- Angleterre
- Justice
Wagatha Christie : amour, gloire et aucune pitié
Du 10 au 19 mai, la Cour royale de justice du Royaume-Uni a été le théâtre du très suivi procès de l’affaire « Wagatha Christie ». Au cœur de l’attention : une grosse embrouille entre deux femmes de footballeurs, Coleen Rooney et Rebekah Vardy, la seconde poursuivant la première pour diffamation après que celle-ci l’a accusée publiquement d’avoir fait fuiter des informations privées au Sun. Pour connaître le verdict de la juge, il faudra encore attendre. Les tabloïds anglais, eux, se sont délectés de ce grand déballage.
C’est bien connu, le Daily Mail n’est pas du genre à faire dans la surenchère. Il y a deux ans, au moment où la perspective d’un procès devenait de plus en plus concrète, le tabloïd anglais parlait de « guerre des WAG à un million de livres » pour qualifier le conflit entre Coleen Rooney et Rebekah Vardy. Au cours de la semaine écoulée, il a cette fois été question d’un « procès pour diffamation à trois millions de livres ». Ces montants, astronomiques à défaut d’être d’une fiabilité à toute épreuve, font référence aux frais engagés par les deux femmes pour s’attacher les services de leurs avocats. David Sherborne et Hugh Tomlinson sont des ténors du barreau, qui ont notamment défendu les intérêts de Johnny Depp et du prince Charles par le passé et se sont retrouvés face-à-face, du 10 au 19 mai, dans le cadre de la rocambolesque et très médiatisée affaire « Wagatha Christie » .
Infos bidon et grande révélation
Pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette histoire qui passionne outre-Manche, il faut remonter quelques années en arrière. Mariée à Wayne, son amour de jeunesse, depuis juin 2008, Coleen Rooney a l’habitude d’attirer les objectifs des paparazzis et d’alimenter les rubriques WAG (acronyme utilisé pour désigner les femmes et petites amies de joueurs) des tabloïds. Que ceux-ci se gaussent de sa cellulite ou pointent du doigt les infidélités de son mari, ça passe encore. En revanche, l’influenceuse s’étonne de voir paraître dans le Sun des articles concernant des événements dont seuls des proches peuvent avoir connaissance. Autrement dit, des personnes ayant accès à son compte Instagram privé. D’où proviennent ces fuites récurrentes ? Coleen a quelques soupçons et, pour en avoir le cœur net, décide de mener sa propre enquête. Elle publie des stories contenant de fausses informations (l’inondation de l’une de ses propriétés, un voyage au Mexique pour choisir le genre de son prochain enfant…) et s’arrange pour qu’elles ne soient vues que par un seul compte. Une technique astucieuse – que les amateurs de romans d’espionnage assimileront à celle du bleu de méthylène – qui porte ses fruits, puisque ces infos bidon sont reprises par le Sun peu de temps après. La traîtresse est toute trouvée. Il s’agit de Rebekah Vardy, avec laquelle elle s’est liée d’amitié pendant l’Euro 2016.
This has been a burden in my life for a few years now and finally I have got to the bottom of it…… pic.twitter.com/0YqJAoXuK1
— Coleen Rooney (@ColeenRoo) October 9, 2019
Le 9 octobre 2019, Coleen Rooney dégaine un message sur Twitter afin de dévoiler le résultat de son enquête à ses très nombreux followers. Voyant son nom ainsi livré sur la place publique, la femme du buteur de Leicester dément fermement et déplore le fait que celle qui l’accuse n’ait pas préféré l’appeler pour discuter de tout cela de manière plus discrète. Victime de harcèlement sur les réseaux sociaux, elle est hospitalisée à trois reprises à cause de crises d’anxiété et craint même de faire une fausse couche. En juin 2020, Rebekah contre-attaque et annonce poursuivre Coleen en justice pour diffamation. Quelques mois plus tard, en novembre, un juge tranche en faveur de Vardy à l’issue de l’audience préliminaire, mais il ne se prononce pas sur le fond de l’affaire. Les deux femmes ont alors jusqu’au 8 février 2021 pour tenter de trouver une solution par conciliation et s’éviter un procès. Peine perdue. La confrontation tant attendue est prévue pour mai 2022.
Un téléphone sous l’eau, Wayne monte au créneau
C’est au sein de la prestigieuse Cour royale de justice du Royaume-Uni, à Londres, que s’ouvre, mardi 10 mai, le procès de l’affaire Wagatha Christie (appelée ainsi en référence à la célèbre romancière britannique). Le clan Rooney a pour charge de prouver la responsabilité de Rebekah Vardy dans la fuite des informations, ou de convaincre le juge que la publication du tweet mettant en cause cette dernière allait dans le sens de l’intérêt général. Les tabloïds sont évidemment en première ligne, mais d’autres médias réputés plus sérieux, comme la BBC ou The Independent, accordent une importance toute particulière à la couverture des débats. Très vite, un troisième nom est mis en avant : celui de Caroline Watts. Agente et amie de « Becky » Vardy, avec laquelle elle partageait souvent des « potins », elle avait accès au compte Instagram de l’influenceuse de 40 ans et pouvait par conséquent voir les stories de Coleen. Mettre la main sur son téléphone portable aurait pu s’avérer utile, ne serait-ce que pour repérer des échanges de messages potentiellement compromettants. Hélas, l’appareil est malencontreusement tombé à l’eau quelque temps auparavant, lors d’une virée en bateau sur la mer du Nord. D’après un autre témoignage, Rebekah aurait confié ses identifiants à un photographe pour qu’il puisse vendre des infos, mais cela n’a pas non plus été confirmé. Quoi qu’il en soit, l’hypothèse selon laquelle les fuites proviendraient d’une tierce personne ayant utilisé le compte Instagram de Vardy n’est écartée par aucun des deux camps.
Rebekah Vardy
Pour le reste, ce procès prend souvent des allures de règlement de comptes. On se demande d’ailleurs si certaines révélations sont absolument nécessaires pour la bonne compréhension de l’affaire, comme lorsque Coleen affirme que Rebekah avait fait des siennes pour s’installer où bon lui semblait en tribunes pendant l’Euro 2016 et le Mondial 2018. Si elle admet avoir tenté de divulguer, en avril 2019, l’accident de voiture en état d’ébriété de Danny Drinkwater, Becky rejette les autres accusations formulées à son encontre, malgré la lecture de messages pouvant laisser penser le contraire. Le 17 mai, Wayne Rooney entre en scène. Appelé à la barre, le manager de Derby County revient sur une discussion qu’il a eue avec Jamie Vardy pendant l’Euro disputé en France. À l’époque, la femme de ce dernier tient une chronique pour le Sun, et le staff de Roy Hodgson craint que cela ne soit de nature à susciter une distraction chez les Three Lions. « Je me souviens de la conversation que j’ai eue avec Jamie. C’était un peu gênant pour moi de devoir parler avec un coéquipier au sujet de sa femme », se remémore l’ancien attaquant de Manchester United, qui ajoute que « Mme Vardy était presque là avec l’équipe, elle était beaucoup sur FaceTime. » Ce à quoi son ex-coéquipier répond, à la sortie du tribunal : « Wayne dit n’importe quoi. Il doit être confus, parce qu’il ne m’a jamais parlé au sujet des problèmes posés par les activités médiatiques de Becky pendant l’Euro 2016. »
L’explication finale a lieu jeudi 19 mai. Sans Coleen ni Wayne Rooney, qui avaient prévu des vacances de longue date avec leurs quatre fils à ce moment-là. Mais avec leur avocat, David Sherborne, dont la plaidoirie est pour le moins virulente à l’égard de Rebekah Vardy. Celle-ci est en effet accusée d’avoir « menti sous serment » et d’avoir apporté des « preuves non plausibles ». Son représentant, Hugh Tomlinson, réplique en exigeant d’importantes réparations pour sa cliente, ciblée par une « très sérieuse diffamation ». Il concède néanmoins que « Mme Vardy a évidemment fait des erreurs. L’une de ces erreurs est d’avoir donné sa confiance à quelqu’un à qui elle n’aurait pas dû la donner », et désigne Caroline Watts comme étant une « suspecte évidente ». La juge Karen Steyn, pour sa part, rendra son verdict à une date qui reste à déterminer. Il va donc falloir encore attendre avant d’avoir le fin mot de cette affaire. Une affaire qui a pris des proportions démesurées. Une affaire, surtout, qui n’en finit pas.
Par Raphaël Brosse