune formation de première division. Les représentantes de l’Auvergne ont remporté trois matchs de suite au bout du suspense des tirs au but. Un exercice qui, paradoxalement, n’a jamais été travaillé à l’entraînement. Cette réussite collective, l’ancienne internationale française préfère l’attribuer aux valeurs de son groupe : « Cette notion de combativité, de solidarité qu’elles ont démontrée les unes avec les autres. Même arrivées à cette étape-là du match, elles n’ont pas baissé la tête. »

Le charme de la coupe

Cette qualification du FFYAA pour la finale de Coupe de France féminine représente un véritable exploit. Treize ans après, les filles du Mans ne sont plus seules. « Je suis content que ce soit elles qui nous accompagnent dans ce petit palmarès des clubs de deuxième division [qualifiés en finale], savoure Xavier Aubert, à la tête de la section féminine du MUC72 en 2009 lors de la finale perdue contre Montpellier (1-3). Pour un club amateur rattaché à personne, c’est formidable. La Coupe de France reste la seule compétition où les amateurs côtoient les professionnels, on reste sur ce charme de la coupe. » Une compétition qui a régulièrement fait la part belle aux petits poucets du côté des hommes, mais peine à s’offrir aux clubs amateurs chez les femmes. « Je pense que jusqu’à ces dernières saisons, il y avait un grand écart entre ces équipes-là, même si aujourd’hui il se resserre », affirme Ophélie Meilleroux.

Le constat est le même du côté de Xavier Aubert, également passé sur le banc d’Yzeure lors de la saison 2012-2013. « Il y a 13 ans, c’était impensable de voir une équipe de D2 aller en finale. On avait battu trois équipes de D1, c’était un parcours extraordinaire, l’aboutissement du projet du club. » Des parcours hors du commun qui pourraient toutefois se multiplier dans les années à venir. « Aujourd’hui, on s’aperçoit que beaucoup de clubs pros ont investi dans le foot féminin, et cela permet d’avoir des rencontres de plus haut niveau. On peut être amenés dans les prochaines années à voir d’autres équipes amateurs aller loin, on voit que cette année, Yzeure gagne sa demi-finale contre Nantes. » Cette année, ce sont bien les filles d’Ophélie Meilleroux qui porteront le flambeau des clubs féminins amateurs. « Ce n’est pas une pression, on est fiers pour nous dans un premier temps, assure celle qui a pris place comme n°1 sur le banc en février dernier. J’ai eu pas mal de soutien de clubs amateurs comme le nôtre. Ça fait plaisir de représenter ces clubs qui sont dans l’ombre. »

Aller plus haut

Et de profiter des opportunités de prendre un peu la lumière pour un club qui a connu la D1 entre 2008 et 2014. « C’est bien parce qu’Yzeure travaille énormément pour le développement du foot féminin », apprécie Xavier Aubert. Une chance pour une section féminine qui n’est pas rattachée à un club professionnel, comme nombre de ses adversaires. « Il y a quelques années, le fossé entre les équipes de D1 et de D2 existait déjà. Il existe encore, mais aujourd’hui même en D2, il faut être structuré, avoir des moyens financiers », poursuit Aubert.

Avec les locomotives que sont l’Olympique lyonnais et le Paris Saint-Germain, le football féminin français est très bien représenté à l’échelle européenne. Mais ce sont peut-être les deux immenses séquoias qui cachent une forêt de petits arbustes mal arrosés. La professionnalisation du football féminin est encore en développement, du fait de son engouement récent. C’est pour cela que les équipes des deux premières divisions françaises peuvent encore être au statut amateur, ce qui maintient certains clubs à un niveau précaire.

Face à cela, pas le choix pour le FFYAA, qui joue la carte du club familial avec un effectif des plus cosmopolites (Haïti, Israël, Portugal, Sénégal, Canada…). « Si nos joueuses viennent à Yzeure, ce n’est pas pour les conditions, elles le savent, reconnaît encore l’entraîneur. Quand on leur présente le club, on ne leur vend pas du rêve. Elles connaissent les conditions avant de signer. Elles viennent pour vivre des émotions, progresser individuellement et avoir des résultats au niveau collectif. » Stratégie qui a plutôt porté ses fruits jusqu’ici, d’autant que côté émotions, les intéressées devraient faire le plein lors de cette finale. Mais attention à ne pas se laisser submerger. « Le plus gros regret, c’est qu’on a commencé à jouer la finale après 20 minutes parce qu’on s’était préparés comme un club amateur pour un grand événement national. Quand vous arrivez à Gerland et que vous n’avez jamais vu le stade, les filles étaient plus spectatrices dans un premier temps, rejoue treize ans après Xavier Aubert. Malgré tout, ça reste un des plus beaux souvenirs qu’on ait pu avoir, et l’année d’après, on est montés en D1 avec le même groupe. » Voilà qui pourrait donner quelques idées du côté de l’Allier.

Dans cet article :
Un derby, deux grands corps malades
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Par Harrel Mbadinga-Obame et Tom Binet

Tous propos recueillis par HMO et TB.

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