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Ujkani : « Je n’avais jamais eu les larmes aux yeux pour un match »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
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Ujkani : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je n’avais jamais eu les larmes aux yeux pour un match<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Samir Ujkani est le capitaine de la sélection du Kosovo qui fait actuellement ses grands débuts dans une campagne de qualifications. Âgé de vingt-huit ans, et gardien de Pise en D2 italienne, il fut même un des tout premiers à la rejoindre il y a un peu plus de deux ans.

Il y a un peu plus de deux ans, tu avais quitté le sélection albanaise, et le sélectionneur, De Biasi, avait justifié ce choix par la présence de Berisha, un concurrent de taille pour le poste de titulaire dans les buts.

Le président de la Fédé a tout fait pour me faciliter les choses et je l’en remercie.

Je n’ai jamais voulu répondre à cette interview, ce n’était pas le moment. Mon choix a été seulement familial et dépendait de l’histoire de mon pays. Comment ne pas comprendre que quelqu’un qui est né dans un pays et y a connu la guerre opte ensuite pour en porter les couleurs dès qu’il en a l’occasion. Un entraîneur ne peut se mettre en travers d’une telle décision. En revanche, le président de la fédé avait tout fait pour me faciliter les choses et je l’en remercie. Je pense que De Biasi craignait surtout que d’autres ne suivent mes pas.

Et ça a été le cas ?Non, j’ai été le seul. Plus tard, il y en a eu deux autres qui ont fait le même chemin, mais ils n’avaient jamais étrenné de cape avec l’Albanie, tout juste quelques convocations. J’ai vraiment pris ses propos comme une attaque personnelle.

Mais tu as perdu l’opportunité de disputer l’Euro…Certes, mais ce choix, je l’avais fait avant le début des qualifications. J’ai loupé l’Euro et perdu le respect de beaucoup de personnes en Albanie, mais aujourd’hui, je suis un homme heureux, personne ne peut m’enlever ça.

Tu veux dire que les supporters albanais n’ont pas compris ton choix ? Et le rêve de la grande Albanie qui inclut le Kosovo ?La grande Albanie, on en parle tous, mais on doit regarder la réalité, et la réalité est que le Kosovo existe. C’est un pays qui a une sélection qui fait partie de la FIFA. J’ai toujours dit à mon père que je n’hésiterais pas une seconde à l’intégrer lorsqu’elle serait créée. Et en 2014, nous n’étions pas encore certains de participer aux éliminatoires des grandes compétitions.

Quelles étaient les procédures à respecter ?Pour les amicaux, cela n’a posé aucun problème, mais pour les rencontres officielles, il y avait tout plein de documents à envoyer à la FIFA. Me concernant, cela avait pris beaucoup de retard. Le match contre la Finlande était programmé à 20h30, et le feu vert est arrivé seulement vers 16h, je n’y croyais plus !

Pourquoi d’autres comme Shaqiri ou Xhaka ne t’ont pas rejoint ?

Shaqiri et Xhaka ont grandi à l’étranger comme moi, mais se sentent kosovars.

Je les connais très bien, je suis tous leurs matchs, on se voit souvent en vacances au pays. Ils ont grandi à l’étranger comme moi, mais se sentent kosovars. Malheureusement, ils n’ont pas fait ce choix et je les respecte, car la Suisse leur a beaucoup donné. Ils étaient les premiers à me féliciter après la rencontre face à la Finlande.

Ils sont restés avec la Suisse par intérêt, aussi, non ?Ma foi, si on récupérait Behrami, Shaqiri et Xhaka, on aurait une équipe capable elle aussi de lutter pour la qualification. En tout cas, ce ne serait pas facile de nous battre…

Qu’en est-il d’Adnan Janujaz qui pouvait choisir entre sept sélections et avait finalement opté pour la Belgique ?S’il le veut, il peut encore tranquillement choisir le Kosovo, mais on n’arrive pas à le contacter, son pays a besoin de lui, j’espère qu’il nous rejoindra.

Tu es capitaine, et un des seuls nés au Kosovo, ton rôle est aussi de donner des cours d’histoire aux plus jeunes ?C’est le plus important, à dire vrai, il y a des joueurs qui ne parlent pas bien la langue. Avant le match, on écoute des chansons traditionnelles avec des paroles qui parlent de la famille, de l’union, de la souffrance. Tout le monde a perdu au moins un membre de sa famille dans cette guerre, il ne faut jamais oublier ça.

Përparim Hetemaj a décidé de ne pas jouer la rencontre opposant sa Finlande au Kosovo.Je le considère comme un frère, c’est le plus beau choix qu’il pouvait faire. La Finlande lui a tout donné, il ne pouvait jouer ni contre nous ni contre eux.

Quels souvenirs conserves-tu du tout premier match contre Haïti en mars 2014 ?Le plus beau match de carrière. C’est la première fois que j’ai eu les larmes aux yeux. Le stade de Mitrovica, où j’ai de la famille, était plein, tout le monde chantait, c’était une énorme fierté, on voyait qu’on avait fait un pas en avant dans l’histoire de notre pays.

Finlande-Kosovo de septembre dernier a donc été la première rencontre officielle, il s’agissait désormais de penser au résultat.Oui, c’était très sérieux, on savait que c’était la seule équipe de notre groupe qu’on pouvait vraiment accrocher. Les vingt premières minutes ont été difficiles, j’ai dû sortir une grosse parade, puis on prend un but sur corner qui nous a finalement libérés. Derrière, on a fait un match spectaculaire, sans jamais jeter le ballon, on touche la barre, leur gardien fait un arrêt miracle, on nous refuse un penalty et on égalise.

Est-ce que le 6-0 encaissé face à la Croatie un mois plus tard ne vous a pas ramenés à la réalité ?

Même si on perd 6-0, je ne connais pas beaucoup d’équipes qui ont eu huit occasions de buts contre la Croatie.

Disons que le score ne reflète pas la physionomie. Je ne connais pas beaucoup d’équipes qui ont eu huit occasions de buts contre la Croatie. À 0-1, on nous refuse un péno après une main flagrante, à 0-2, on loupe un face-à-face, idem à 0-3. On préfère jouer au ballon, plutôt que nous regrouper en défense et perdre 1-0. C’était la même chose contre l’Ukraine. On perdait 1-0, on touche encore la barre, on a des actions et on prend deux buts de merde en contre vers la fin qui alourdissent l’addition.

Pourquoi disputez-vous vos rencontres à Shkodër en Albanie ? Les travaux dans notre stade ont démarré trop tard. C’est dommage, on joue à trois cents kilomètres de notre peuple. Mais contre la Croatie, il y avait 15 000 Kosovars dans le stade. Ils ont fait des sacrifices énormes, le salaire moyen est de 300 € par mois, chacun a dépensé au moins 100 €, on était donc désolés de perdre 6-0.

Vous êtes tous joueurs professionnels, les Balkans ont une grande tradition footballistique, est-ce raisonnable de penser à un Kosovo luttant pour se qualifier à l’Euro 2020 ?On est à peiné nés, on a besoin d’expérience et on va en engranger durant cette campagne. Notre objectif numéro un est d’intégrer le plus rapidement possible le top 100 du classement FIFA (le Kosovo est actuellement 164e, ndlr), et ce, dès l’an prochain. Ensuite débuteront les qualifs de l’Euro, et là, on verra où on en est.

Que peux-tu nous dire sur ce Labinot Kabashi âgé de seulement seize ans, pensionnaire du Barça et convoqué le mois dernier ? Qu’il peut devenir un très grand, un top player. Voyons voir ce qu’il peut faire petit à petit avec le Barça, nous, on espère qu’il sera prêt dans deux, trois ans pour être un joueur phare de la sélection.

Vous ne devez compter que sur les émigrés ou il y a aussi de vrais talents au Kosovo ?

Quand vous voyez le nombre de talents kosovars à travers le monde pour un pays de seulement deux millions d’habitants… Le potentiel est énorme.

Il y en a beaucoup, mais le problème est que nous sommes extra-communautaires, cela limite donc les transferts à l’étranger. Et puis, il y a aussi les structures, j’ai connu pas mal de gamins très doués, mais qui, à dix-huit ans, ont préféré aller travailler. Le fait d’avoir été intégrés à la FIFA devrait améliorer les conditions. Quand vous voyez le nombre de talents kosovars à travers le monde pour un pays de seulement deux millions d’habitants… Le potentiel est énorme.

Votre sélectionneur, Albert Bunjaki, a dû changer son nom de famille après avoir déserté l’armée yougoslave il y a vingt ans, lui arrive-t-il de vous en parler ?Non, pas du tout, mais moi et les plus anciens, on essaie toujours de faire comprendre aux plus jeunes ce qu’est le Kosovo, ce que cela signifie jouer pour notre pays. Ils doivent comprendre ce qu’ont enduré leurs parents et grands-parents.

À quand une rencontre Serbie-Kosovo ?C’est très compliqué, du temps doit encore passer, et la FIFA le sait, on ne peut pas finir dans le même groupe de qualifications. Nous, les joueurs, on est des pros, j’ai eu des coéquipiers serbes et il n’y a jamais eu de problèmes. Ce serait la victoire du sport, mais c’est encore trop tôt, parlons-en dans vingt ans, ou alors il faut la disputer sans supporters.

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