SOS Racisme/Licra : un « bilan positif » du plan Leproux
SOS Racisme et la Licra viennent simultanément de rendre publique leur analyse (par un communiqué et un rapport) de la situation en matière de violence et de racisme au PSG, et plus largement dans le foot français. Globalement les deux associations apportent leur soutien au plan Leproux « dont elle [la Licra] s’attache à suivre de près l’application » . Hermann Ebongue, vice-président de SOS Racisme (investi dans une commission d’observation de la situation parisienne), renchérit en affirmant dans Le Parisien que « l’équilibre est encore fragile mais le bilan est positif » . Et SOS Racisme de constater la quasi-disparition des slogans racistes et autres débordements dans les tribunes du Parc des Princes (en oubliant néanmoins que les affrontements à caractère politique se sont partiellement déplacés dans la rue). Élargissant son regard à l’ensemble du pays, la Licra s’inquiète de voir monter les incidents dans les divisions inférieures et pointe, à juste titre, « la persistance d’un activisme de groupuscules politiques dans le football comme l’illustrent les agissements de l’association “Lyon Dissident” près du stade de Gerland à Lyon » .
Jusque-là, ces deux associations sont parfaitement dans leur rôle. Mais dans son rapport, dont la teneur a été partiellement révélée par nos confrères du Parisien, SOS Racisme semble aller beaucoup plus loin. Ainsi, l’association regrette le maintien de rassemblements occasionnels de groupes d’une « dizaine » de personnes des ex-Virages, au placement pourtant rendu « aléatoire » par le plan Leproux, en bas de ces tribunes (et là on se demande franchement ce qui les ennuie) et s’inquiète de la consommation de produits illicites stupéfiants dans les gradins (et là on se demande vraiment où est la relation avec la lutte contre le racisme).
Sur le fond, il y a aussi un petit hic : aucune de ces deux associations ne semble se poser la question de la pertinence des mesures prises par le gouvernement à l’encontre des supporters. « Ces événements dramatiques [la mort de Yann Lorence le 28 février 2010 à la suite d’affrontements entre supporters parisiens en marge de PSG-OM] ont conduit les pouvoirs publics, le Ministère de l’Intérieur en tête, à prendre toute la mesure d’un problème qui perdurait depuis plus de vingt ans : nouvelles dispositions législatives, multiplication des interdictions de stade, dissolutions d’associations, condamnations en justice, etc. » se félicite la Licra. Pourtant, au-delà de la légitime volonté de combattre la xénophobie et la violence, ces décisions touchent de nombreux supporters n’étant ni dangereux, ni racistes. Il serait bon de s’en inquiéter, d’autant que la LOPPSI 2 renforce les soupçons d’un traitement discriminatoire et attentatoire aux libertés individuelles envers de nombreux supporters, bien au-delà des hooligans.
On aimerait donc que ces associations invitent les pouvoirs publics à se centrer sur les problèmes graves. A en lire les extraits du rapport de SOS Racisme, on est quand même pris d’un léger doute. Profitant sans doute d’une expérience plus ancienne en ce qui concerne le racisme dans le sport, la LICRA fait preuve dans son communiqué de plus de mesure et de lucidité. Ainsi, à l’instar du “Livre vert du supporterisme”, elle « encourage les clubs professionnels à ce que ces mesures répressives soient accompagnées par un renforcement des programmes de prévention auprès des supporters, comme il en existe déjà avec succès en Allemagne » .
Enfin, on aimerait alerter la LICRA et SOS Racisme sur un fait troublant : les associations de supporters qui, avant le dramatique 28 février 2010, luttaient ouvertement contre le racisme (Supras et Authentiks en tête) sont aujourd’hui les seules à ne plus être invitées à discuter avec les dirigeants du PSG. Bien sûr, du fait de leurs dissolutions, ces associations ne peuvent plus s’exprimer officiellement. Il n’empêche : faire taire les plus antiracistes pour lutter contre le racisme, ça interpelle.
Nicolas Kssis-Martov avec Quentin Blandin